S’installer avec des risques financiers bien mesurés
À Péaule dans le Morbihan, Guillaume Lucas a saisi l’opportunité de deux mises en vente d’exploitations proches pour s’installer seul. Il exploite 80 hectares de cultures et deux poulaillers de dindes rénovés.
À Péaule dans le Morbihan, Guillaume Lucas a saisi l’opportunité de deux mises en vente d’exploitations proches pour s’installer seul. Il exploite 80 hectares de cultures et deux poulaillers de dindes rénovés.


Après dix années comme salarié agricole, Guillaume Lucas finissait par s’ennuyer. Malgré les avantages du salariat, l’envie d’être à la tête d’une exploitation, d’être décisionnaire et indépendant, a fini par prendre le dessus. Encore fallait-il trouver l’exploitation à reprendre. Ses grands-parents étaient agriculteurs mais pas ses parents. « Pour autant, ces derniers ne m’ont jamais découragé à faire des études agricoles », d’abord un bac pro puis un CS en lait. Suivent, cinq années de salariat dans une exploitation laitière et céréalière puis cinq autres dans un service de remplacement, où il intervenait surtout en lait. En 2014, il se met à l’affût des exploitations en vente, proches de sa commune d’habitation. Son oncle et sa tante lui proposent de lui céder son exploitation qui comprenait des vaches laitières, deux poulaillers de chair dont un seul en activité et 35 hectares. Mais malgré son expérience dans le domaine, il n’était pas question pour Guillaume de continuer le lait. « C’est trop d’astreintes liées à la traite. Et s’installer avec seulement un poulailler était trop juste. Par ailleurs, je ne voulais pas rejoindre un Gaec, préférant m’installer seul. » Le projet resté dans l’air, le temps passe puis tout se précipite en mars 2015. Un producteur voisin dont l’exploitation laitière et céréalière était en vente depuis trois ans accepte de lui vendre ses terres sans l’atelier lait qui est arrêté. Guillaume saisit cette opportunité pour s’installer et se met d’accord avec son oncle pour reprendre simultanément son exploitation, sans le lait non plus. Avec 80 hectares de terres et deux poulaillers statiques de 1 000 m2, dont l’un en friche devait être remis en activité, le projet d’installation de Guillaume devenait viable. S’en suivent neuf mois de course contre la montre, la reprise du foncier et l’installation de Guillaume devant se faire impérativement au 1er janvier 2016. « Cela a été vraiment sport de tout gérer en parallèle avec les délais administratifs. » Les transactions pour les deux reprises ont été gérées par l’intermédiaire d’un cabinet spécialisé en agriculture, Altéor Transaction. « Cela permet aussi de se délester d’une partie des charges administratives », a-t-il apprécié.
« Démarrer petit, puis progresser »
Prudent, Guillaume a préféré remettre en état ses bâtiments statiques datant des années 1980 plutôt que de tout raser pour reconstruire. « Mon objectif était de me lancer dans l’élevage de volaille avec des bâtiments fonctionnels sans annuités trop lourdes. Mieux vaut démarrer petit plutôt que de se mettre la barre trop haut. On n’est jamais à l’abri d’une conjoncture difficile. » Il suit les conseils de son organisation de production Triskalia avec qui travaillaient son oncle et sa tante et part sur de la dinde. « Passer en dynamique pour élever du poulet aurait augmenté le coût de rénovation de 40 %. » Près de 120 000 euros ont été engagés dans la remise en état des deux bâtiments (électricité et équipements intérieurs dans les deux poulaillers, pignons et lanterneau pour le plus ancien, échangeurs de chaleur dans l’autre). Au total, le coût de la reprise, rénovation comprise, lui est revenu à 85 euros/m2. Avec un emprunt sur douze ans et grâce aux aides (PCAEA, accompagnement de Triskalia, dotation JA), il se dégage le revenu souhaité. « J’ai été bien conseillé par mon comptable", insiste-t-il. L’étude prévisionnelle était basée sur une MPA volontairement basse (20 euros/m2/lot de dinde), inférieure à celle qu’il réalise depuis deux ans. L’étude ne tenait pas compte non plus des lots de poulets en dérobée. Pour réduire ses charges de gaz, iI pratique le démarrage des dindonneaux en double densité suivi d’un transfert. « J’ai encore à apprendre. Il reste aussi des améliorations à faire pour gagner en technicité, notamment refaire l’isolation. » Mais la priorité à court terme sera d’investir dans une pailleuse de type Dussau pour gagner en temps et en confort de travail lors des deux repaillages hebdomadaires. Avec maintenant deux ans de recul, Guillaume Lucas ne regrette en rien son installation. « Cela correspond à ce que je recherchais, confie-t-il. Cela peut paraître un peu fou de se lancer dans une production que l’on ne connaît pas mais l’accompagnement technique de Triskalia a été important. Le parrainage par un éleveur de dindes m’a bien aidé. » Il savait aussi qu’il pouvait si besoin compter sur sa tante, qui connaissait bien le site d’élevage.
« Un conseil personnalisé sur la reprise »
« Avec un parc de 450 000 m2 et sachant qu’environ 50 % de nos éleveurs sont proches de la retraite, nos besoins de renouvellement d’ici 3 à 5 ans sont de 60 000 m2 répartis équitablement entre le poulet, la dinde et le canard. Chez Triskalia, trois personnes spécialisées par espèce (porc, volaille, bovin) s’occupent de référencer les exploitations à reprendre ainsi que les candidats potentiels, afin de faciliter la mise en relation des cédants et des repreneurs. Les sites les plus durs à reprendre sont soit les trop gros, du fait du montant à racheter, soit les trop petits, insuffisants pour dégager un salaire. Dans certains cas, on se heurte aussi à un manque de foncier.
Nous proposons un conseil personnalisé sur la reprise. L’objectif est de faire en sorte d’adapter le niveau de rénovation au bâtiment à reprendre. Nous n’avons pas de rénovation type.
En plus de l’accompagnement technique et du montage du dossier administratif, nous proposons des aides financières, axées sur les investissements permettant d’améliorer la biosécurité et le bien-être animal. Nous encourageons les parrainages entre le futur éleveur et un éleveur plus expérimenté. Cela permet de mettre un pied dans le métier avant de s’installer et de créer des liens en plus de ceux des techniciens."