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Outre-mer
Banane de Guadeloupe et Martinique : pourquoi aller vers un conditionnement collectif ?

A la fois sur la Martinique et sur la Guadeloupe, les producteurs via leurs groupements Banamart et LPG s’engagent sur des projets de stations de conditionnement collectives. Pourquoi ce choix ? Quels investissements ? Quels fonctionnements envisagés ? FLD fait le point et rapporte des Antilles les premières images des projets émergents.

« Aujourd’hui, il nous est nécessaire de repenser le métier de producteur de banane. Notre objectif est de soulager les producteurs pour qu’ils reviennent à l’essence de leur métier. » C’est dans ces termes que lors d’un voyage de presse en petit comité organisé par l’UGPBAN* en Guadeloupe et en Martinique du 7 au 12 novembre, Sébastien Thafournel, directeur opérationnel du groupement Banamart (producteurs de bananes de Martinique) a expliqué le sens d’une station de conditionnement collective.

*Union des Groupements de Producteurs de Bananes de Guadeloupe et Martinique

Aller chercher les intrants à Ducos, faire toutes les étapes de conditionnement (dépistilation, dépatage et découpage des mains, mise en douche pour enlever le latex et séchage, stickage le cas échéant, mise en colis de 18,5 kg) et gestion de la traçabilité… Autant de tâches sur une bananeraie qui pourraient être gérées par une station collective, libérant ainsi du temps et de la main d’œuvre pour l’exploitant, qu’il pourrait allouer aux opérations en production. « Sur les 350 producteurs de l’île, 275 producteurs auraient besoin de cette réponse », compte Sébastien Thafournel.

Témoignage : la main d’œuvre, trop difficile à trouver. Outre l’eau, la plus grosse problématique d’un planteur aujourd’hui, c’est la main d’œuvre. « Les autorisations pour engager de la main d’œuvre étrangères sont désormais plus strictes et les Martiniquais ne veulent pas travailler », regrette Daniel Nouvet, engagé dans la banane française équitable sur une exploitation de 4,4 ha au Robert en Martinique. Opérations coupe-feuilles, apports d’amendements organiques, gestion de l’enherbement… Son besoin de main d’œuvre est fort. Et avec la flambée des coûts, la hausse des salaires, les exigences réglementaires toujours plus stricts… « Nous étions à 0,75 ETP par hectare, nous sommes passés à 1 ETP/ha, au moins. » Et dans les petites exploitations, le personnel se doit d’être polyvalent, pour pouvoir gérer à la fois les tâches en production que les opérations de conditionnement.

 

 

Un projet de quatre stations collectives de conditionnement en Martinique

Banamart conduit donc le projet d’une station pilote au Lorrain, avec 25 petits producteurs* (* petits producteurs : de 2 000 m2 à 2 ha) pour un potentiel de 7 500 t de bananes au total, dans un rayon de 5 km. La station aura une capacité de 10 000 t conditionnées annuelles (soit 2 200 colis par jour, ce qui est important). C’est la station qui gérerait la collecte des régimes de bananes chez les différents producteurs, puis les conditionnerait. « L’idée est d’avoir un service clé en main, sur une installation moderne en traçabilité et en transformation, pour la banane mais aussi pour les produits de diversification que nous envisageons », résume Sébastien Thafournel.

A l’état de projet, l’ambition est d’avoir cette station pilote opérationnelle pour le premier semestre 2024, puis de bâtir trois autres sites en Martinique afin d’avoir un bon maillage de l’île, sur « un pas de temps 2024-2025-2026 ». Ont été évoqués un site très au nord, un emplacement plus central comme Le Robert et un site plus au sud, pour une capacité globale de 90 000 t soit « plus d’un quart de la production de l’île ».

 

 

Deux centres d’empotage en Martinique : comment ça marche ?

En attendant la concrétisation de stations collectives de conditionnement, la Martinique dispose déjà de deux centres d’empotage gérés par Banamart : les planteurs, en particulier les petits et moyens producteurs, peuvent y amener leurs colis de bananes pour qu’ils y soient palettisés et expédiés. Cela permet une mise au froid en conteneur reefer le plus rapide possible. A Charpentier (au nord de l’île) et à Ducos (au sud), les deux sites ensemble sortent environ 30 000 colis par semaine. Environ 150 producteurs à Charpentier et presqu’autant à Ducos en bénéficient.

Autres services proposés : le traitement des gaines plastique avec l’entreprise Martinique Recyclage (qui va les envoyer en Europe pour qu’elles soient recyclées en granulés plastique) ; une réserve (en camion-citerne) et la livraison d’huiles contre la cercosporiose. Les contrôles qualité se font au centre d’empotage (de manière inopinée) ou directement sur l’exploitation (ils sont alors spécifiques, selon les remontées de l’aval), puis à l’arrivée à Dunkerque.

 

 

Les prémices : déjà une station collective privée à Baillif en Guadeloupe

La filière guadeloupéenne est en revanche plus avancée. Une station collective privée est déjà en place depuis quelques années (lire ci-dessous) et le groupement des producteurs de bananes de Guadeloupe, LPG, est en train de mettre en place plusieurs stations collectives -quatre au total- qu’il gérera lui-même.

