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Olivier Mével, consultant en stratégies des entreprises agroalimentaires
Sortir la viande de l’anonymat

Le rapport de soumission qu’impose la distribution aux producteurs de viande entraîne une situation intenable qui incite les éleveurs à décapitaliser.

Olivier Mével est consultant indépendant des entreprises agroalimentaires et Maître de conférences en sciences de gestion. Il a réalisé sa thèse de doctorat au sein d’une centrale d’achats du groupe Leclerc.
© C. Delisle
Quel regard portez-vous sur la chute de valeur ajoutée des producteurs de viande bovine ?
Olivier Mével - La filière viande bovine se heurte aujourd’hui à trois murs. Le premier est constitué par les abatteurs/transformateurs qui forment une structure de marché très concentrée. Cet oligopole a peu de caractéristiques d’innovation contrairement à la filière avicole et se contente d’exploiter sa rente de situation face au second mur auquel la filière doit faire face : la distribution. Les GMS jouent le petit jeu très spécifique du prix bas. Dans les rayons libre-service et boucherie traditionnelle, deux viandes sont indispensables : le porc et la viande rouge. Or, pour conserver un volume de marge constant sur le rayon, les distributeurs utilisent le déport de marges (revenue princing) entre espèces. Ainsi, si le porc est cher, la prise de marge sera supérieure sur la viande rouge qui aujourd’hui représente la première promotion du magasin en termes d’intérêt pour le consommateur. C’est l’élément qui fait se lever Martine (autrement dit la femme qui achète la viande pour le foyer) et qui incarne le troisième mur : le mur de la consommation. Le passage à l’anonymat de la viande rouge, organisé par les industriels et les GMS pendant plus de 50 ans, porte préjudice à la filière car aujourd’hui, 'Martine' cherche la levée de cet anonymat d’où la crise de commercialisation. L’incarnation de la viande par l’éleveur est la seule possibilité de lever l’anonymat afin de redonner sourire et confiance à Martine. La relance de la consommation de viandes est à ce prix.
Les attaques anti-viande, les recommandations de l’Anses, ne font-elles pas partie des causes de la diminution de la consommation ?
O. M. - Je ne pense pas que cela soit la première raison de la baisse de la consommation. Sinon, comment expliquer l’augmentation de la vente directe et de l’e-commerce autrement que par le fait que le consommateur veuille rendre à la viande son identité. C’est donc bien que Martine recherche cette association éleveur-consommateur. D’autre part, lorsque l’on voit le succès dans la filière laitière de la marque ‘C’est qui le patron’, on se rend compte qu’elle accepte de payer plus cher à condition que l’on redonne une identité au produit. Or cela, la vieille association (industriels-GMS) est incapable de le faire. Il revient donc aux éleveurs et aux coopératives de s’engager très fortement auprès des consommateurs afin de les rassurer sur l’identité, l’image et la confiance. J’accuse par ailleurs Intermarché et Leclerc d’être en partie responsables de la crise de la filière bovine en ayant intégré verticalement les outils de transformation ce qui créée une situation de concurrence déloyale avec les autres distributeurs, par leur politique de prix bas.
Comment retourner ce rapport de forces au profit des éleveurs ?
O. M. - Je suis très positif pour la filière, c’est une question de réorganisation des quatre maillons (éleveurs, industriels, GMS, consommateurs) dont deux seulement sont indispensables : éleveurs et consommateurs. Un match terrible s’annonce donc entre industriels et GMS car un maillon est de trop en termes de marges. Soit on trouvera des associations éleveurs – industriels – consommateurs et la GMS ne sera qu’un prestataire de distribution, soit on aura éleveurs – GMS – consommateurs avec des industriels prestataires de services. Je tiens par ailleurs à féliciter la démarche ‘Éleveur et engagé’ (cœur de gamme) qui représente une vraie nouveauté dans un univers qui régulièrement en manque. Mais cette démarche ne peut pas rester soutenue à bout de bras par deux seules enseignes (Carrefour et Système U). Leclerc, Casino, Intermarché et Cora doivent absolument les rejoindre. Les coopératives doivent entreprendre avec l’éleveur de nouvelles démarches visant à remonter les prix de 50 centimes à un euro. La propriété des viandes doit demeurer plus longtemps aux mains des coopératives afin de capter plus de valeur ajoutée. Il faut également un droit à l’image payant pour les éleveurs. Les coopératives ont une carte à jouer auprès des consommateurs.
Que pensez-vous des chiffres de l’observatoire des prix et des marges ?
O. M. - Il revient aujourd’hui à l’observatoire des prix et des marges d’expliquer aux consommateurs que, grâce au cœur de gamme, la situation peut s’améliorer pour des centaines d’éleveurs et qu’il convient donc pour cela de soutenir cette démarche par leur consommation. Or, Philippe Chalmin (président de l’observatoire) était une nouvelle fois totalement absent du débat. Où était-il en 2016 quand il devait exposer les calculs de l’observatoire aux éleveurs qui aboutissent tous à la même conclusion : circuler il n’y a rien à voir. C’est inadmissible. L’observatoire produit des chiffres tellement différents de la réalité rencontrée sur le terrain. Or, son rôle est de rendre compte d’une image fidèle et sincère des prix et des marges, ce qui n’est pas le cas.
L’éleveur doit redonner à la viande son identité

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