Aller au contenu principal

"La grippe aviaire : on n'en sort pas indemne", témoigne l'éleveur de dindes

L’élevage de François Kerscaven a été touché par la grippe aviaire dans le Finistère. Impacté moralement, il a choisi de parler de ce qu’il a vécu, pour lui et pour les éleveurs vivant la même situation.

François Kerscaven, éleveur de dindes à Taulé (Finistère)
François Kerscaven
© A. Puybasset

Dans quel contexte votre élevage a été touché par la grippe aviaire ?

François Kerscaven. En rentrant dans mon poulailler de dindes un matin de novembre, j’ai constaté plus d’une centaine d’animaux morts, alors que tout allait bien la veille au soir. Avec un élevage très proche ayant été détecté positif à l’influenza aviaire quelques jours avant, j’ai tout de suite pensé au virus.

J’ai immédiatement prévenu ma vétérinaire, le fabricant d’aliment car je venais d’être livré ainsi que les aviculteurs environnants. Après autopsie et envoi des échantillons au laboratoire, la suspicion a été confirmée en fin d’après-midi. L’équipe est arrivée à 9 heures le lendemain pour l’euthanasie. Tout était vidé 36 heures après. Dans mon cas, tout est allé très vite, alors que certains éleveurs touchés dans d’autres régions ont dû attendre bien plus longtemps, vivant une situation plus dramatique.

Comment avez-vous vécu cet évènement ?

F.K. Responsable professionnel impliqué dans le dossier influenza aviaire au sein de la chambre d’agriculture du Finistère, je pensais savoir à quoi m’attendre mais dans les faits la phase d’euthanasie est très impressionnante. On se sent dépossédé de son élevage. Plusieurs camions et une trentaine de personnes débarquent, avec une organisation presque militaire, des règles sanitaires drastiques. Me vient l’image d’un site de guerre bactériologique.

Pour autant, j’ai ressenti de la bienveillance de la part des opérateurs, des autorités sanitaires et plus largement de mon entourage professionnel. Cela reste une expérience choquante. Ce n’est pas le sens de notre métier de produire des volailles qui partent pour l’équarrissage. C’est un grand gâchis !

Qu’est ce qui a été le plus difficile ?

F.K. Une fois l’équipe d’euthanasie partie, on se retrouve seul et démuni face à son bâtiment vide. Il faut faire face à un sentiment de culpabilité. On se sent à tort responsable de ce qui s’est passé et des conséquences économiques pour les autres élevages (blocage de zone, problématiques de commercialisation).

Le plus pesant a été la pression de certains acteurs de la filière pour pouvoir lever la zone de restriction le plus vite possible. Nous sommes pourtant des victimes. Avoir un foyer d’influenza aviaire peut arriver à n’importe qui, du jour au lendemain.

Quel message transmettez-vous aux éleveurs ?

F.K. Aux éleveurs qui ont connu ou connaîtront malheureusement la même situation, je leur conseille de ne surtout pas culpabiliser et de ne pas se renfermer sur soi-même. Dans mon cas, parler m’a fait du bien, en espérant que mon témoignage leur soit utile.

J’ai reçu énormément de messages de soutien, qui m’ont beaucoup soulagé lorsque j’étais au plus bas moralement. La solidarité entre éleveurs est essentielle. Il ne faut pas hésiter à faire appel à un accompagnement psychologique comme le propose la cellule Réagir.

Comment envisagez-vous l’avenir ?

F.K. Je me suis posé la question de continuer ou pas l’élevage, mon poulailler étant remboursé. Sans prestataire de lavage disponible, j’ai passé douze jours seul à laver le bâtiment de 1 500 mètres carrés avec la peur au ventre de ne pas réussir à le décontaminer. Qu’aurais-je fait si cela ne s’était pas avéré suffisant pour lever la zone de restriction ?

Ce coup dur sanitaire arrive dans un contexte économique difficile, avec des charges qui grimpent (énergie, notamment) et une rémunération des éleveurs qui n’augmente pas malgré les hausses passées aux clients finaux. Ce manque de valorisation est décourageant. Il va falloir donner des signaux positifs si l’on veut que les jeunes aient envie de croire à la volaille. Que deviendront les outils d’abattage sans les éleveurs ? J’ai décidé de poursuivre ce métier qui me plaît mais je ne ressors moralement pas indemne.

Le prochain lot va être particulièrement stressant, avec l’appréhension d’une récidive chaque matin en ouvrant mon poulailler. Je comprends que les éleveurs touchés deux voire trois fois finissent par jeter l’éponge.

 

« Le plus dur à gérer, c’est la culpabilité que l’on ressent, à tort, due à la pression de la filière »

Curriculum

François Kerscaven est éleveur de dindes à Taulé dans le Finistère depuis 1994. Le responsable professionnel est référent avicole de la chambre d’agriculture du Finistère et en charge du dossier Influenza aviaire. Il est aussi président cantonal de la FDSEA et conseiller municipal en charge de l’agriculture.

Les plus lus

<em class="placeholder">Terrena Volailles
Terrena
Terrena Environnement
Pouilailler</em>
« J’ai dû faire preuve de persévérance pour faire accepter mon projet de poulailler »

Situé en secteur céréalier en Deux-Sèvres, près d’un bourg, en zone Natura 2000 et avec deux monuments classés à proximité, le…

<em class="placeholder">La litière du bâtiment de 1 200 m2 est aérée et repaillée en moins d&#039;une demi-heure avec le Scoop Tract Aerolit.</em>
« J’aère et je repaille la litière de mes poulets sans effort »

Au moyen du petit automoteur Scoop Tract équipé de son accessoire Aerolit, Yoann Le Mée maintient le confort de ses volailles…

<em class="placeholder">Le site de SNV Les Fournis dans l&#039;Orne, en Normandie.</em>
Le leader de la volaille LDC renoue avec une croissante forte

Avec sept acquisitions en 2024 et 2025, le groupe LDC poursuit sa politique de développement en France comme à l’…

<em class="placeholder">Aymeric Pothier, éleveur de poulet lourd dans le Morbihan : « L&#039;élevage de poulets lourds 100% mâles est plus facile à gérer. » </em>
"Mes lots de poulets lourds 100 % mâles sont plus homogènes"

Fournisseur de l’usine Galliance de Languidic, le groupement Val’iance Bretagne met en place des lots de poulets lourds 100…

<em class="placeholder">Le Scoop Tract est très maniable avec son articulation.</em>
Paillage en volailles : l'automoteur articulé Scoop Tract est 100% électrique

Le porteur Scoop Tract développé et fabriqué par la société Michard Manutelec répond spécialement aux contraintes des élevages…

<em class="placeholder">Euralis veut redynamiser sa filière Volaille et propose une offre diversifiée aux éleveurs dont la production de poulet standard élevé en 42 jours. </em>
Euralis veut produire un million de poulets supplémentaires d'ici 2029

Avec ses 140 producteurs et ses 4,5 millions de têtes, la coopérative du Sud-Ouest veut augmenter ses volumes par un…

Publicité
Titre
je m'abonne
Body
A partir de 96€/an
Liste à puce
Version numérique de la revue Réussir Volailles
2 ans d'archives numériques
Accès à l’intégralité du site
Newsletter Volailles
Newsletter COT’Hebdo Volailles (tendances et cotations de la semaine)