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Blés panifiables 2023 : une bonne récolte, malgré une tendance à la prise d’élasticité

Les blés récoltés cet été affichent une plus forte élasticité en panification. Ce trait est gommé par le mélange des blés, malgré un panel de variétés cultivé parfois restreint.

De gauche à droite : Benoît Méléard (Arvalis), Arnaud Coisnon (Lesaffre Panification France), Adeline Streiff (Arvalis), Michel Bilheude (Le Labo Meunier-Banette) et Sébastien Abert (Eurogerm) ont partagé, le 26 septembre devant des meuniers, leurs premières observations concernant la qualité boulangère des blés de l’année.
© Lucille Legaignoux

Arvalis a convié, le 26 septembre, plusieurs observateurs de la qualité des blés (Comptoir Meunier, Eurogerm et Lesaffre) pour une restitution des premières tendances qualitatives de la récolte 2023 auprès des meuniers français. L’occasion de croiser leurs résultats à différents stades de valorisation des blés en farines panifiables.

 

Une répartition qualitative de plus en plus régionalisée

Concernant les caractéristiques physicochimiques notables de la récolte 2023, Adeline Streiff, ingénieur au pôle qualité technologique et sanitaire des céréales d’Arvalis a relevé un gradient concernant le PMG (poids de mille grains) avec des plus petits grains qu’en 2022 au Sud et de plus gros au Nord. La dureté et le taux d’amidons endommagés sont pour leur part plus faibles dans les régions septentrionales, supérieurs dans les zones médianes et stables au Sud.

Les taux de cendres s’avèrent également plus élevés, surtout en Bourgogne/Franche-Comté. Cette tendance a conduit les meuniers à modérer leur taux d’extraction pour ne pas affaiblir la qualité de leur farine et respecter le type de farines témoignaient-ils depuis l’assistance. Désormais, « nos réglages sont remis en cause tous les ans, ce qui était moins le cas il y a une décennie », ont-ils complété. Une illustration des aléas de production de plus en plus fréquents du fait du dérèglement climatique.

Si la majorité des blés meuniers se situent entre 11 et 12% de protéines, quantités et qualités s’avèrent aussi irrégulières selon les zones de cultures. S’il y a bien une tendance qui se confirme au fil des campagnes, c’est la plus grande variabilité des résultats selon les terroirs, a témoigné l’ensemble des participants de la journée. De quoi alimenter une réflexion sur la présentation des qualités afin de faire ressortir les spécificités régionales.

 

 La prise d’élasticité, trait commun des blés 2023

L’indice d’élasticité (Ie) moyen des blés récoltés cet été se révèle « bien supérieur à la moyenne des cinq dernières années », avec 83% de la collecte à plus de 55% d’Ie (sur mouture d’essai), note Adeline Streiff. Un excès tout de même moins marqué qu’en 2021. Le gluten index atteint aussi un niveau beaucoup plus élevé que l’an passé. « Ces deux critères attestent d’un réseau de gluten plus résistant. » Résultat, au fournil, les pâtes obtenues à partir des moutures d’essais de variétés pures ont tendance à être courtes avec un léger collant.
La prise d’élasticité a aussi été relevée par Michel Bilheude, boulanger du fournil d’essais du Labo Meunier. Les tests, physicochimiques et de panification, menés sur des lots de 7 variétés fournis par des obtenteurs et quelques meuniers, soulignent un lissage tardif, en fin de pétrissage, contrairement à ce qui était observé l’an dernier. Cette fois, il est préférable de poursuivre le pétrissage jusqu’au bout. On note aussi un manque d’allongement. Néanmoins la tenue à la mise au four et le développement des pains se révèlent bonnes. Côté aspect, les mies affichent une teinte jaune, parfois très marquée selon les variétés. Une seule des 7 observées par le Labo Meunier est plutôt blanche (Complice). Les croûtes sont en revanche pâles. La section des pains est ronde, mais le coup de lame parfois étriqué.

Une offre variétale concentrée

Se pencher sur la qualité des blés disponibles pour les meuniers suppose de s’intéresser à leur répartition sur le territoire national.
« La majorité des blés tendres cultivés sont panifiables », rappelle Adeline Streiff. Les blés améliorants représentent 4,5 % de la récolte. Ils sont surtout produits en Occitanie, Centre/Val-de-Loire, Ile-de-France et Nouvelle-Aquitaine .

Les variétés pures couvrent 79,2% des surfaces, mais l’on note une progression de la culture de mélanges intraspécifiques. Ils représentaient 19,5% de la sole de la récolte 2023 contre 17% en 2021. Ils seraient d’ailleurs déjà majoritaires sur l’ouest de la France.

L’offre nationale est marquée par un fort renouvellement variétal, avec des profils assez complémentaires. Ainsi, dans le Top 10 des variétés les plus semées, 5 ont fait leur entrée cette année. Il s’agit de blés inscrits au catalogue après 2020. Et la plus vielle du classement ne l’est que depuis 2016. Celebrity, inscrite en 2022, figure déjà, dès sa première année de mise sur le marché, dans la liste des blés les plus cultivés. La variété se démarque par son caractère extensible, trait qui a fait défaut dans l’éventail des variétés depuis quelques années.

