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« L’avenir de la culture de la châtaigne est dans la transformation »

Philippe Ménard, producteur de châtaigne en Charente-Maritime, mise sur la faune auxiliaire et particulièrement le frelon européen pour lutter contre carpocapse.

Philippe Ménard est un passionné de fruitier de haute futaie. « J’étais auparavant conseiller technique arboricole et plus particulièrement sur châtaigner, ce qui m’a permis d’acquérir beaucoup d’expérience sur cette culture que j’affectionne particulièrement », raconte l’arboriculteur de Haute Saintonge. Les premières plantations ont commencé en 1990 avec deux hectares, puis trois hectares supplémentaires en 1995. Ce n’est qu’en 2014 qu’il se consacrera à temps plein à cette activité de production.

Aujourd’hui, il dispose de huit hectares et d’environ 900 arbres conduits en axe central, de cinq variétés différentes : l’historique Bouche de Bétizac, mais aussi Précoce Migoule, Marigoule, Bournette et Jeannette, la dernière arrivée en 2022. Elles lui permettent de couvrir une large saison, avec des débouchés à la fois en châtaigne de bouche et en transformation. Le rendement se situe entre 18 et 20 tonnes en moyenne, mais peut osciller entre 12 à 21 tonnes, dont trois consacrées à la transformation depuis 2016. « J’ai un chiffre d’affaires de 50 000 €, avec des charges d’environ 20 000 € hors transformation qui comprennent deux saisonniers pour la récolte pendant deux semaines », estime le producteur.

Des arbres matures qui consomment autant que le maïs

En 2018, il effectue une transition en AB par convictions personnelles, mais aussi grâce aux aides à la conversion. « Et à cause du voisinage, les traitements se faisaient par hélicoptère contre le carpocapse du fait de la hauteur des arbres, et les riverains voyaient ça d’un très mauvais œil », explique Philippe Ménard. En effet, comme le châtaigner est le plus grand fruitier d’Europe, le travail de gestion du volume de l’arbre n’est pas évident. « L’outil de taille, c’est la tronçonneuse », s’amuse le producteur. Il taille le tiers de la surface du verger chaque année, le bois est sorti de la parcelle et réutilisé en bois de chauffage ou broyé.

Pour contrer ces exportations de matière organique, un amendement du sol en fumure est réalisé en une fois, à raison de 100 tonnes de matière organique apportées par an sur les huit hectares. « J’ai la chance d’avoir un élevage de poules pondeuses bio qui me fournit les fientes. L’alimentation organique a beaucoup boosté les arbres », observe le producteur. Il dispose également d’une irrigation semi-enterrée avec sprinkler au pied des arbres. « J’envoie 1 m3 par arbre par semaine, mais je manque de ressource en eau. Des arbres matures ont des besoins qui correspondent à ceux du maïs, autour de 2000 m3 par hectare par an », déplore-t-il. L’entretien du sol est réalisé trois à cinq fois par an avec un broyeur Facma XPEL qui nivelle l’inter-rang.

Un travail superficiel du sol pour briser le cycle du carpocapse

« Je passe régulièrement égourmander, ce qui me permet d’observer les troncs et de voir les chancres causés par Cryphonecria pour les traiter immédiatement », explique Philippe Ménard. Depuis qu’il n’utilise plus de glyphosate, les adventices les plus problématiques sont le lierre et les ronces. La gestion du carpocapse reste le problème principal depuis l’arrêt des substances chimiques . Le producteur cumule les alternatives pour se prémunir : il a investi dans une machine surdimensionnée pour pouvoir passer entre trois et six fois sous les arbres et récolter la totalité des châtaignes. Le but est d’empêcher le carpocapse de descendre dans le sol où il est inatteignable. Le ravageur sort du sol avec un pic des émergences entre le 1er et le 15 août. Durant cette période, le producteur effectue alors deux broyages à faible vitesse dans l’après-midi, quand les chatons tombés au sol sont secs, pour préparer le sol à la récolte et déranger les larves. « Je n’utilise pas de phéromones de confusion, j’y ai vu une efficacité, mais pas suffisante pour continuer à l’utiliser », estime le producteur. Avoir une canopée ouverte avec de la lumière qui atteint le sol permet d’attirer des auxiliaires comme les oiseaux et favoriser les auxiliaires naturels.

