Aller au contenu principal

Climat
Adapter la production fourragère aux sécheresses

Les rencontres des chercheurs de l´Association française pour la production fourragère de mars dernier a permis de balayé toute une palette d´adaptations envisageables pour faire face au nouveau défi climatique en élevage.

© J. Davis/Pixabay


« La France n´est pas menacée d´aridité mais force est de constater que les évènements de sécheresse comme celui de 2003 sont amenés à se reproduire » prédisait Bernard Itier de l´Inra de Montpellier en introduction des deux journées de l´AFPF(1) consacrées à la sécheresse. En effet, depuis 1985, une année sur deux connaît des épisodes de sécheresse, c´est-à-dire une période avec un déficit hydrique marqué, dans une ou plusieurs régions de France. La prise en compte de ce risque s´impose maintenant plus que par le passé et la sécheresse n´est plus un aléa climatique extraordinaire mais plutôt un état fréquent et prévisible du climat à un moment donné.
Or, l´augmentation de la fréquence des sécheresses au cours des dernières années rend les systèmes d´élevage plus vulnérables. Les systèmes basés sur l´utilisation de l´herbe sont, en effet, plus touchés en raison de la forte saisonnalité de la croissance de l´herbe. « La production d´herbe connaît de très grande variation, explique Gilles Lemaire de l´Inra de Lusignan (86). Elle peut varier de 50 % d´une année sur l´autre alors que la production de céréale, par exemple, ne varie guère au-delà de 20 %. »
Pour autant, le rendement total fourni par les prairies ne devrait pas varier de manière significative, même à une échelle de long terme (2070-2100), de l´ordre de 0,3 tonne de matière sèche par hectare.

Pâturage étalé, céréales immatures, luzerne et sorgho
En revanche, il est vraisemblable que l´on s´achemine vers un changement des périodes de pousse : plus d´herbe au printemps et en automne, et l´été une production aléatoire avec une forte incertitude sur la reprise effective à l´automne en fonction de l´intensité de la sécheresse estivale. Pour faire face à ces bouleversements annoncés, l´agriculture n´a d´autre choix que de s´y acclimater. Plusieurs chercheurs, techniciens et éleveurs testent déjà des moyens d´adapter les systèmes fourragers. Pour Gilles Lemaire, la première des mesures à prendre est la baisse du chargement ainsi qu´un changement dans les pratiques de pâturage.
Un pâturage qui pourrait s´étaler plus largement sur l´année afin de valoriser la croissance d´herbe permise par les ressources naturelles en eau de la période hivernale. Les stocks fourragers serait alors réservé le plus possible aux périodes de pénurie d´herbe en été. « La culture de plantes réalisant l´essentiel de leur croissance dans les périodes où la sécheresse est limitée » est également une voie à développer selon Gilles Lemaire.

C´est le cas des céréales, qui peuvent être ensilées à un stade immature, en fin de printemps, moment où l´éleveur peut déjà évaluer le risque de sécheresse à venir. C´est également un des avantages du maïs avec sa double utilisation possible (grain ou ensilage) qui peut être orientée selon les besoins et une fois l´accident climatique passé. Autre voie d´adaptation possible pour les systèmes fourragers : l´utilisation plus systématique de la luzerne. « La luzerne est naturellement adaptée à la sécheresse grâce à un enracinement profond » estime Gilles Lemaire. Le sorgho grain ensilé peut aussi devenir une alternative au maïs ensilage, notamment dans les régions sèches du Sud-Est, du Sud-Ouest et du Centre-Ouest. « En conditions limitantes en eau, le sorgho a un potentiel de production de matière sèche qui s´avère plus élevé que le maïs », explique-t-il. Quoi qu´il en soit, chaque élevage devra ensuite adapter ses solutions à son parcellaire et sa région climatique. Ainsi, la pratique de la pâture des reports sur pied en été, quoique intéressante, ne fonctionne pas dans toutes les zones géographiques.


