Élevage bovin viande : « une étude stratégique a conforté notre choix de développer le troupeau de limousines »
En Haute-Marne, Sylvain et Sandrine Bougrel ont décidé d’arrêter l'atelier lait pour se concentrer, en temps et en investissements, sur leur troupeau allaitant. Ils mettent en place un système naisseur-engraisseur en race limousine.
En Haute-Marne, Sylvain et Sandrine Bougrel ont décidé d’arrêter l'atelier lait pour se concentrer, en temps et en investissements, sur leur troupeau allaitant. Ils mettent en place un système naisseur-engraisseur en race limousine.




Au Gaec des Cerisiers, à Charmes en Haute-Marne, la cohabitation d’un troupeau laitier et d’un troupeau allaitant a failli s’arrêter plus d’une fois, avant que Sandrine et Sylvain Bougrel ne prennent la décision définitive en 2023. Dans les années 2000, l’exploitation, conduite par les parents de Sylvain, était trop petite pour lui permettre de s’installer. Pour concrétiser son projet de devenir éleveur, Sylvain intègre, en 2004, un Gaec avec des tiers. En 2011, l’éleveur ne peut que constater que les objectifs des quatre associés ont évolué trop différemment pour continuer à travailler ensemble. « J’ai repris mes 70 hectares et j’ai rejoint la ferme de mes parents », retrace Sylvain Bougrel.
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Ces parents, qui avaient envisagé d’arrêter le lait, continuent cette activité et augmentent la production de viande pour permettre l’intégration de Sylvain en remplacement de son père, arrivé à l’heure de la retraite. « Il y avait toujours deux actifs, mais il fallait faire vivre deux foyers, explique l’éleveur. Nous produisions 300 000 litres pour 50 vaches laitières. En plus, il y avait déjà 40 vaches allaitantes. » Des reprises de terre portent la SAU à 320 hectares. En 2022, au départ en retraite de la mère de Sylvain, Sandrine s’installe, après avoir été pendant trois ans salariée sur l’exploitation.
Un accompagnement à la réflexion
La perspective de revenir à un seul foyer à faire vivre avait déjà relancé la réflexion de Sandrine et Sylvain sur l’avenir de la production laitière sur leur exploitation. Plusieurs paramètres alimentent leur réflexion. Le premier est une surcharge de travail. «Avec deux productions, nous avions encore besoin d’un coup de main des parents. Mais nous voulions leur permettre de profiter pleinement de leur retraite », explique Sylvain Bougrel. De plus, installée il y a 30 ans, l’installation de traite était en bout de course. « Pour continuer le lait dans de bonnes conditions, il aurait fallu beaucoup investir, embaucher un salarié ou nous associer avec un tiers, ce que nous ne souhaitions pas », récapitulent Sandrine et Sylvain. De plus, si un de leurs trois enfants est intéressé par l’agriculture, la production laitière ne lui plait pas. Les deux éleveurs décident de se concentrer sur l’élevage allaitant en augmentant progressivement leur cheptel jusqu’à atteindre 85 mères.
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Dans leur réflexion vers une spécialisation en viande, Sandrine et Sylvain ont décidé de se faire accompagner pour valider les aspects économiques. « L’arrêt du lait pour se concentrer l’activité de l’exploitation sur le troupeau allaitant était possible du fait de la bonne santé économique et d’un endettement limité », rassure Laurent Antoine, conseiller d’entreprise à la chambre d’agriculture de Haute-Marne, qui a accompagné les exploitants dans leur choix d’investissements aidés par le programme « Ambition éleveurs », porté par le conseil régional Grand Est. « Cet audit a été pensé pour aider les exploitants à définir là où ils veulent emmener leur élevage, puis à formaliser leurs objectifs, à hiérarchiser leurs investissements», explique Laurent Antoine. « C’est intéressant de se poser pour réfléchir, de prendre le temps de faire le point pour définir nos priorités, de voir quelles adaptations étaient nécessaires face à l’augmentation du cheptel allaitant», apprécie Sandrine Bougrel.
Travailler dans de bonnes conditions
Avec 85 vaches, essentiellement des limousines et quelques charolaises, et l’engraissement aussi bien des mâles que des femelles, Sandrine et Sylvain Bougrel avaient besoin d’adapter leurs bâtiments pour travailler dans de bonnes conditions et bien loger le cheptel. Un des deux bâtiments est en cours d’agrandissement, avec l’objectif d’être opérationnel pour les prochains vêlages. Une 2e caméra aidera à la surveillance pendant cette période, car la maison n’est pas sur le site d’élevage.
