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La science caprine se retrouve en Turquie

La 12e conférence internationale sur les chèvres a rassemblé à Antalya 350 scientifiques venus d’une quarantaine de pays. Extraits des recherches du monde caprin.

Tous les quatre ans, les scientifiques travaillant sur les chèvres se retrouvent pour partager leurs avancées de recherche. En septembre 2016, 350 chercheurs, ingénieurs et techniciens venant d’une quarantaine de pays se sont retrouvés à Antalya, en Turquie, à la douzième conférence mondiale de l’International Goat Association (IGA).

L’association qui fédère un réseau de chercheurs spécialisés dans l’élevage caprin est en charge de la publication Small Ruminant Research. Cette revue scientifique à comité de lecture publie des articles de recherche sur les chèvres, les moutons, les cerfs ou les lamas. Elle répond à l’injonction qu’ont les scientifiques de publier mais pratique néanmoins un sévère tri des articles. « Nous rejetons beaucoup d’articles pour préserver la qualité de la revue, explique Yan Landeau, le chercheur israélien et rédacteur en chef de la revue. D’autant que son intérêt réside dans la large couverture des domaines de recherche : génétique, alimentation, comportements, santé… ».

Publications scientifiques et expertises mondiales

Pourtant, depuis quelques années la visibilité de la revue, estimée par l’impact factor, a tendance à baisser. Le rédacteur en chef appelle donc à améliorer cet indicateur en évitant déjà de soumettre des articles trop appliqués, trop locaux, trop ésotériques ou trop simplistes. Le plagiat (y compris l’auto-plagiat), détecté par un logiciel, est aussi une pratique loin d’être anecdotique. Les articles cités dans d’autres journaux augmentant la visibilité de la revue, les reviews, qui font le point sur un sujet donné, sont les plus appréciées.

Beth Miller, la nouvelle présidente de l’International Goat Association, a présenté son projet de formaliser un groupe de consultants internationaux qui pourrait répondre à des appels d’offres quand une institution cherche des spécialistes caprins. Ce genre de demande existe à l’image de l’étude financée par le Fonds international de développement agricole (Ifad) pour montrer comment de petits projets peuvent devenir profitables à partir d’exemples népalais et sénégalais. L’association, qui compte 240 membres, devrait tenir sa prochaine conférence en Hongrie en septembre 2020.

Les promesses des feuilles du saule sur les concentrations cellulaires

Une équipe de chercheurs israéliens de l’unité « ressources naturelles » de l’Agricultural Research Organization a montré l’intérêt des feuilles de saule sur le nombre de cellules somatiques dans le lait de chèvre à la fin de la lactation. Les feuilles de saule contiennent en effet un large éventail de composés analgésiques et anti-inflammatoires - l’écorce du saule contient de l’acide salicylique dont dérive l’aspirine-. Dans l’expérience, 23 chèvres ayant mis bas depuis huit mois sont reparties en deux groupes. Un groupe, avec 2,3 millions de cellules dans le lait en moyenne, reçoit, en plus des 800 grammes de concentrés, 800 grammes de matières sèches de feuille saule. Les chèvres, en monotraite, sortent quatre heures par jour au pâturage dans le maquis méditerranéen. Alors que le groupe témoin voyait sa concentration cellulaire continuer d’augmenter, celui recevant du saule a vu son niveau cellulaire rester stable pendant les dix jours d’expérience. Après l’arrêt de la distribution des feuilles, les concentrations cellulaires ont augmenté de nouveau. Le traitement n’a eu aucun effet sur le rendement laitier mais a été associé à une diminution du taux protéique dans le lait. Ces recherches préliminaires suggèrent que les feuilles de saule ont un effet bénéfique sur la santé des chèvres en lactation tardive.

L’effet du colostrum baisse rapidement au réfrigérateur

Des chercheurs des Canaries (Espagne) ont confirmé que l’activité antimicrobienne du colostrum diminuait rapidement quand il était placé au réfrigérateur. Du colostrum de dix chèvres a été soit pasteurisé à 56 °C pendant une heure, soit à 63 °C pendant 30 minutes, soit écrémé. Aucune différence n’a été observée sur l’activité microbienne en boîte de Petri entre ces trois traitements. Par contre, un fort effet du temps a été détecté. Si l’activité antimicrobienne était respectivement de 16 %, 13 % et 11 % après 0, 2 et 4 jours de réfrigération, elle n’était plus que de 6 %, 4 % et 3 % après 6, 8 et 10 jours. « Nous recommandons de pas dépasser plus de deux jours à 4 °C » explique Anastasio Argüello de l’université de Las Palmas. Dans l’expérience, les colostrums avaient été préalablement congelés puis décongelés pour être analysés ensemble. Ces chercheurs ont par ailleurs testé l’ajout de micro-algues aux substituts du lait sur le système immunitaire des chèvres et des agneaux mais, hélas, sans succès.

En Inde, des limites pour réguler le pâturage

Les 135 millions de chèvres indiennes menacent la végétation mais permettent la survie des populations rurales pauvres et souvent mal éduquées. Pour tenter de réguler le surpâturage qui entraîne dégradations des terres et pertes de végétation, l’institut indien de gestion Kashipur a testé le plafonnement du nombre d’animaux auprès de 182 éleveurs de chèvres de six régions indiennes. Regroupés en conseil de village (« Panchayat »), les éleveurs fixent une limite maximale de pâturage. Le conseil de village accorde ensuite à chaque ménage un certain nombre de permis de pâturage. Les ménages qui ne respectent pas leur plafond peuvent acheter des permis auprès d’autres personnes qui ont un excédent.

