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« Mes effluents sont méthanisés avant d’être compostés », explique Benoît Riou, éleveur de dindes

Benoît Riou a investi dans une unité de méthanisation de 500 kW. Construite à côté de sa station de compostage, elle permet de produire de l’énergie à partir des effluents bruts destinés à être compostés.

Entre le dépôt de permis en 2012 et la mise en services à l’été 2021, Benoît Riou a dû faire preuve de patience et de détermination pour voir son projet de méthanisation aboutir, freiné par les délais administratifs puis les confinements liés au Covid en début de chantier. Mais cet homme de projets ne se décourage pas facilement.

Après la plateforme de compostage puis la chaudière à biomasse, il a franchi une nouvelle étape dans sa démarche d’autonomie énergétique et de valorisation des effluents de son exploitation avicole. Installé depuis 2000 à Saint-Servais dans le Finistère, Benoît produit des dindes dans quatre poulaillers de 1500 mètres carrés. « Je suis éleveur avant tout, souligne-t-il. La dinde a toujours été au cœur de mes projets, avec un objectif d’optimisation économique de l’exploitation, de réduction de l’impact environnemental et de cohérence entre mes différents métiers d’éleveur, de vendeur de compost et de producteur d’énergie. »

Une synergie entre ateliers

 

 
« Mes effluents sont méthanisés avant d’être compostés », explique Benoît Riou, éleveur de dindes

 

L’unité de méthanisation de 500 kW en est un parfait exemple. Elle a été dimensionnée en fonction de la station de compostage, située sur le même site. Conçue en 2003, cette dernière a été agrandie en 2007 pour traiter jusqu’à 37 000 tonnes de matières par an : en premier lieu, les effluents de son élevage représentant 15 % des volumes, ceux de cinq exploitations voisines (lisiers, fientes et fumiers), des boues de station ainsi que des déchets verts de collectivités. Depuis la mise en route de la méthanisation, les produits d’origine agricole et végétale passent désormais en amont dans le ventre des digesteurs de l’unité de méthanisation afin de produire du biogaz.

Les digestats obtenus sont ensuite transférés dans l’unité de compostage à aération forcée pour produire des amendements ou engrais organiques normés. « Ce système de 'by-pass' permet d’avoir une double valorisation des effluents : d’abord énergétique via la méthanisation, puis agronomique par le compostage, explique-t-il. Le digestat concentre les minéraux, ce qui permet de conserver la valeur fertilisante des composts. Il suffit d’ajouter un peu de déchets verts pour démarrer le processus de compostage. Il n’y a pas de perte de matière (minéraux) au final. »

La méthanisation par voie sèche mieux adaptée

Benoît Riou a opté pour la technique de méthanisation par voie sèche (procédé Méthajoule), plutôt que celle de l’infiniment mélangé par voie liquide. « C’était plus cohérent avec des effluents de 65 % de matière sèche en moyenne. Cela aurait été dommage de les humidifier sachant qu’ensuite je vise un compost le plus sec possible pour réduire le coût de transport vers mes clients utilisateurs, jusqu’à 300 à 400 km. » Les tunnels de méthanisation sont entièrement vidés après chaque cycle de production. « Je vais pouvoir traiter des intrants qui ne passent pas en voie liquide, par exemple des matières organiques avec présence de corps étrangers (cailloux…). Valoriser des ressources disponibles moins en concurrence est un moyen de sécuriser l’amortissement sur le long terme de la méthanisation. »

Valoriser 100 % de la chaleur produite

Le biogaz alimente un moteur de cogénération qui produit de l’électricité mais aussi de la chaleur, qui va servir à optimiser le processus de compostage. Les calories non utilisées pour la méthanisation (soit 30 % de la production de chaleur pour le réchauffage du percolât) vont être transférées par un réseau d’eau chaude jusqu’aux tas de compost en phase de maturation. En soufflant un air chaud à l’aide d’aérothermes, l’objectif de Benoît est de gagner 8 à 10 points de taux de matières sèches des produits finis pour atteindre 75 à 80 %, avec toujours un même objectif d’optimiser le remplissage des camions.

