Méthanisation Enerfées des Volailles de Janzé : « Les digestats sont valorisés sur nos terres »
L’unité de méthanisation Enerfées, portée par la coopérative Fermiers de Janzé, est alimentée par une soixantaine d’exploitations du territoire, valorisant les digestats sur leurs terres.
L’unité de méthanisation Enerfées, portée par la coopérative Fermiers de Janzé, est alimentée par une soixantaine d’exploitations du territoire, valorisant les digestats sur leurs terres.


Cet après-midi d’été, Nicolas Coger termine de curer le fumier de son poulailler de 400 m2, chargé dans un unique caisson mis à disposition la veille par la méthanisation Enerfées. Arrive le transporteur, chargé de digestat, et qui après l’avoir livré en bout d’une parcelle de l’exploitation repart avec le fumier frais, prêt à nourrir le digesteur.
Planifié en concertation avec la coopérative des Fermiers de Janzé, le « ballet » de caissons, transportant les matières entre le site de méthanisation et les élevages apporteurs, est parfaitement rodé, dans un objectif d’optimisation de la logistique et de maîtrise sanitaire.
« Dès la genèse du projet en 2015, l’unité de biogaz Enerfées a été réfléchie pour répondre aux besoins des agriculteurs, en termes d’organisation des flux, de planification et d’optimisation des valeurs fertilisantes des digestats », retrace Stéphane Letué, directeur des Fermiers de Janzé mais aussi d’Enerfées, détenue à 61 % par la SAS Terre des Fées, regroupant les agriculteurs apporteurs ainsi que la coopérative avicole.

Sécuriser les exploitations familiales
« Au-delà de l’enjeu de production d’une énergie renouvelable à l’échelle locale, le principal intérêt de la méthanisation est de pérenniser nos exploitations familiales en sécurisant les épandages. Pour la majorité des apporteurs, l’azote et le phosphore retournent sur l’exploitation sous forme de digestat. Mais la méthanisation répond aussi à la problématique d’exploitants en excédents ou en manque de fertilisant organique. » Grâce au choix des intrants que fait Enerfées, les digestats sont utilisables en agriculture biologique.
Des procédures sanitaires strictes
Le directeur y voit aussi un enjeu sanitaire. « Avec un digestat moins poussiéreux que le fumier de volaille, on limite fortement les contaminations de l’environnement lors des épandages. » En parallèle, un processus rigoureux de transport du fumier vers la méthanisation a été mis en place : système de désinfection automatique des roues des camions, caissons étanches avec dispositif de fermeture, désinfection systématique à l’unité de méthanisation… (voir vidéo). Le bâtiment de réception des intrants est équipé d’un système de traitement de l’air pour limiter les odeurs pour les riverains.

Les épizooties d’influenza aviaire des dernières années ont conforté le choix d’adhérer à ce projet territorial de méthanisation. « Grâce au procédé d’hygiénisation du digestat (chauffage à 70 °C durant une heure), la méthanisation apporte une solution de gestion des effluents en cas de problématique sanitaire en élevage (salmonelles, IA), dont peuvent aussi bénéficier nos éleveurs non adhérents à l’association de méthanisation. »
55 agriculteurs actionnaires de la méthanisation
Située dans une zone d’activité industrielle de Janzé et d’une capacité de 440 NM3, Enerfées a injecté dans le réseau ses premiers mètres cubes de gaz vert début 2023. De 38 éleveurs Fermiers de Janzé la première année (sur les 55 agriculteurs actionnaires), ils sont aujourd’hui 59 producteurs de la coopérative à fournir la méthanisation. Ces exploitations, souvent en polyculture élevage (atelier bovin), apportent 50 % des volumes de l’unité de méthanisation. Elles sont pour la plupart situées dans un rayon de 20 kilomètres autour de la méthanisation (5 à 10 km pour celles fournissant du lisier). Les adhérents récupèrent le digestat sous deux formes liquide et solide, leur permettant d’ajuster au mieux les apports en fonction de leurs besoins de fertilisations (engrais ou amendement organique).

Les valeurs de N et P conservées
« Cela a demandé aux éleveurs d’investir dans une fosse pour stocker le digestat liquide, mais ceux qui l’ont testé ne reviendraient pas en arrière », relève Stéphane Letué. « On a tout à gagner avec la méthanisation, confirme Mathieu Sourdril, éleveur de volailles label exploitant un atelier de vaches laitières et des cultures. « En méthanisant du fumier frais, on conserve les valeurs fertilisantes (moins de volatilisation de l’azote et de perte des éléments minéraux qu’avec un stockage en bout de champ des fumiers). Le digestat liquide me permet de réaliser des apports sur les céréales en sortie d’hiver mais aussi sur le maïs. Lors d’une année pluvieuse comme en 2024, il aurait été compliqué d’épandre nos effluents bruts sur nos terres très humides, alors que les camions transportant le digestat sont équipés pour intervenir sans abîmer les parcelles. »

Après deux années d’optimisation, l’unité de méthanisation Enerfées a désormais atteint son rythme de croisière. Elle produit environ 44 GWh par an de biogaz, l’équivalent des besoins de la ville de Janzé. Dans un objectif d’économie circulaire, l’unité de méthanisation alimente en bioGNR sa flotte de camions, grâce à deux stations de distribution sur site. De même, l’ensemble des véhicules de la coopérative des Fermiers de Janzé est passé au gaz : ceux des techniciens mais aussi des camions de livraisons des produits de volailles. Enerfées réfléchit désormais à une solution de valorisation du CO2, après purification du biogaz.
Un plan d’épandage mutualisé
En sortie du post-digesteur, le digestat est hygiénisé (une heure à 70°C) avant de transiter dans un séparateur de phase. Le digestat liquide est très concentré en azote (valeurs proches d’un ammonitrate), tandis que le digestat solide, équilibré en azote et phosphore, équivaut à un amendement organique.

Les comités techniques de Terre des Fées et d’Enerfées ont établi des tables de correspondances pour chaque type d’effluent. Ainsi, l’équivalence en volume pour un poulailler de 400 m2, fournissant 12 à 13 tonnes de fumier, est de 7,5 tonnes de digestat solide (25 % de matière sèche) et 15 m3 de digestat liquide. Enerfées prend en charge le transport des matières et verse une indemnité de 120 euros par caisson de fumier et de 2 euros par m3 de digestat liquide, permettant de participer au financement de l’investissement de l’agriculteur dans la fosse de stockage.
Le transport de la matière (effluents et digestats) est réalisé par un prestataire, qui s’est équipé de caissons amovibles de 42 m3 (correspond au volume en fumier d’un poulailler de 400 m2) et 28 m3 (bovin).
En chiffres
Unité de biogaz Enerfées
- 100 000 tonnes d’intrants par an
- Répartition en équivalent matière sèche : 30 % de fumier de bovin, 20 % de fumier de volailles, 20 % de déchets alimentaires d’agro-industries, 5 % de fumier de caprin, 25 % de lisiers et graisses (l’été, la baisse du fumier de bovin est compensée par des Cives, fonds de silos et déchets de luzerne)
- 4 salariés
- 14 millions d’euros d’investissement
- Valeurs fertilisantes N/P/K des digestats liquides (5/2,5/6 avec 50 kg/t de matière organique) et solides (5,5/5/6,5 dont 220 kg de matière organique)
En images : une gestion de la biosécurité lors du transport des matières
via le QR code ci-dessous, retrouvez en vidéo, le circuit de transport des fumiers et digestats solides et la gestion de la biosécurité