Ce projet phare de LPG a été décidé pour les mêmes raisons qu’en Martinique : pouvoir se recentrer sur le métier de producteur, dont les attentes du marché obligent à toujours plus de technicité, de temps, de savoir-faire ; et pallier la problématique de la main d’œuvre. Comme le rappelle David Alquier, directeur qualité du groupement LPG, en Guadeloupe la majorité des exploitants bananiers sont de petits producteurs. « Sur 176 producteurs, 14 seulement font plus de 1 000 t. C’est donc un projet stratégique porté par le LPG. »

A Baillif, sous l’impulsion du producteur Francis Lignières (qui est par ailleurs le président de LPG), une station collective privée a été mise en place. Cinq petites exploitations avec des moyens de conditionnement « vieillissants » se sont réunies dans un GIE privé mené par Francis Lignières afin de gérer le conditionnement des bananes. Et ce afin de mieux allouer leur main d’œuvre en plantation. Le projet lancé en 2015, la station est opérationnelle depuis fin 2017-début 2018. Le fonctionnement repose sur un prix de passage à prix coûtant. La station conditionne environ 3 000 à 3 500 t de bananes.

 

 

En Guadeloupe, un projet phare et stratégique porté par le LPG

Cette station devrait passer dans le giron de LPG et de son projet global de stations collectives. Les trois autres stations prévues devraient avoir une taille et une capacité plus importantes, dont la plus grosse, Moulin-à-eau, de 15 000 t (lire ci-dessous). « Ici à Baillif, on était pilote. Mais la technologie évolue très vite et nous avons déjà 2-3 ans de retard », précisent Francis Lignières et son fils Christopher.

En tout, c’est quatre stations collectives qu’ambitionne LPG, afin de pouvoir prendre en charge un tiers de la production guadeloupéenne et 45 % des producteurs. « En Guadeloupe, nous souffrons réellement d’un manque de main d’œuvre, témoigne Christopher Lignières. Avec ces stations collectives, on concentre la main d’œuvre sur les opérations en bananeraie et on soulage les producteurs, pour plus de qualité, plus de temps… »

A La Plaine, la station collective devrait être opérationnelle au 1er janvier 2023 (lire ci-dessous). Elle a nécessité 3,5 M€ d’investissements (contre 1,2 M€ à Baillif). Le projet Fenteau à Petit-Bourg (4 500 t) pourrait être opérationnel fin 2023-début 2024. Enfin, pour le méga projet Moulin-à-Eau, l’objectif est fixé à fin 2024. L’investissement pour cette station de 15 000 t sera autour de 7-8 M€, car d’autres services y seront associés.

 

 

Qu’est-ce que le méga projet du pôle Excellence de Moulin-à-eau en Guadeloupe ?

La dernière station en projet, d’une capacité impressionnante de 15 000 t, est prévue à Moulin-à-eau, le long de l’allée Dumanoir à Capesterre-Belle-Eau. Sur 7 ha, ce Pôle Excellence devrait accueillir dans un premier temps la quatrième station collective de conditionnement de l’île, d’une capacité de 15 000 t. Puis une mûrisserie y sera accolée, ensuite un centre logistique qui gèrera la diversification, servira de centre d’empotage…

A terme, le Pôle Excellence sera aussi centre de formation et accueillera un circuit touristique « pour sensibiliser et faire découvrir le monde de la banane afin que les touristes deviennent à leur retour en métropole ambassadeurs de la banane de Guadeloupe et de Martinique », comme l’explique David Alquier, directeur qualité du groupement LPG. L’architecte a été sélectionné, l’appel d’offre lancé.

 

 

En Guadeloupe, la station collective de La Plaine sort de terre

A La Plaine, il s’agit de la première station de conditionnement collective gérée et financée par LPG. « La Plaine est un plateau sur lequel se trouvent 24 petits producteurs, dont le plus gros totalise seulement 18 ha. C’était donc la localisation adéquate pour lancer le projet », souligne David Alquier, directeur qualité du groupement LPG. La Cuma de La Plaine a été créée, avec déjà 14 producteurs adhérents. La station, de 1 ha au total, est calibrée pour pouvoir accueillir une production de 3 000 à 4 500 t, permettant donc l’adhésion des autres producteurs de La Plaine.

Testée en décembre, la station devrait être opérationnelle en janvier. Les salariés, 15 ETP, ont déjà été embauchés et formés. Les investissements sont de 3,5 M€, foncier et formations compris. Afin de pouvoir accueillir plusieurs producteurs en même temps, la station présente 5 penderies à tiroir (et non pas en continu). Avec un système de plannings quotidiens et hebdomadaires régulièrement affinés, la station devrait pouvoir sortir 750 à 800 colis par jour.

Afin de diminuer la pénibilité du travail, deux machines permettent d’automatiser les penderies (entreprise OCA) ; la hampe est déchargée de son régime de bananes automatiquement ; les tapis d’écart de tri ne sont pas en hauteur ; des locaux sociaux ont été installés. Un système de recyclage de l’eau est mis en place.

L’étape suivante ? Gérer et optimiser la collecte de régime. « A terme, ça sera la station qui ira récupérer les régimes et non les producteurs qui livreront, précise David Alquier.  Nous allons donc acheter des tracteurs et des remorques. »

 

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