Favoriser la faune auxiliaire avec des aménagements en verger

Il a d’ailleurs installé des cabanes à mésange bleue et mésange charbonnière qu’il renouvelle régulièrement, ainsi que des cabanes à chauves-souris et une cabane à frelons européens. « Les frelonières de Vespa crabo reviennent tous les ans au même endroit, la difficulté c’est de les faire venir une première fois », témoigne le producteur qui est aussi apiculteur amateur. Il a lui-même introduit des reines dans ses frelonières.

Le frelon européen consomme beaucoup de lépidoptères et travaille 24 h sur 24. De plus, il est capable de prélever en vol les adultes en plus grand nombre que les chauves-souris. Il leur faut seulement des ronciers et du frêne à proximité. L’arboriculteur n’a pas fini de s’enthousiasmer de cet auxiliaire. Bien qu’il souhaite prendre sa retraite l’année prochaine, il compte garder deux rangs de châtaigner et la pépinière pour continuer à transformer des châtaignes et garder l’accueil pédagogique à la ferme.

La vente directe pour une meilleure valorisation

Farine, crème, purée… « L’avenir est dans la transformation et l’enjeu est de savoir vendre le produit », estime Philippe Ménard. Après son passage en bio, il a pu vendre sa farine de châtaigne dans des magasins de producteurs locaux. Il a développé dans le même temps une boutique à la ferme en vente directe pour le reste de la transformation. Il vend également sur les marchés gourmands l’été et aux abords des fêtes de fin d’année. La réception de classes et de groupes à la ferme pour une découverte de la culture et de la transformation permet d’attirer également les clients potentiels. Seule la farine est transformée sur place, la crème de marrons est mise en pot par Philippe et sa femme Florence dans un laboratoire extérieur. C’est Florence qui s’occupe également à mi-temps de tenir la boutique. Ce mode de commercialisation permet une valorisation plus importante de la production de l’arboriculteur. « Avec un prix de vente de 2,50 € le kilo de châtaigne lavé et trié au négoce, c’est plus intéressant de faire de la transformation avec une valorisation qui équivaut à 10 €/kg », explique le producteur. Il mise avant tout sur la qualité de ses produits qui lui permet d’obtenir ces niveaux de valorisation.

Parcours

1990 : premières plantations sur deux hectares

2014 : arboriculteur à temps plein

2016 : début de l’atelier de transformation

2018 : conversion en bio

2023 : huit hectares avec 900 arbres, winq variétés

Une pépinière de greffage en complément

Philippe Ménard s’est toujours fait ses plants de châtaigniers. « Au départ, j’ai commencé mon activité de pépiniériste en parallèle de mon travail salarié. Puis les gens m’ont demandé de leur vendre des plants, j’ai dû affiner ma technique », évoque le producteur. Il produit environ 2 000 arbres par an, en franc ou greffé, sur sa pépinière de 500 m². Cet atelier nécessite, entre mai et juillet, un jour de travail par semaine. 80 % de sa production est vendue en marcottes, pour un arrachage à la main en novembre et une mise à disposition début décembre. Les clients, une quarantaine par an, sont très divers. « Ça va du particulier à l’arboriculteur en passant par l’agriculteur en quête de diversification. Le client type plante environ un demi-hectare par an », explique Philippe Ménard. Le pépiniériste fournit le plant greffé ou alors le porte-greffe et les instructions pour greffer soi-même. « Mais la greffe est très compliquée sur châtaigner », prévient le producteur.

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