Cour des comptes
Les aides au développement rural dans le collimateur
Dans son rapport 2010, la Cour des Comptes dénonce les insuffisances des contrôles des aides versées au titre du développement rural.
Dans son rapport annuel rendu public le 9 février, la Cour des comptes dénonce « les faiblesses » du contrôle des aides versées aux agriculteurs au titre du développement rural. Pour ces aides qui représentent 2,3 milliards d’euros dont 1,5 milliard d’origine nationale et 0,8 milliard d’origine communautaire, les magistrats de la rue Cambon relèvent que les « graves critiques » qu’ils avaient déjà formulées dans le passé « demeurent justifiées ».
Principale structure visée, le Cnasea qui avait en charge le versement des aides du deuxième pilier de la PAC avant la création de l’Agence de services et de paiement (ASP), le 1er avril 2009. Ainsi la Cour des comptes pointe « l’organisation peu cohérente » des services de paiement des aides. Principal reproche, les prérogatives attribuées aux directions départementales de l’Agriculture dans la gestion des aides et l’instruction des dossiers alors que ces tâches devaient relever du Cnasea, agréé comme organisme payeur par la Commission européenne pour les aides au développement rural. Et la Cour des comptes de formuler l’espoir que le nouveau schéma de gestion des aides soit beaucoup plus performant.
Celle-ci dénonce également l’insuffisance du contrôle des aides versées. Alors que le taux de contrôle est fixé à 5 %, la Cour observe que « ce taux est respecté globalement », mais n’est pas atteint pour certains dispositifs, « à fort impact financier » comme les indemnités compensatrices de handicaps naturels et les prêts bonifiés. Les magistrats estiment à 60 millions d’euros le montant des paiements indus en 2006. La Cour vise aussi la DJA, « mise en place il y a plus de trente ans » dont la gestion et le contrôle ne sont pas totalement maîtrisée. Quant aux aides à la modernisation des serres horticoles et maraîchères, elles n’ont fait l’objet d’aucuns contrôles. Ni d’ailleurs les aides accordées aux éleveurs pour de prémunir des attaques du loup dans les Alpes.
Les procédures de recouvrement épinglées
L’efficacité des contrôles qui vise au reversement des sommes indûment versées est également épinglée. En ce sens que la mise en œuvre des procédures de recouvrement est « parfois perturbée, voire empêchée » quand elle n’est pas ralentie. Et de citer l’intervention du ministre de l’Agriculture qui a donné l’ordre au directeur général du Cnasea de ne pas donner suite à une décision de reversement d’un préfet à la suite d’un contrôle. Au motif que ces aides à l’installation avaient été accordées sur la base de fausses déclarations. « Le ministre a en effet considéré que le bénéficiaire, du seul fait qu’il présidait un syndicat agricole et en raison de son engagement au service de la profession était dispensé, à titre exceptionnel » de rembourser les aides obtenues frauduleusement », note la Cour.
Et les magistrats de recommander en conclusion une simplification des dispositifs d’aides « pour en assurer une gestion efficace », un renforcement des contrôles par sondage, une amélioration des procédures de recouvrement des sommes indues en évitant que le ministère de l’Agriculture « cesse de ralentir ou de faire obstacle aux sanctions qui sont prononcées ».
La politique de l’eau également visée
La Cour des comptes consacre également un chapitre entier à la politique de l’eau. Et notamment aux carences dans la mise en œuvre en France des directives communautaires. La France n’est pas parvenue notamment en Bretagne à satisfaire à la norme européenne de 50 mg/l de nitrates dans les eaux. « Les résultats décevants constatés sur les nitrates comme sur les pollutions par les produits phytosanitaires trouvent en grande partie leur origine dans une insuffisante volonté de l’Etat, […] de remettre en cause des pratiques agricoles durablement marquées par l’encouragement au productivisme et le choix d’une agriculture intensive » notent les magistrats.
Pour la Cour, qu’il s’agisse des redevances mises en place qui ont eu un impact limité ou des aides accordées pour la maîtrise des pollutions d’origine agricole et les mécanismes d’incitation à des pratiques agricoles raisonnées (mesures agro-environnementales par exemple) elles ont abouti à des résultats décevants. Au total « l’Etat n’est pas parvenu, avant le Grenelle de l’environnement, à susciter le mouvement de transformation qui s’impose à l’agriculture ». Alors que d’autres pays comme le Danemark sont parvenus à diminuer l’azote, le phosphore et les pesticides de plus de 30 %, en dix ans, alors que la production agricole augmentait dans le même temps de 3 %. Idem pour certaines régions en Allemagne et même en France dans le périmètre de captage des eaux de Vittel.