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Appel à manifester
[Pac] « La HVE risque de siphonner l’agriculture biologique » selon la Fnab

Après les arbitrages français de la politique agricole commune rendus par Julien Denormandie le 21 mai, la Fédération nationale d’agriculture biologique appelle à manifester le 2 juin place des Invalides à Paris. Loïc Madeline, secrétaire national en charge de la Pac, nous explique pourquoi.

Loïc Madeline
Loïc Madeline, secrétaire national de la fédération nationale d’agriculture biologique (Fnab) et polyculteur-éleveur dans l'Orne, participe à la campagne #labioàpoil sur les réseaux sociaux.
© Fnab

Vous appelez les agriculteurs bios à se mobiliser le 2 juin à Paris, pourquoi ?

Loïc Madeline :  Pour plusieurs raisons. La première c’est que les agriculteurs bio ont, de façon inégale suivant les régions, perdu depuis 2017 l’aide au maintien. Pour compenser, nous espérions dans le cadre des éco-régimes de la nouvelle Pac le paiement pour service environnemental rendu par le bio à hauteur de 145 euros par hectare. Nous avions travaillé en ce sens avec la DGPE (Direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises, ndlr). Les premiers arbitrages nous positionnent à la même hauteur que la HVE (certification de haute valeur environnementale, ndlr) à 70 euros par hectare, c’est plutôt inacceptable.

Quelle forme prendra cette manifestation après votre campagne sur les réseaux sociaux très suivie ?

Ce n’est pas dans notre ADN d’être des manifestants physiques. C’est un peu une nouveauté. Mais il faut finir cette campagne avec panache ! Nous donnons rendez-vous entre midi et 15 heures sur la place des Invalides. Ce sera plutôt une mobilisation statique avec prise de parole. On veut expliquer ce qui se présente à nous et comment on l’interprète. La bio est dans tous les esprits et rentre dans les achats mensuels voire quotidiens des Français.

Cela crée du désarroi, notamment en Ile-de-France

On voudrait leur permettre de lire entre les lignes, derrière l’annonce de 340 millions d’euros pour 18% de conversion bio d’ici à 2027, on a perdu l’aide au maintien. Cela crée du désarroi, notamment en Ile-de-France où des agriculteurs qui se sont convertis en 2016 ont perdu quelque 160 euros par hectare.

Jusqu’à présent nous étions sur un discours positif. Avec l’annonce du même traitement que la HVE, on a un peu haussé le ton. Avec la prochaine Pac et une aide de 70 euros pour le HVE et la bio, avec une grande différence de rendements en céréales pures, s’ils ne font pas de vente directe, certains vont se poser la question d’arrêter la bio pour passer en HVE. La HVE risque de siphonner la bio. Voilà pourquoi j’ai claqué la porte du CSO (Conseil supérieur d’orientation). Puis on a essayé de le traduire sur les réseaux sociaux, avec humour.

Le ministre vous a reproché d’avoir décidé de quitter le CSO avant même l’annonce des arbitrages, que lui répondez-vous ?

Eh bien non ! Nous avons entendu tout ce qu’il avait à dire. La réunion a commencé à 10h et à 11h30 j’ai pris la parole. Ce n’était pas un coup de maître. Nous travaillions depuis 6 mois avec la DGPE et depuis la veille nous savions que nous n’avions pas été entendus. On voulait juste montrer avec un peu de panache que nous n’étions pas d’accord avec cet arbitrage politique.

Dans la stratégie française de la Pac, ce que vous dénoncez ce sont des budgets à partager avec la HVE, c’est bien cela ?

C’est le point de cristallisation. La HVE, personne ne la connait, personne n’en veut sauf les viticulteurs. Le Monde vient de publier un article relevant un rapport confidentiel de l’Office français de la biodiversité concernant l’efficacité environnementale de la HVE. L’Inrae et France Stratégie disent aussi que la HVE est « une boîte à pas grande chose ». Je veux que le ministre nous prouve scientifiquement que la HVE produit les mêmes effets sur l’environnement que le bio. Ce n’est pas modeste quand même cette appellation de Haute valeur environnementale ! Il ne faut pas sous-estimer l’impact qu’aura cet arbitrage sur un ralentissement fort probable de la bio alors que ça ne va pas améliorer l’environnement.

Lire la réponse de Julien Denormandie : PAC : le ministère se défend de baisser les aides à la bio

L’objectif de 15% de SAU en bio d’ici 2022 sera-t-il atteint selon vous ?

Aujourd’hui personne n’ignore que 25% des agriculteurs ont déjà plus de 60 ans. Bientôt 1% d’agriculteurs nourrira la population française. Cela représente des risques. Le ministre annonce 18% de bio en 2027, ce n’est pas une offrande ce n’est qu’un sous-objectif de l’architecture que propose l’Europe visant à atteindre 25% de bio en 2030. Il décide de mettre tout le paquet sur la conversion. Mais les surfaces en bio ont doublé sur la précédente campagne, en 2016-2017, car il y avait une vraie politique volontariste. Le chemin qui reste à parcourir est grand.

Comment espérer transformer des outils en supprimant l’aide dans la durée ? L’objectif de 15% de bio à horizon 2022 c’est déjà raté, Julien Denormandie évoque 12 à 13%, je pense plutôt qu’on sera à 10-11%. On atteint un plafond de verre. Plus le temps passe et moins ce qui reste à transformer est facile. Il y a aujourd’hui 47 000 fermes bios. 17 000 fermes sont sous les radars de la Pac, car trop petites, ces fermes-là vont continuer à créer de la dynamique en bio.

On voit notamment beaucoup de néoruraux vouloir reprendre une petite ferme. Mais on aura du mal à faire rentrer dans le système des exploitations qui détiennent de la surface ou des animaux. On arrivera sûrement à 60 000 fermes bios d’ici la fin de la campagne mais il ne faut pas que la bio ne se développe qu’en nombre de ferme, il faut qu’elle se développe aussi en nombre d’hectares pour protéger la biodiversité, l’eau, les insectes et diminuer l’exposition aux pesticides. L’arbitrage qui est sur la table nous propose une Pac archipelisée avec de petites fermes pas aidées vivant de leur production.

On aura du mal à faire rentrer dans le système des exploitations qui détiennent de la surface ou des animaux

Cela pose question y compris à moi qui suis issu de l’agriculture conventionnelle. Je suis en polycultures élevage bovin avec des pommes de terre, de la lentille, je bénéficie d’aides, je valorise des hectares, j’emploie de la main d’œuvre mais moins que mes voisins maraîchers sur 20 hectares en bio. Je me sens un peu fragilisé. Le défi de la reprise des fermes va être dur. On va faire une Pac HVE, avec un objectif manqué sur le plan social et environnemental.

Espérez-vous que des arbitrages au niveau français ou européen puissent encore se faire en faveur de la bio ?

Tant que l’on n’a pas perdu, il reste un peu d’espoir. Mais nous sommes amers, ce que l’on proposait, dans le cadre de 25% d’éco-régimes dans le premier pilier de la Pac, n’a pas été retenu. Le ministre a considéré que nous étions hors sujet, sans négociation possible. Il s’agit d’une profonde déception. Ce n’est pas moi qui suis le plus concerné mais mes enfants de 10 et 8 ans.

 

 

 

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