Produit viande bovine 2024
Poids moyen | Prix moyen | |
Génisses | Limousines 402,12 kg 1 Charolaise 497 kg | 6,3 €/kg |
Jeunes bovins | Limousins 492 kg 7 Charolais 504 kg | 6,4€/kg |
Vaches de réforme | Limousines 486 kg 2 Charolaises 472 kg | 6,2 €/kg |
Source : Chambre d’agriculture de Haute-Marne
Dans l’autre bâtiment, deux cases de vêlages ont été installées, ainsi que deux cages de contention, qui ont pris place dans l’ancienne salle de traite. « Nous faisons beaucoup de prévention. Entre les vaccinations, le déparasitage, la tonte des lignes de dos, il était important de pouvoir travailler en sécurité », estiment les éleveurs. La toiture aura besoin d’être rénovée. Les éleveurs réfléchissent à y ajouter des panneaux photovoltaïques.
Au niveau technique, les éleveurs sont satisfaits de leur calendrier de vêlages, qui sont concentrés de la mi-août à la mi-octobre. Sur les conseils d’Olivier Tinus, de l’Union Lorraine des éleveurs limousins, Sandrine et Sylvain Bougrel achètent des taureaux à la station de Lanaud, ce qui a permis d’améliorer les croissances. « On a gagné 50 kilos sur les jeunes bovins, se félicite Sylvain Bougrel. Nous sommes attentifs dans nos choix génétiques pour continuer à améliorer la conformation. »
Pour optimiser les performances technico-économiques, les éleveurs souhaitent améliorer l’autonomie alimentaire en récoltant un fourrage de la meilleure qualité et en distribuant une ration bien homogène, grâce à l’achat d’une mélangeuse. Une nouvelle bascule aidera à bien suivre les croissances. Le projet d’achat d’un semoir devrait permettre aux éleveurs d’optimiser leur conduite des cultures. Pour l’ensemble de ces investissements, ils bénéficieront, dans le cadre du programme « Ambition éleveurs » de 120 000 euros d’aides pour un total investi de 300 000euros, dont 190 000 euros d’investissements réalisés à mi-2025.
De 40 vaches allaitantes et 300 000 litres de lait vers un système allaitant avec 85 vaches
Laurent Antoine, conseiller d’entreprise à la chambre d’agriculture de Haute-Marne : «Une situation financière saine et des qualités d'éleveurs »
«Une situation économique et financière saine facilite la spécialisation en élevage allaitant de Sandrine et Sylvain Bougrel. De plus, ils ont déjà démontré leurs qualités d’éleveurs, leurs capacités à faire évoluer leur exploitation, à aller vers plus d’autonomie. Face à des contraintes comme des bâtiments coincés entre un barrage et un cours d’eau et des parcelles hétérogènes, ils ont trouvé des solutions d’adaptation. »
La région Grand Est soutient ses agriculteurs avec le programme « Ambition éleveurs »
En 2022, face à la conjoncture difficile et l’important renouvellement des générations à venir, la région Grand Est décide de se mobiliser pour faire perdurer son modèle de polyculture-élevage en accompagnant les éleveurs dans la recherche de durabilité. Le programme « Ambition éleveurs », construit en partenariat avec le réseau des chambres d’agriculture du Grand Est, repose sur trois piliers. Le premier comporte 60 fermes de démonstration dans toutes les productions et sur les 10 départements, qui ont testé la démarche et sont des vitrines sur le territoire. Depuis novembre 2024, le second pilier permet aux exploitations volontaires d’être accompagnées et d’entrer dans un parcours de transformation. Enfin, troisième pilier, l’émergence de 10 à 15 projets de territoires et de filières est attendue pour opérer des transformations collectives impactantes.
« Ce programme a été bâti pour une période de quatre ans, de 2024 à 2028, retrace Joris Simon, chargé de mission appui à la transformation des exploitations au conseil régional Grand Est. La communauté des financeurs publics et privés se mobilise pour accompagner les projets des exploitations agricoles en faveur d’un élevage résilient. En quelques mois, un peu plus de 1400 éleveurs se sont inscrits, ce qui confirme l’intérêt de notre accompagnement. »
Sept axes de transformation
Le parcours débute par un conseil stratégique et/ou technico-économique avec un conseiller de l’une des 17 structures habilitées (chambres d’agriculture, centre de gestion, coopératives…). Ce conseiller aide l’agriculteur à prendre de la hauteur, et à définir son projet pour faire gagner des points de triple performance à son exploitation. Si son projet demande des investissements sur l’une des sept thématiques du programme Ambition éleveurs (sécurisation des ressources alimentaires du cheptel, maîtrise de la ressource en eau, performance énergétique, numérique, adaptation et atténuation au changement climatique, bien-être animal et bien-être de l’exploitant), il pourra bénéficier d’une aide à l’investissement. Jusqu’à 150 000 euros, les investissements peuvent être aidés à hauteur de 40%. Quand un récent installé est présent dans la structure ou que les investissements dépassent les 400 000 euros, le plafond des aides est porté à 250 000 euros, toujours avec 40% d’aides.