Dix ans de retour sur investissement de l'unité de méthanisation 

 

 
Le biogaz stocké dans la poche supérieure du digestat alimente le moteur de cogénération pour produire de l’électricité revendue à EDF et de la chaleur, servant à assécher le compost.
Le biogaz stocké dans la poche supérieure du digestat alimente le moteur de cogénération pour produire de l’électricité revendue à EDF et de la chaleur, servant à assécher le compost. © A. Puybasset

 

À terme, la méthanisation produira quelque 3 900 MWh d’électricité par an (soit l’équivalent de la consommation de 500 habitations) ainsi que 3 000 MWh de chaleur. L’électricité est envoyée dans le réseau EDF, avec un tarif de rachat de 20 cts d’euro le kWh. « L’installation n’a pas encore atteint son rythme de croisière. Il reste encore de l’optimisation de process à faire, à l’aide du biologiste de l’entreprise, pour atteindre le rendement maximal », reconnaît-il. « C’est un nouveau métier à prendre en main, plus complexe que le compostage. » De fait, l’éleveur vise un retour sur investissement de dix ans, plutôt que huit initialement. Le coût de la méthanisation s’élève à 3,3 millions d’euros dont 18 % ont été subventionnés par l’Ademe.

Un enjeu de transmission de l’exploitation

Au niveau main-d’œuvre, Benoît est accompagné de quatre salariés, dont un l’aide spécifiquement pour la partie élevage. « À terme, la gestion de l’unité de méthanisation demandera un mi-temps », estime-t-il. Avec des cycles de production plus longs qu’en poulet, l’espèce dinde colle bien à son organisation du travail. Elle permet de libérer du temps sur certaines périodes pour le consacrer à ses autres activités.

Même si la priorité du moment est d’optimiser le rendement de la méthanisation, Benoit Riou réfléchit déjà à un prochain projet d’installation photovoltaïque pour réduire les coûts d’électricité de l’élevage et du site de compostage. « En investissant dans les énergies renouvelables, l’enjeu est aussi d’anticiper et de faciliter la transmission de l’exploitation à la nouvelle génération, comme mon père l’a fait pour moi », souligne l’éleveur de 47 ans.

« L’élevage de dindes a toujours été au cœur de mes projets »

Quatre tunnels de méthanisation par voie sèche

La station de méthanisation SARL Gazelorn a été construite à côté de la plateforme de compostage SARL Valorg Elorn à Saint-Servais. Le site se trouve à distance du bourg, à trois kilomètres de l’élevage, mais tout près de l’entrée de la quatre voies reliant Rennes à Brest. Un lieu stratégique facilitant l’accès des camions et limitant le risque de nuisances pour le voisinage, lié au transport des matières organiques. Partageant un même pont-bascule, la station de compostage et l’unité de méthanisation sont deux entités juridiques séparées, la première « prêtant » les matières à la seconde.

 

 
Chaque casier de méthanisation est rempli et vidé par cycle de 28 jours.
Chaque casier de méthanisation est rempli et vidé par cycle de 28 jours. © A. Puybasset
À l’arrivée sur le site de méthanisation, les intrants sont stockés dans un grand hangar de 1 400 mètres carrés. Entièrement clos pour éviter le risque d’odeurs, il comprend quatre casiers étanches, d’une capacité de 250 tonnes, soit 450 mètres cubes de matières. C’est dans ces grands tunnels que sont introduits les effluents prémélangés, pour un cycle de production de 28 jours. Les casiers sont remplis et vidés en décalé de façon à avoir une production de biogaz plus régulière. Le process de méthanisation est initié par l’aspersion de bactéries sur le tas (percolation).

 

 

 
Le digestat qui ressort des casiers de méthanisation est composté.
Le digestat qui ressort des casiers de méthanisation est composté. © A. Puybasset
Le liquide récupéré est amené jusqu’au digesteur en béton. Le biogaz stocké dans la partie haute du dôme est envoyé vers le moteur de cogénération de 500 kW. En fin de cycle, le digestat est transféré vers la plateforme de compostage.

 

Les dates clés de l’exploitation de Benoît Riou

1997 Benoît rejoint son père sur l’exploitation de dindes comme salarié

2000 Installation de Benoît en Gaec avec son père

2003 Construction d’une station de compostage agrandie en 2007

2008 Investissement dans la chaudière biomasse

2021 Mise en route de la méthanisation par voie sèche

2022 Rénovation des poulaillers

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