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Sanitaire : « Les volailles sont à la fois responsables et victimes de zoonoses »

Invité en Bretagne à un symposium scientifique « One health » sur la santé globale Homme-animaux, le chercheur Serge Morand a rappelé la responsabilité de l’élevage hors-sol dans l’émergence et la diffusion des zoonoses.

Serge Morand, écologue de la Santé, directeur de recherches au CNRS
Zoologue et parasitologue de formation, Serge Morand est directeur de recherches au CNRS et travaille sur l’écologie de la santé animale et humaine. Basé en Thaïlande, il étudie comment les maladies d’origine animale parviennent à émerger et à se propager dans le monde.
© P. Le Douarin

Quelles sont les causes principales de l’apparition de zoonoses chez l’Homme, ces maladies infectieuses initialement présentes chez les animaux ?

Serge Morand – « La cause originelle des zoonoses remonte au Néolithique et s’appelle la domestication des animaux sauvages. Au fur et à mesure que le chien, la vache, le poulet, le rat… sont entrés dans la sphère humaine, ils ont apporté et partagé leurs bactéries et virus avec cette communauté. C’est ainsi que les salmonelloses ont pu affecter l’homme préhistorique par son bétail, alors qu’avant cet humain chasseur nomade était plutôt victime de ses parasites. Dès qu’un agent pathogène pénètre un compartiment animal proche de l’Homme (poulet, vache, cochon…), les humains sont menacés. Mais c’est à partir du milieu du 19è siècle que les processus d’émergence se sont accélérés. »
 

Sous l’action de quels facteurs favorisants et accélérateurs ?

Serge Morand – « L’accélération des zoonoses s’est produite avec la globalisation de notre planète, avec la mondialisation de la circulation des hommes – donc de leurs pathogènes — avec l’augmentation massive de la population humaine et des animaux d’élevage – en particulier des porcs et des volailles élevés hors-sol - avec la déforestation permettant le développement des cultures de vente (soja, palmier à huile…), avec l’urbanisation qui concentre les humains et paradoxalement aussi les animaux d’élevage élevés à leur proximité, avec la perte de biodiversité et bien sûr le changement climatique.
Souvenez-vous qu’autrefois les abattoirs se trouvaient dans les villes et les risques sanitaires aussi. Avec la sanitation, ils en sont sortis mais ce n’est pas encore le cas dans des nombreuses villes d’Afrique et d’Asie, conservant leurs marchés d’animaux vivants.
Ce qui est assez paradoxal, c’est que des mégalopoles qui « reverdissent » - comme Singapour - voient revenir des animaux, plus ou moins sauvages, notamment le poulet de jungle, des loutres, des singes. »

Comment s’articulent ces facteurs ?

S.M — « Schématiquement, la démographie accroît la demande en viande d’élevage donc le réservoir animal avec plus de maladies zoonotiques. Il faut aussi plus de surfaces cultivées pour nourrir ces animaux (+10 % de surfaces mondiales depuis une quinzaine d’années), donc la biodiversité décroît par la simplification des systèmes écologiques. Avec la réduction de l’habitat naturel, des contacts entre faune sauvage et sphère domestique se produisent aussi. Ce fut le cas en Malaisie, avec des porcs contaminés par du virus Nipah issu de chauves-souris qui se réfugiaient dans les élevages après la destruction de leur habitat. »
En revanche, jusqu’à une certaine dimension (village, petite ville), la population humaine a eu plutôt un rôle positif sur la biodiversité. Surtout lorsque le régime alimentaire était peu carné (peu de chasse et/ou peu d’élevage). L’urbanisation change tout. Tout est une question d’équilibre. »

Pourquoi dire que l’élevage hors-sol favorise les zoonoses ?

Serge Morand – « Le problème du hors-sol c’est la densité trop importante des animaux et des exploitations, conduisant aux épizooties que les aviculteurs ont vécues avec les virus influenza. Le problème n’est pas l’animal en soi, mais le système d’élevage.
S’ajoute l’uniformisation génétique (perte de biodiversité) qui amenuise les capacités à résister. Sans entrer dans une polémique, vous avez eu le cas en Pays basque avec une race ancienne de canards qui a résisté aux virus influenza.
En Asie où je suis installé, j’ai constaté que le système agricole (végétal et animal) dominant est le modèle industriel piloté par des entreprises pour lesquelles la santé, comme l’environnement, fait partie des « externalités ». En d’autres termes, elles laissent les pouvoirs publics réparer leurs effets, avec plus ou moins de moyens.
Il faut défendre l’élevage sanitairement contrôlé, mais dédensifié, avec la possibilité de faire cohabiter animaux domestiques et sauvages. C’est à mon sens plus soutenable et plus responsable vis-à-vis de l’environnement pris au sens large. »

Que faire pour limiter les émergences de maladies animales ?

Serge Morand – « Idéalement, changer le système alimentaire mondial qui s’oriente vers une simplification trop poussée et manger moins de viande pour réduire la pression animale. En revanche, il faudrait favoriser l’élevage bovin/ovin sur prairies naturelles (écopastoralisme) pour les entretenir. Et protéger la biodiversité, y compris dans les cultures. Mais, je doute qu’on y arrivera vraiment au niveau global.
En revanche, l’écopastoralisme et l’agroécologie pourraient se pratiquer assez vite à niveau local avec un élevage moins densifié. Le plus important c’est de retrouver de la résilience des animaux face aux pathogènes, et celle des systèmes de production soumis aux aléas économiques et bien sûr climatiques. Il faut sortir d’un schéma où tout le monde est malheureux, des animaux jusqu’aux producteurs et consommateurs. »

Les dispositifs de prévention (biosécurité, vaccination…) peuvent aussi y contribuer…

Serge Morand – « Oui, mais on sait que dans la pratique il existe souvent une faille dans ces systèmes hypersécurisés, en théorie. Il faudrait aussi que tous les pays soient équipés en réseaux de surveillance et que la transparence sanitaire soit de mise. En la matière, les mauvais exemples ne manquent pas. »
 
Rédaction Réussir

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