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Prix des engrais et MACF : les dernières annonces de la Commission européenne vont-elles vraiment changer la donne ?

Effet d’annonce ou réelle mesure pour limiter l’augmentation du prix des engrais lors de l’entrée en vigueur du mécanisme d’ajustement du carbone aux frontières (MACF) au 1er janvier ? On fait le point sur les dernières annonces de la Commission européenne, qui suscitent la colère de plusieurs syndicats de la filière grandes cultures.

Apport d'azote liquide sur céréales.
Le prix de la solution azotée a progressé de 10 % entre début octobre et décembre. Actuellement les prix stagnent, les achats étant très calmes.
© V. Marmuse

La Commission européenne a officiellement publié le 17 décembre un paquet de mesures pour adapter le mécanisme d’ajustement du carbone aux frontières (MACF) qui doit entrer en vigueur le 1er janvier 2026. « Vu la crise agricole, les difficultés que peut rencontrer le milieu, nous avons pris une disposition extraordinaire sur les engrais azotés pour limiter l’augmentation des prix et qu’il n’y ait pas d’impact pour les agriculteurs au moment de l’achat et du stockage de l’engrais importé », a affirmé le commissaire européen Stéphane Séjourné, lors d’une conférence de presse.

Les valeurs par défaut des émissions de CO2 émises majorées de 1 % au lieu des 30 % prévus

Dans quelle mesure cette « fleur » de la Commission va-t-elle atténuer l’augmentation du prix des engrais ? Les ajustements adoptés sont très techniques, rendant difficiles d’en apprécier les conséquences sur les prix. Principale mesure annoncée : durant les premières années de mise en œuvre du dispositif, les valeurs par défaut des émissions de CO2 émises pour fabriquer une tonne de produit vont être majorées de 1 % au lieu de 30 % prévus au départ. Les valeurs par défaut d’émissions sont utilisées pour calculer la redevance due par les importateurs d’engrais azotés lorsque les produits entrent dans l’espace européen.

Dans un communiqué daté du 17 décembre, la FNSEA et ses associations spécialisées de la filière grandes cultures (AGBP, CGB, UNPT, AGPM et FOP) minimisent l’impact des mesures annoncées. « Pour un engrais comme la solution azotée d’origine USA ou Trinité-et-Tobago, cet aménagement ferait passer le surcoût du MACF de 35 % à 25 % de taxes », estiment les organisations. La mesure ferait par exemple passer la taxe de 121 à 95 euros la tonne (€/t) pour la solution azotée (origine USA).

100 euros la tonne de surcoût lié aux taxes douanières sur les engrais azotés importés en Europe

Ce montant reste selon les syndicats bien trop élevé au regard de la situation économique des exploitations de grandes cultures depuis trois ans. « Si l’on additionne les différentes barrières douanières qui pèsent sur les engrais azotés importés en Europe, MACF compris, cela représente un surcoût moyen de 100 €/t », estime Thomas Delatouche, responsable approvisionnement chez Cereapro. Selon l’origine des engrais, ce chiffre peut varier.

Une facture déjà très élevée pour les agriculteurs pour la campagne de fertilisation 2026

Concernant le prix actuel des engrais azotés (urée, solution azotée et ammonitrate), les mesures européennes semblent en outre arriver trop tard : d’après les observateurs du secteur, le marché des engrais aurait déjà intégré la mise en place du MACF dans ses prix. La facture est douloureuse pour les agriculteurs. « Le prix de la solution azotée est passé de 340 €/t à 375/t entre octobre et décembre », se désole Cédric Benoist, secrétaire général adjoint de l’AGPB (producteurs de blé). C’est justement une période où beaucoup d’achats ont été réalisés après une longue période attentiste pour les agriculteurs.

Le responsable syndical estime que les agriculteurs sont couverts en engrais azotés à hauteur de 60 à 70 % à mi-décembre, soit un niveau qui reste inférieur aux années précédentes. Un importateur d’engrais, représentatif sur le marché français, estime pour sa part que le retard pris en septembre par les agriculteurs dans leurs achats a depuis été rattrapé pour se situer à un niveau normal à cette période.

Des prix des engrais qui risquent de rester élevés

La tendance dans les prochains mois concernant le prix des engrais reste à ce stade difficile à anticiper mais la demande mondiale reste forte. Les prix pourraient donc rester élevés.

Des mesures perçues comme une provocation par les syndicats de la filière grandes cultures

Dans ce contexte, cet aménagement de la taxe carbone sur les engrais est vécu comme une « provocation » par les syndicats. « Alors que nos trésoreries sont dans le rouge pour la troisième année consécutive, cet ultime enfumage témoigne du mépris et de l’inconscience totale de la Commission européenne pour l’avenir de son agriculture et de sa sécurité alimentaire », s’alarment-ils.

Des valeurs par défaut d’émissions de CO2 surévaluées

Autre écueil, bien que la majoration des valeurs par défaut ait été revue à la baisse, « elles restent surévaluées par rapport aux valeurs réelles d’émissions des engrais importés », observe Cédric Benoist. Ce qui fait mécaniquement augmenter le montant de la redevance. Les valeurs réelles seront à terme utilisées pour calculer la taxe carbone, mais elles doivent au préalable avoir été certifiées. Or pour l’instant aucun organisme n’est officiellement habilité à effectuer cette certification des émissions… Complexité administrative quand tu nous tiens !

Dispositif de soutien temporaire de décarbonation

Ce ne sera certainement pas suffisant pour rassurer les agriculteurs, mais le secteur devrait pouvoir bénéficier du dispositif de soutien temporaire de décarbonation annoncé le même jour par la Commission européenne afin de protéger les producteurs de l’UE « vulnérables aux fuites de carbone ». Environ 30 % des engrais relevant du champ d’application du MACF seront éligibles à ce soutien, selon Bruxelles.

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