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De la viande de cabri en octobre

Goatober veut promouvoir la viande de cabris lourds. L’occasion de revenir sur les défis de la viande caprine et les promesses du projet Valcabri.

Le projet Goatober fait partie d’un vaste programme européen Food Heroes qui vise à valoriser les pertes alimentaires en agriculture. La viande de chèvre bénéficie ainsi d’un soutien similaire à celui des poussins mâles des volailles pondeuses ou à celui des fruits et légumes déclassés. « Aux Pays-Bas, en Allemagne, eu Grande-Bretagne, la consommation de lait de chèvre augmente mais les chevreaux sont considérés comme des déchets, explique Nicolas Chomel de Laval Mayenne Technopole. Les éleveurs hollandais doivent même payer pour se débarrasser de leurs chevreaux vivants. »

En France, le chevreau a encore une valeur et la Fnec, la Fédération des éleveurs de chèvre, veut tout faire pour la développer. Aujourd’hui, le chevreau de lait de quatre semaines représente le gros du marché. La production est très saisonnée, avec un pic en mars avril, et très concentrée puisque plus des deux tiers des chevreaux sont engraissés par une soixantaine d’engraisseurs spécialisés. « Cette sous-traitance de l’engraissement ne date que des années quatre-vingt-dix », remarque Franck Moreau, vice-président de la Fnec et président d’Interbev caprin. Le secteur aval est également très concentré puisque trois abatteurs réalisent 85 à 90 % des volumes. La viande de chevreau est majoritairement exportée. En France, la filière reste mal connue mais la viande est consommée principalement par les communautés antillaises et musulmanes.

Un prix minimal pour prendre soin des chevreaux

Depuis sa création en juin 2014, la section caprine d’Interbev a pu modifier le code charcutier pour que l’on puisse utiliser le terme « rillettes » pour la viande caprine. L’interprofession a surtout réalisé une photographie de la filière et a travaillé sur la relance de la consommation avec l’objectif d’écrêter le pic de printemps avant ou après Pacques. Cela s’est traduit par trois campagnes de communication « Oh du chevreau ! » à ce jour. Suite aux États généraux de l’alimentation, le plan de filière de la viande caprine vise surtout à faire de cette viande un coproduit plutôt qu’un sous-produit du lait. Le plan prévoit donc de faire (re) découvrir la viande de chevreau au consommateur et de développer des marchés valorisants à l’export. La filière veut aussi améliorer la présentation du chevreau (barquette, portion individuelle, conservation…). Interbev travaille aussi à la création d’une charte des bonnes pratiques de production du chevreau, préalable à une contractualisation et une fixation du prix minimum du chevreau naissant. « Les chevreaux sont peu valorisés à part une ou deux semaines par an, explique Franck Moreau. L’éleveur passe alors peu de temps à lui donner du colostrum et désinfecter le cordon, ce qui pose ensuite des problèmes chez les éleveurs engraisseurs. Nous voulons changer ces pratiques mais il faut pour cela que l’éleveur ait une rémunération garantie. Il faut aussi organiser la collecte et l’abattage dans les zones à faible densité caprine. »

Remettre un peu plus de viande sur les os

Le développement de l’engraissement du chevreau à la ferme est aussi une intéressante piste de travail. « On élève nos chevrettes dans de bonnes conditions, on doit pouvoir élever nos mâles aussi », affirme Franck Moreau qui garde les cabris sur sa ferme depuis 26 ans. Avec une dotation du Casdar de près d’un demi-million d’euros, le projet Valcabri, porté par l’Institut de l’élevage et la Fnec, va tester différents types génétiques pour la production de viande, notamment par des croisements avec des races à viande. Le projet va aussi comparer gustativement et économiquement les chevreaux sous la mère à ceux élevés au lait reconstitué. Valcabri veut aussi revoir l’offre en testant des chevreaux plus âgés, mieux formé et redécoupé différemment. « Il faut redécouvrir ces différents formats car un cabri à 15 kilos de carcasse n’a rien à voir avec un chevreau de lait 5 kilos de carcasse ».

Avis d’éleveur

« Je vends mes chevreaux engraissés »

« L’an dernier, sur ma centaine de chevreaux et chevrettes nés sur la ferme, j’en ai gardé une dizaine pour le renouvellement, j’en ai vendu une quinzaine comme reproducteur et le reste a été vendu pour la viande. Une cinquantaine est partie à moins de quinze jours pour être engraissé par OviOuest. J’en ai engraissé une trentaine que j’ai vendue à un mois environ à OviOuest, en direct à la ferme en colis à deux mois et à sept mois à des restaurateurs pour Goatober. Ceux que je vends en direct reçoivent le colostrum et le lait des mères puis du lait de vache bio et parfois du lait de chèvre pour avoir moins de lait à transformer le week-end au pic de production. J’ai calculé mes coûts de revient et un chevreau lourd de sept mois me revient à 195 euros en comptant le temps de travail. Les cabris de 28 à 34 kilos ont donné de 12 à 16 kilos de carcasses. C’est une valorisation intéressante mais cela demande du travail et de l’énergie pour la vente et la promotion du produit. Cela permet aussi de rappeler aux consommateurs qu’il n’y a pas de fromage sans chevreaux. Par contre, je m’inquiète car mon abatteur, pourtant à 10 km de la ferme, m’annonce ne pas vouloir en prendre davantage… »

Le saviez-vous ?

Goat + October = Goatober

Goatober tire son nom d’un événement créé en 2011 à New York puis repris en 2016 en Grande Bretagne par James Whetlor. Avec son entreprise Cabrito, ce Britannique original veut amener les éleveurs de chèvres à garder leurs chevreaux mâles et les élever six mois, jusqu’en octobre, et faire découvrir la viande de cabri aux restaurateurs et aux consommateurs. Le projet Goatober vise à développer ce concept en France (lors du Nantes Food Forum et en lien avec la semaine du goût notamment), aux Pays-Bas et en Allemagne. En France, l’initiative a commencé doucement avec cinq restaurateurs des Pays de la Loire approvisionnés par Emmanuel Hardy, un éleveur de Mayenne.

Vient de paraître : Goat cooking and eating

Le chef James Whetlor, créateur de la filière viande de cabri en Angleterre avec son entreprise Cabrito, présente 90 recettes de cabri mitonné, saisi, rôti, au four ou au barbecue. Sublimées par d’appétissantes photos, les recettes (en anglais) revisitent l’osso bucco, le schnitzel, la brochette, le burger ou les raviolis à la sauce caprine. L’ouvrage raconte (toujours en anglais) comment la viande de chèvres est présente dans nombre de cultures alimentaires du monde.

208 pages – 20 livres (22 euros environ) – Éditions Quadrille

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