Reproduction des vaches laitières : que révèlent les chaleurs discrètes ?
Il est possible qu’une vache laitière ovule, sans exprimer de chaleur : les chaleurs discrètes ou silencieuses ont été étudiées à Derval. Les premiers résultats permettent de les relier à des périodes de stress ou de pic de production.

Une chaleur chez une vache laitière est un comportement exprimé lors d’une ovulation. Une chaleur discrète, c’est l’absence de comportement. Ou, autrement dit, quand une vache laitière est cyclée mais qu’elle n’exprime pas de chaleur, il s’agit alors d’une chaleur discrète ou d’une chaleur silencieuse. Le problème est alors soit lié à la vache (exprime-t-elle les chaleurs ?) soit lié aux pratiques de l’éleveur (a-t-il les bonnes pratiques pour détecter les chaleurs ?). Le risque étant, pour l’éleveur, de passer à côté.
Quand surviennent les chaleurs discrètes ?
« Grâce aux données de l’observatoire des performances de la reproduction, alimenté par les centres d’insémination, nous nous sommes rendu compte que la reproduction se dégrade en France depuis les dernières décennies. Pourtant, il existe des outils pour détecter les chaleurs. Alors, nous nous sommes demandé s’il était possible que l’on passe à côté de certaines chaleurs », contextualise Anaïs Gaigeard, de la chambre d’agriculture des Pays de la Loire. C’est ainsi que les chaleurs discrètes ont été étudiées - grâce à l’activimètre et au dosage de progestérone - à la ferme expérimentale de Derval, entre avril 2021 et mars 2024.
Les premiers enseignements sont les suivants. « Sur 127 lactations, au moins deux tiers ont eu au moins une chaleur silencieuse, rapporte Fabien Bidan, d’Idele. Il n’y a pas d’effet rang de lactation ni de reprise tardive du cycle. »
En revanche, il y a un effet rang d’ovulation et production laitière : les chaleurs discrètes sont plus à même de se produire quand il y a ovulation au moment où la production laitière est forte. « Sur les premières et deuxièmes ovulations, nous comptons 31 % de chaleurs discrètes, contre 15 % à partir de la quatrième ovulation. Sur les vaches à plus de 38 kilos de lait, nous calculons 31 % de chaleurs discrètes, contre 19 % pour celles à moins de 32 kilos. » Anaïs Gaigeard analyse : « On observe une compétition entre les fonctions de production et de reproduction. En début de lactation, la vache se concentre sur sa production. Elle fournit moins d’énergie à la repro, dont l’expression des chaleurs ».
La température et l’humidité (THI) ont aussi un effet : quand ces deux paramètres augmentent, la proportion de chaleurs discrètes grimpe elle aussi. « Entre 30 et 34,5 °C, sur 31 ovulations, nous avons observé 45 % de chaleurs silencieuses », reprend Fabien Bidan. Les chaleurs discrètes risquent donc d’apparaître davantage à certaines périodes de l’année, en fonction de la météo. « L’activité physique d’une vache augmente lorsqu’elle est en chaleur. S’il fait chaud, que l’animal subit un stress thermique, il va moins se déplacer », décrypte Anaïs Gaigeard.
Un indicateur de problème de reproduction
« À Derval, la consigne était d’inséminer les vaches à chaque ovulation. Nous avons observé que la fertilité est dégradée lorsque la chaleur est silencieuse, poursuit Anaïs Gaigeard. Même si la vache ovule, elle est moins fertile quand le comportement de la chaleur n’est pas exprimé. La fécondation est moins bien réussie. » L’expérimentation montre ainsi « qu’on perd quasiment 20 points lorsque l’on insémine des vaches qui n’expriment pas leur chaleur », chiffre Fabien Bidan.
Concrètement, en élevage, ne pas détecter les chaleurs discrètes ne serait pas si grave, car si l’éleveur devait repérer toutes les ovulations, il essayerait une IA à chaque fois, au risque que celle réalisée sur une chaleur silencieuse ne fonctionne pas. « En revanche, s’il y a beaucoup de chaleurs discrètes dans le cheptel, cela illustre un problème de reproduction à plus grande échelle et cela signifie que les vaches ne sont pas assez bien pour exprimer leurs chaleurs ».