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La diversité des fermes maraîchères bio

Un travail de thèse a proposé la classification des fermes maraîchères bio en quatre types selon des critères agronomiques et commerciaux. Une typologie qui permet de tordre le cou à quelques idées reçues…

Le nombre d’exploitations maraîchères bio a doublé en dix ans tandis que les surfaces dédiées à la production de légumes bio ont, elles, triplées. Cette augmentation s’est conjuguée avec une diversification des modèles technico-économiques faisant parfois débat dans la société civile (voir encadré). Parmi les modèles émergents, celui de microferme, concept qui existe depuis une dizaine d’années, attire de plus en plus de nouveaux installés. Afin de simplifier l'analyse de cette diversité, une thèse portée par le CTIFL et INRAE propose une typologie des fermes maraîchères biologiques en se basant sur 165 réponses à un questionnaire diffusé au niveau national.

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Seules les exploitations dont la production de légumes frais est l’activité principale, ont été prises en compte. « Faire une typologie permet de dégager des tendances et de proposer une base d’analyse pour parler de cette diversité », explique Antonin Pépin, thésard pour le CTIFL. Elle a aussi un intérêt pour adapter les conseils techniques et créer des référentiels économiques. Quatre types de ferme ont été définis selon leurs caractéristiques physiques, agronomiques et commerciales : les microfermes, les maraîchers diversifiés, les légumiers de plein champ et les producteurs sous abri.

Une classification proche de celle existante dans le monde du légume en général. A Légumes de France, les adhérents sont classés en quatre catégories : maraîchers de ceinture verte, producteurs serristes, légumiers de plein champ et producteurs d’endives. « Bien que beaucoup de thématiques sur lesquels nous travaillons s’adressent à toutes les catégories, certaines autres sont plus spécifiques à un groupe : comme la thématique de l’énergie pour les serristes par exemple », illustre Alice Richard de Légumes de France.

 

 

 

Ancrage territorial versus insertion dans un marché mondial

Les fermes maraîchères bio ont ensuite été classées sur deux axes. L’un, appelé axe biotechnique, place les différentes fermes suivies selon leur degré de recours aux intrants extérieurs pour la gestion des maladies, ravageurs et adventices, la fertilisation, et leur degré de travail du sol. Il oppose schématiquement une stratégie visant à « artificialiser le milieu via l’apport d’intrants industriels » à une stratégie visant à « promouvoir les services écosystémiques fournis par la nature ».

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L’autre axe dit socio-économique oppose ancrage territorial et insertion dans un marché mondial. « Avec cette analyse, la grande diversité des pratiques agricoles ressort nettement, note le chercheur. Les microfermes ont la valeur la plus élevée pour l’index biotechnique, suggérant qu’elles ont plus recours aux services écosystémiques et dépendent moins des intrants que les autres types. Elles ont un fort ancrage territorial, caractérisé notamment par la vente directe dans un rayon proche de la ferme. Les maraîchers de taille moyenne ont un ancrage territorial équivalent aux microfermes. Techniquement, ils ont un équilibre entre des pratiques agricoles agroécologiques reposant sur des services écosystémiques et un usage d’intrants externes. Les grands producteurs sont aussi dans un équilibre entre une approche agroécologique et un recours aux intrants. Leur ancrage territorial est plus faible que les deux premiers types, ils sont plutôt insérés dans un marché de large échelle. Enfin, les maraîchers spécialisés sous abri sont insérés dans un marché de large échelle et s’appuient principalement sur des intrants externes. »

Circuit long ne veut pas systématiquement dire plus d’intrants

Si globalement les pratiques les plus agroécologiques ont été observées sur les fermes en vente directe et à l’inverse les fermes les plus gourmandes en intrants vendent en circuits longs, cette étude permet de souligner qu’un circuit de distribution long n’implique pas systématiquement un plus faible recours aux services écosystémiques.

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« Les fermes les plus agroécologiques du type maraîchers spécialisés en plein champ atteignent des index biotechniques équivalents à certaines microfermes », souligne le jeune chercheur. Autre observation : le recours aux intrants externes augmente avec la surface cultivée en légumes. « Mais cela est vrai jusqu’à environ 15 ha, au-delà la relation est incertaine, souligne Antonin Pépin. On ne peut alors pas dire avec certitude si l’index biotechnique augmente ou continue de diminuer. » La suite de cette thèse portera sur une analyse du cycle de vie sur quelques fermes par type afin de pouvoir évaluer les points forts et points faibles environnementaux.

Source : Infos CTIFL n°371, mai 2021

En chiffres

En 2019, plus de 10 500 exploitations productrices de légumes frais étaient recensées par l’Agence bio.

Plus de 34 000 ha étaient cultivés en 2019 avec des légumes bio dont 4 000 ha en conversion, une progression de +20 % par rapport à 2018. Une surface qui a doublé en cinq ans. Cette hausse se fait par l’expansion du maraîchage de plein champ bio, notamment mis en place par les céréaliers en diversification (pommes de terre, courges, carottes, choux notamment). Les surfaces de production sous serre, notamment la tomate, sont aussi dynamiques.

Près de 1 200 microfermes, soit des fermes de moins de 1,5 ha de SAU dont une partie en légumes bio, ont été recensées par la même agence.

Bio industriel et bio agroécologique ?

 

 
Les producteurs spécialisés sous abri ont en moyenne deux tiers de leur surface de légumes sous abri. © CTIFL
« Avec le développement de l’agriculture biologique (AB), une théorie suggère qu’il pourrait exister une bifurcation entre une agriculture bio qui suit les principes et l’esprit de l’AB et une agriculture qui s’en tient au seul respect du cahier des charges », expose Antonin Pépin. Ainsi, on entend parler d’une AB « agroécologique » qui s’opposerait à une AB « conventionnalisée ». Celle-ci substituerait des intrants de synthèse par des intrants autorisés en AB sans fondamentalement reconcevoir le système agricole. L’étude a positionné l’ensemble des fermes étudiées sur un axe, dit biotechnique, suivant leur dépendance aux intrants externes. « Notre étude a montré une continuité sur l’axe biotechnique », constate le thésard. Ainsi la dichotomie entre les fermes biologiques « agroécologiques » et « conventionnalisées » doit plutôt être considérée comme deux pôles avec un gradient de fermes intermédiaires.

 

Bio récents vs bio historiques

 

 
Les légumiers de plein champ utilisent principalement des engrais produits localement. © CTIFL
Un autre débat classique oppose les « bio historiques », vus comme garants des valeurs de l’AB, aux « bio récents », parfois considérés comme attirés principalement par ce marché porteur. « Nous ne constatons pas cela dans notre étude puisque la plupart des pratiques les plus agroécologiques ont été observées dans les exploitations les plus jeunes », continue le jeune chercheur. La comparaison entre les fermes bio dès leur création et celles converties à l’AB semble avoir plus de sens dans cette étude. « Les maraîchers récemment installés sur de petites ou moyennes surfaces ont souvent de fortes valeurs écologiques, proches de celles des pionniers de l’AB. A l’inverse, les fermes converties à l’AB, même il y a longtemps, ont un passé structurel et technique qui peut augmenter la probabilité qu’elles mettent en œuvre des pratiques « conventionnalisées » une fois converties. »

 

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