Multi-espèces et nouvelles espèces prairiales
Le changement des compositions prairiales est une autre voie d´adaptation intéressante. Ainsi, plusieurs intervenants ont montré du doigt l´intérêt des prairies multi-espèces (mélanges associant plusieurs graminées et plusieurs légumineuses) pour maintenir un niveau de production en conditions de déficit hydrique estival que ce soit pour la pâture ou la fauche. « La production de matière sèche annuelle des prairies multi-espèces est toujours supérieure à celle de l´association ray-grass anglais-trèfle blanc, présente Sabine Battegay, ingénieur régional Arvalis-Institut du végétal à Rennes. Et l´écart de production peut atteindre 80 % en conditions de sécheresse estivale marquée. » Ces compositions sont à adapter en fonction du type de sol et du mode d´exploitation propre à chacun.
S´il n´est, hélas, pas possible d´avoir des plantes qui poussent sans eau, Jean-Louis Durand de l´Inra de Lusignan prédit, lui, des évolutions génétiques probables des plantes vers une plus grande résistance à la sécheresse. La création variétale inclut d´ailleurs de plus en plus ce critère dans la sélection de nouvelles variétés de fourrage. C´est le cas par exemple de l´Inra qui a développé un hybride entre le ray-grass et la fétuque, espèce plus résistante à la sécheresse. Le festulolium ainsi créé résiste mieux au déficit hydrique grâce notamment à ses racines plus profondes. Face aux risques de sécheresse, l´élevage devra réaliser d´importantes mutations pour s'adapter.

 

 

 

 

 

 


La France va vers des étés plus secs et plus chauds et des hivers plus arrosés et plus doux.

Source : « Premiers éléments de prospective sur les conséquences des changements climatiques au niveau des prairies et du maïs » - AFPF


(1) AFPF : Association française pour la production fourragère. (www.afpf-asso.org)

 

Les plus lus

<em class="placeholder">tank à lait dans une chèvrerie de la Sarthe</em>
« Dans les Pays de la Loire, j’ai pensé ma chèvrerie et mon élevage bio pour travailler seule »
Marlène Thibault conjugue efficacité, confort et autonomie dans sa chèvrerie bio, bien pensée pour une femme seule.
Carte d'estimation de la date de récolte pour le maïs fourrage en 2025
Ensilage de maïs : les premiers chantiers dès la mi-août
Des premiers ensilages de maïs sont attendus dès la mi-août dans plusieurs régions en raison d’un cycle végétatif avancé lié à un…
<em class="placeholder">Purge dans une salle de traite</em>
« Ne pas remettre le lait de purge dans le tank »
Vider le lait de purge dans le tank est une habitude risquée, car cette zone trop souvent mal nettoyée concentre des bactéries…
« Je mesure précisément le temps de travail sur mon élevage de chèvres »
Depuis cinq ans, Jean-Yves Rousselot, éleveur de 400 chèvres dans les Deux-Sèvres, utilise l’application Aptimiz pour mesurer…
<em class="placeholder">Moulage des fromages fermiers dans le Rhône</em>
À La ferme de Chasse Nuage dans le Rhône : « Nous chassons les grammes de fromage superflus »
Dans le Pilat rhodanien, La ferme de Chasse Nuage cultive l’art de transformer chaque litre de lait en fromage de qualité… jusqu’…
<em class="placeholder">Chèvre au pâturage en Ardèche </em>
Gérer le parasitisme des chèvres par les strongles gastro-intestinaux
La maîtrise du parasitisme des chèvres au pâturage repose sur un suivi coprologique régulier, des traitements ciblés et une…
Publicité
Titre
Je m'abonne
Body
A partir de 96€/an
Liste à puce
Accédez à tous les articles du site Réussir Chèvre
Consultez les revues Réussir Chèvre au format numérique, sur tous les supports
Ne manquez aucune information grâce à la newsletter Réussir Chèvre