Avec un objectif de réduction de 20 % de la pression de pâturage, les négociations intravillageoises n’ont généralement pas abouti à une réduction uniforme. Les villageois ont demandé un plus gros effort de réduction à ceux qui avaient le plus d’animaux, laissant intacts les droits de ceux qui n’avaient que trois chèvres. « La réduction du nombre de chèvres accroît la disponibilité en fourrage, observe Manab Chakraborty. La mise en œuvre par les groupes villageois traditionnels, plutôt que par l’administration, semble mieux acceptée par les populations. »

Les chèvres face au réchauffement climatique

Le chercheur israélien Nissim Silanikove a imaginé les conséquences du secteur laitier mondial face au réchauffement climatique. « L’effet indirect le plus important devrait être la réduction cruelle de la production mondiale de céréales, explique-t-il. Ce changement imposera un compromis à réaliser pour l’utilisation des sources alimentaires raréfiées entre la nutrition humaine et celle du bétail ». Le chercheur pointe aussi les contraintes thermiques et la pénurie d’eau liée à la salinisation. Certains pays désertiques et méditerranéens, comme la Turquie, le Mexique ou l’Espagne, commencent déjà à en subir les conséquences. « Parmi les ruminants domestiques, les chèvres sont les espèces les plus résistantes au stress thermique et à la pénurie d’eau » estime le chercheur. Dans les scénarios les plus extrêmes, l’importance des chèvres dans l’industrie laitière pourrait donc augmenter en proportion du réchauffement des températures.

International Goat Association : www.iga-goatworld.com/
Conférence IGA 2016 : http://icg2016.org/en/

L’effet des troubles dentaires sur la production des chèvres adultes a été étudié par une jeune vétérinaire turque. « Les dents sont la première étape de la digestion, rappelle Sema Cakir, la vétérinaire. Certes, les ruminants peuvent remastiquer les aliments à plusieurs reprises, mais les troubles dentaires peuvent entraîner une diminution de la production laitière et une perte de poids ». En observant au scanner et aux radios les têtes de chèvre à l’abattoir et en clinique vétérinaire, la chercheuse estime qu’une chèvre sur trois a des problèmes dentaires.

La supplémentation en bêtacarotène favorise l’ovulation des chèvres adultes selon une étude mexicaine. 10 chèvres adultes ont reçu une complémentation de 50 mg par jour de bêtacarotène pendant 55 jours, 34 jours avant et 17 jours après une ovulation provoquée par la pose et le retrait d’éponge. Comparées à des chèvres témoins, celles recevant du bêtacarotène ont produit plus d’hormones et notamment de progestérone qui joue sur le nombre de follicules.

La feuille de route pour éradiquer la peste des petits ruminants

« C’est très excitant de programmer l’éradication de la plus dévastatrice des maladies pour les petits ruminants » s’enthousiasme David Sherman de l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE). D’autant que la présence des petits ruminants coïncide avec les zones de pauvreté dans le monde. Selon les statistiques de la FAO, 58 % des chèvres sont ainsi recensées en Asie et 36 % le sont en Afrique. « Les chèvres sont d’une extrême importance pour les familles rurales des pays pauvres » explique le vétérinaire de l’OIE, listant les atouts du ruminant : adaptabilité à différents climats et à différentes tailles de troupeau, valorisation des terres marginales…

300 millions de familles touchées dans le monde (((FAMILLLE HUMAINE touchée par la peste on dirait-)

La peste des petits ruminants est une maladie contagieuse hautement infectieuse. Surtout présente dans l’hémisphère sud, elle continue de se répandre dans le monde, touchant par exemple cet été la Mongolie et ses 45 millions de petits ruminants. « La peste des petits ruminants touche directement 300 millions de familles dans le monde et les répercussions de la maladie sont estimées entre 1,4 et 2,1 milliards de dollars par an » calcule le scientifique. Avec un taux de mortalité proche de 100 % dans les troupeaux naïfs, cette maladie cause aussi fièvre, diarrhées, pertes de production et mort dans les zones où la maladie est installée.

Une tâche ambitieuse mais réalisable

Aussi ambitieuse que puisse sembler la tâche d’éradiquer une maladie de la surface du globe, se débarrasser de cette maladie semble cependant possible. « Il n’y a qu’un seul sérotype, et donc qu’un seul vaccin, il n’y a pas de réservoir dans la faune sauvage et l’immunité est acquise pour longtemps » explique David Sherman. Dans la feuille de route que l’Organisation mondiale de la santé animale a construite, l’éradication définitive est programmée pour 2030. Car pour vacciner correctement les animaux, il faut renforcer les services vétérinaires des pays pauvres pour qu’ils puissent surveiller, diagnostiquer et prévenir la maladie. Le protocole prévoit deux ans de vaccination suivis d’une à deux années de revaccination des jeunes animaux.

« L’éradication de la PPR améliorerait la sécurité alimentaire, réduirait la pauvreté et faciliterait les efforts en vue du développement durable. En 2011, grâce à un effort mondial coordonné par la FAO et l’OIE, la peste bovine a été éradiquée de la planète. Ces deux maladies sont proches et les outils disponibles pour les éradiquer sont similaires » conclut David Sherman. Suite à la Conférence internationale d’Abidjan au printemps 2015, l’initiative mondiale pour l’éradication est maintenant lancée.

D. H.

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