 

S’adapter à Chevignon, variété leader

Malgré un catalogue large, l’éventail des blés disponibles pour les meuniers ne l’est pas tant que cela. La variété Chevignon couvre à elle-seule 16% des surfaces en France. Elle est massivement cultivée dans le grand Est, où elle représente 34% des blés proposés, et plus largement au nord-Loire. Dans ces zones, KWS Extase se trouve régulièrement à ses côtés en outsider. Les 5 premières variétés représentent plus de la moitié des blés récoltés sur cette partie du territoire. Cela tend à réduire la diversité des blés disponibles d’autant que les mélanges à la parcelle sont souvent constitués de ces mêmes variétés. Les agriculteurs choisissent en effet les blés à associer au champ « pour leurs atouts agronomiques plus que pour leurs caractéristiques qualitatives » au sens technologique du terme, explique en substance Benoît Méléard, Responsable du pôle Qualité d’Arvalis.  

A partir de la Loire, les dominances sont moins marquées.  Sur le Sud-Est de la France, hors  région Paca, on trouve un peu plus de variétés différentes, fait remarquer Olivier Duvernoy, directeur meunerie Europe d’Eurogerm qui a présenté les tests réalisés sur les mélanges transmis par les meuniers.

A son apogée, Chevignon est donc la variété la plus écrasée dans les moulins. Très présente dans les mélanges, elle va influencer leur comportement en panification. Ce BPMF présente cette année une teneur en protéines et un W, un peu en retrait sur un an, mais corrects. Sans surprise son P/L est plus élevé, attestant d’une plus grande ténacité et son indice d’élasticité atteint 56.2 (sur mouture d’essai). Résultat au fournil : déchirement de la pâte, manque de souplesse, coup de lame irrégulier et un volume de pain moyen.
De plus Chevignon affiche, là encore, une grande hétérogénéité selon les origines.

Le responsable du Labo Meunier conseille de favoriser en complément des variétés les plus équilibrées, comme LG Absalon, « cette année un peu plus extensible », Complice et sa « force qui permet de stabiliser un mélange » ou encore KWS Ultim, « bien équilibré ». Des variétés extensibles comme Celebrity vont aussi permettre d’améliorer le comportement de la pâte. A noter que le caractère extensible recherché est, localement, moins marqué que ce qui était espéré (cf. encadré). Mais ce blé « reste intéressant pour diluer des mélanges » trop élastiques en apportant de l’extensibilité au façonnage. Il existe aussi des solutions de process ou de formulation pour gommer l’excès d’élasticité lorsqu’il est constaté.

En effet, à la faveur des assemblages, en mélange « les blés 2023 donnent de bons résultats en panification, les qualités de certaines variétés compensant les défauts d’autres », conclut Benoît Méléard. C’est ce qu’attestent les résultats des tests de panification réalisés sur les mélanges meuniers transmis aux équipes d’Eurogerm, comme ceux menés par Lesaffre Panification France sur les farines industrielles. Elles sont elles aussi observées avec une approche régionale, pour tenir compte des process et corrections qui différent. Selon les observations, l’apport amylasique se situe au même niveau que l’année dernière. Dans ce contexte, le passage de l’ancienne à la nouvelle récolte se serait fait rapidement et sans problème dans les moulins, ont fait remarquer les observateurs.

L’intégration dans les mélanges de variétés de blés de force, comme Forcali, KWS Forticium, « tous deux à profils souples », voire Izalco CS qui « apporte plus de force que les années précédentes et peut améliorer le volume » est à envisager. Ils sont notamment une solution pour des applications n’autorisant pas l’utilisation de gluten, comme le cahier des charges Label rouge ou la proposition de produits ‘’sans gluten ajouté’’. La question du coût de production sera aussi déterminante dans le choix de la solution pour gagner de la force. Pour certaines confections, comme les viennoiseries, il peut même être intéressant de pousser l’incorporation de blés de forces à 10% voire 20% du mélange.

Cet état des lieux collectif intervient rapidement après la récolte. Les blés « jeunes » sont susceptibles d’évoluer avec l’arrivée du froid qui a tendance renforcer le caractère tenace, souvent plus marqué en fin de campagne. « Mais niveau formulation, rien n’a jamais été radicalement différent au cours d’une campagne, on parle de ppm », témoigne Arnaud Coisnon responsable secteur Industrie Lesaffre Panification France.

 

Des caractéristiques variétales variables
Pour la plupart des applications en boulangerie, les professionnels recherchent des profils de blés complémentaires, tenaces d’un côté, extensibles de l’autre et en font varier les proportions dans les maquettes au gré des usages. Les variétés conférant de l’allongement au façonnage sont peu nombreuses au catalogue et sont donc particulièrement scrutées et attendues par les utilisateurs. De nombreuses études et observations indiquent que ces variétés sont plus instables dans les conditions climatiques actuelles ce qui défavorise leur inscription au catalogue. Le CTPS et l’ANMF ont à ce titre imaginé un système permettant de ne pas les rejeter systématiquement dans le cadre des différents processus d’évaluation afin de maintenir une diversité de profil en France. Toutefois, dans un contexte marqué par l’excès de force des blés cette année, même les variétés typées extensibles telles que Celebrity ou Intensity peuvent apparaître moins efficaces sur ce caractère. Elles permettront néanmoins de limiter la force dans les mélanges.

 

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