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Des opportunités pour le lait biologique

Les laiteries françaises manquent de lait de chèvre bio. Les éleveurs qui convertissent leur exploitation peuvent bénéficier d’aides et de prix attractifs.

« Je trouve le bio très intéressant et enrichissant intellectuellement » a témoigné Michel Rambeau, éleveur de 160 chèvres à Ouzilly-Vignolles dans la Vienne, lors de la journée caprins bio de Poitou-Charentes et Pays de la Loire le 25 novembre dernier. « La partie caprine est assez facile mais sur l’agronomie, il y a beaucoup à apprendre. La conversion m’a permis de conforter mon salaire et l’exploitation fait désormais vivre deux personnes sur 33 hectares et 150 000 litres de lait. Le seul inconvénient ? J’ai été obligé de passer au réel » plaisante-t-il ! Ayant commencé par limiter le travail du sol pour y retrouver une forme de vie, il se met ensuite à sortir les chèvres, d’abord quelques heures par jour « plus pour le fun » puis se lance dans l’affouragement en vert et la production de méteils. Finalement, quand sa laiterie propose en 2013 de créer une collecte bio, il y est déjà presque.

Du lait importé de Hollande à 1,06 euro le litre

Les laiteries, plutôt en recherche de lait de chèvre bio ont des politiques assez incitatives. Six entreprises participaient à cette journée d’échange sur les perspectives de la filière caprine bio organisée par le pôle conversion bio, le Brilac et le Rexcap. « Notre système de prix du lait est indépendant du système conventionnel, a expliqué Bruno Inquimbert, directeur de la laiterie La Lémance, spécialisée dans le lait bio. Il est fixé pour trois ans avec une hausse régulière tous les ans. Cette année, il est de 0,75 euros le litre pour le lait d’été et 0,92 pour le lait d’hiver. » La laiterie qui collecte trois millions de litres de lait de chèvre bio sur tout le territoire annonce un potentiel de collecte de trois millions supplémentaires pour faire tourner ses usines. La fromagerie du Chêne vert en Dordogne collecte un million de litres de lait de chèvre bio auprès de 13 producteurs dans un rayon de 50 kilomètres. Déficitaire en lait bio, elle souhaite densifier sa zone de collecte et affiche un différentiel de prix de 37 % par rapport à la grille conventionnelle. L’Union laitière de la Venise verte, leader dans la production de poudre de lait de chèvre infantile a quant à elle commencé le chèvre bio en 2013 seulement. N’ayant aucun producteur caprin bio, le lait est acheté à la Lémance ou importé depuis la Hollande, à 1,06 euros le litre. Il y a donc de réelles opportunités de marché puisque les entreprises sont obligées de recourir à des laits extérieurs ou étrangers.

Obligation de pâturer dès que les conditions le permettent

Les aides régionales à la conversion et au maintien se veulent aussi incitatives. Elles reposent sur des contrats de cinq ans et permettent de bénéficier par exemple de 130 euros par hectares de prairies pour la conversion et 90 euros pour le maintien. Le fait d’être en bio donne aussi droit à une bonification de la DJA, et permet d’être prioritaire pour bénéficier des aides aux investissements du PCAE. Enfin, des aides permettent aussi de réaliser des diagnostics simulant les conséquences d’une conversion.

Les principales contraintes induites par le passage en bio de l’élevage sont liées à l’alimentation, qui devra être entièrement bio, produite sur l’exploitation ou en coopération pour 60 % minimum et contenir plus de 60 % de fourrages grossiers. Les animaux doivent en outre sortir au pâturage dès que les conditions le permettent. Avec les problèmes de parasitisme et d’accès aux prairies, c’est ce dernier point qui soulève le plus de difficultés. Quant aux chevrettes, elles doivent être nourries au lait bio, maternel de préférence pendant au moins 45 jours. Pas facile non plus quand il n’existe aujourd’hui aucune poudre de lait bio pour l’alimentation animale. L’utilisation de poudre de lait conventionnelle est considérée comme un manquement et l’animal est déclassé. Il sera à nouveau considéré bio après 6 mois, comme un nouvel animal entrant sur l’exploitation.

Un revenu conforté, mais un peu plus sensible aux aléas

La chambre d’agriculture des Deux-Sèvres a réalisé une simulation économique du passage du conventionnel au Bio. « Je suis partie d’une exploitation de départ avec 230 chèvres, produisant 202 500 litres de lait payés 630 €/1000 litres », explique Angélique Roué, conseillère caprin. Les 40 hectares de SAU de cette exploitation de départ se répartissent entre 17 ha de céréales pour la vente et 23 ha de prairies. La ration au pic de lactation se compose de 1,7 kilo de matière sèche de foin moyen, 1,1 kilo d’une chèvre laitière 18 %, 350 grammes de correcteur azoté et 500 grammes de bouchon fibreux.

« Dans l’hypothèse d’une conversion à l’agriculture biologique, l’éleveur devrait d’abord baisser son cheptel à 200 chèvres pour ramener le chargement, trop élevé, de dix à sept chèvres par hectare de surface fourragère principale, commente la conseillère. Il devrait également faire évoluer son assolement pour implanter plus de prairies (28 hectares) et des céréales pour l’autoconsommation (9 hectares de méteil et trois hectares de céréales pures) ». La ration passe ainsi à 2,2 kilos de foin ou de pâturage, complétée par 500 g de méteil et 150 g de céréales autoconsommés, ainsi que 200 g de maïs grain et 100 g de correcteur azoté acheté. « On peut anticiper une diminution de la production laitière à 140 000 litres du fait de la baisse de cheptel et d’une moindre productivité à l’animal à cause des occurrences de parasitisme au pâturage ». La valorisation du lait par contre est améliorée et passe à 810 euros aux 1000 litres.

La rémunération passerait de 0,95 à 3,3 smic/UMO

Au bilan, les charges d’alimentation diminuent fortement du fait de la plus grande autonomie alimentaire. Par contre, se rajoutent aussi dans les charges l’achat de paille du fait de la moindre production de céréales, l’investissement dans du matériel de stockage pour les céréales autoconsommées, des frais de surfaces supplémentaires car plus de surfaces sont affectées à l’atelier caprin et l’adhésion à un organisme certificateur pour le bio. De plus, rapportés aux 1000 litres, l’ensemble des postes de charges augmentent légèrement, car ils sont moins dilués du fait de la baisse de la production laitière. En parallèle, tous les postes de produits augmentent, du fait du meilleur prix du lait, d’une meilleure valorisation de la viande et des aides au bio, ce qui compense amplement la hausse des charges. Dans cette simulation, la rémunération permise par l’atelier caprin passe ainsi de 0,95 smic par UMO à 3,3 smic. « Cette évolution importante est liée au fait que la simulation est partie d’un cas extrême avec une très faible autonomie alimentaire, tempère Angélique Roué, alors qu’en règle générale, on passe par des étapes intermédiaires ». Par contre l’exploitation étant très spécialisée, elle devient plus sensible aux aléas sanitaires et climatiques. Une variation de 50 litres de lait par chèvre par exemple suffit à faire varier le revenu de 0,5 smic.

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