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En Chine, les subventions ne font pas produire plus de lait aux chèvres

La plus grande province caprine de Chine, le Shaanxi, souhaite doubler son nombre de chèvres pour atteindre cinq millions de têtes. Mais les aides publiques n’effacent pas les mauvaises pratiques d’élevage. Carnet de voyage d’un conseiller caprin néerlandais.

Les 2,5 millions de chèvres du Shaanxi représentent 65 % de la population totale de chèvres laitières en Chine. La production de lait y dépasse les 600 000 tonnes par an. Si la moitié des 2,5 millions de chèvres sont en production (jeunes et âgées confondues), cela ne représente encore que 400 à 500 kilos de lait par chèvre et par an. Plus de 80 % du lait est transformé en lait en poudre pour bébés, mais le yaourt gagne en popularité et des fabrications de fromages sont tentées.

Plusieurs grands acteurs sont présents dans le secteur de la transformation du lait de chèvre. Grâce à des subventions, la province souhaite stimuler encore davantage la production pour atteindre 1,2 million de tonnes de lait par an.

Des fromages au goût de riz gluant

La « ville technologique du lait de brebis et de chèvre de Chine », avec ses trois usines laitières situées à Yangling, en est un exemple. La laiterie Jengtin transforme quotidiennement 120 tonnes de lait de chèvre en lait en poudre pour bébés. Elle dispose d’une capacité de 300 tonnes par jour et se prépare à produire aussi yaourts et glaces. L’usine a un contrat de huit mois (mars à novembre) avec une coopérative. Les éleveurs réfrigèrent le lait du soir et, le matin, six camions viennent chercher le lait depuis des centres de collecte pour l’acheminer à l’usine. Des échantillons sont analysés dans le laboratoire de l’usine, notamment le taux de protéines : s’il est inférieur à 2,90 %, le prix du lait est revu à la baisse. Le prix de base équivaut à 0,89 euro le kilo.

Le groupe Meiling est un autre grand acteur avec son centre laitier Hongxing dans le comté de Fuping et sa laiterie d’une capacité de 600 tonnes par jour. En plus du lait en poudre pour bébés, on y produit du yaourt et, à titre d’essai, un fromage de type camembert doux et peu savoureux. Le groupe Meiling gère également plusieurs élevages caprins. Sur l’un des sites visités, une chèvrerie de 300 places était en construction pour venir en complément d’une chèvrerie « à l’ancienne », froide et sujette aux courants d’air en hiver.

Des biquettes à la baguette

Il existe aussi de nombreuses petites laiteries, comme une coopérative de 180 membres, chacun possédant plus de 100 chèvres laitières. Tout le lait est transformé en savoureux yaourt. Les éleveurs livrent leur lait dans le cadre de contrats annuels pour 0,85 euro le kilo. Le yaourt est vendu dans des bouteilles en verre de 170 millilitres à 1,05 euro. Les éleveurs ne sont pas obligés d’acheter les aliments auprès de la coopérative, mais cela leur procure un petit avantage financier. Étant donné que les chèvres sont inséminées à différents moments, des contrats annuels sont en place.

Dans le comté de Longxian, Herds Dairy a été fondée par un Anglais avec des fonds de la Banque mondiale. L’entreprise possède 4 500 vaches laitières et 4 000 chèvres laitières, et collecte également le lait d’autres grands élevages. Le lait de première qualité est payé 0,90 euro, le second 0,85 euro.

La station de reproduction Qianyang – longtemps dirigée par un professeur aux idées particulières – a un nouveau gestionnaire, aidé par l’Université agricole et forestière du Nord-Ouest. Un nouveau laboratoire y a été construit dans le cadre d’un programme de sélection. On y compte 1 400 chèvres et 800 boucs.

La grande muraille des fourrages

Actuellement, le plus grand élevage caprin laitier de Chine est détenu par la société Yili, en Mongolie intérieure, avec 11 000 chèvres laitières. Yili est aussi actionnaire majoritaire du néerlandais Ausnutria.

Presque toutes les chèvres du Shaanxi sont de race Saanen, avec quelques croisements locaux. Les Boers gagnent aussi en popularité. Les Saanen ont été introduites des États-Unis au début du siècle dernier, mais présentent désormais une certaine consanguinité. Ces dernières années, des chèvres ont été importées d’Australie. Malheureusement, les animaux importés de bons élevages australiens ne peuvent exprimer leur potentiel génétique en raison d’une gestion et d’une alimentation médiocres.

Beaucoup d’élevages présentent des problèmes de gestion. Les bâtiments sont encore conçus selon les normes officielles de l’époque : couloir central d’alimentation, chèvres des deux côtés, portes ouvertes vers l’extérieur, sols ajourés de matériaux divers, courants d’air et froid en hiver. Une fois les portes et les fenêtres fermées, la ventilation est mauvaise. Certaines exploitations gardent les chèvres en grands groupes sur un sol ajouré en béton, le fumier y est récupéré et vendu à bon prix. Quelques grandes exploitations ont installé des rideaux de ventilation, mais pas toujours de manière optimale. Beaucoup d’améliorations sont possibles concernant l’alimentation et la qualité du fourrage. Même si les fourrages (luzerne fraîche, foin de luzerne, ensilage de maïs) sont parfois de qualité moyenne, les chèvres en reçoivent souvent trop peu.

Les cornes donnent du goût ?

Les progrès génétiques resteront limités tant qu’il n’y aura pas d’insémination à grande échelle avec des boucs à la descendance connue. Sur presque toutes les exploitations visitées, plusieurs boucs étaient laissés avec les chèvres. L’identification et l’enregistrement sont très peu pratiqués. Même si la main-d’œuvre est bon marché et l’aliment relativement coûteux, l’augmentation de la production laitière individuelle passera d’abord par une meilleure gestion de l’élevage et de meilleurs fourrages.

Des recherches sont menées sur la génétique des chèvres. Ainsi, une importante étude porte sur le goût du lait de chèvre, sujet encore problématique pour les consommateurs chinois. Il aurait ainsi été démontré que le goût du lait diffère selon que les chèvres sont cornues, écornées ou naturellement sans cornes. Une laiterie souhaite désormais commercialiser ces laits séparément. Une fable chinoise à corne !

Article initialement paru dans Geitenhouderij

La Chine, un pays à part

La Chine est un pays à part et le pays a énormément changé. Le réseau routier a été massivement développé, avec des autoroutes à quatre et six voies, et le nombre de voitures électriques augmente chaque jour. Les fournisseurs sont tenus de reprendre les batteries usagées et de réutiliser un maximum de composants. L’électronique est stupéfiante : tous les paiements se font via téléphone mobile (NFC) et chaque Chinois a son téléphone à la main en permanence. Autrefois, les grandes villes étaient envahies par les vélos. Aujourd’hui, c’est le chaos entre scooters et fatbikes. Grâce aux trains à grande vitesse (250-300 kilomètres/heure), les distances entre villes ne posent plus de problème. Avec une place réservée et des horaires précis, tout se déroule à la minute près. L’embarquement dans les gares suit un protocole rigoureux.

Contexte

De retour de Chine

En septembre 2024, Piet Bijman, auteur de cet article, a visité la province chinoise du Shaanxi, la plus importante pour l’élevage caprin, à l’invitation de la Northwestern Agricultural & Forestry University à Yangling. Avec le spécialiste caprin de l’université, il a visité différentes régions de la province, donné des présentations et des formations, et rencontré de nombreuses exploitations. Sa dernière visite en Chine remontait à quatre ans.

Rédaction Réussir

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