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Le toastage mobile rebat les cartes

Dans le Gers, le toasteur mobile de soja est une solution qui valorise une production locale à travers l’utilisation d’un soja fermier « cuit maison », qualitatif et compétitif.

Livré en juin 2015 à la FDCuma du Gers, le toasteur mobile Mecmar voyage depuis lors de ferme en ferme. À l’origine se trouvent une dizaine de céréaliers cultivant le soja en tête d’assolement et désireux de mieux le valoriser en productions animales. « Nous avons commencé par treize adhérents et engagé l’équivalent de 400 tonnes de soja, confie Simon Graf, responsable du suivi des chantiers de toastage et éleveur de volailles à Estipouy (32). C’était déjà suffisant pour rentabiliser les 80 000 euros investis, remorque comprise. Nous étions accompagnés par un technicien. En pratique, la Cuma départementale gérait l’organisation des chantiers. » Le bouche-à-oreille a fonctionné et le tonnage est monté en flèche. Aujourd’hui, trente-cinq adhérents sont répartis sur cinq départements, avec 1 100 tonnes transformées, l’équivalent de plus de 300 hectares. Pour Éric Figureau, animateur de la Cuma du Gers et responsable du projet, « maintenant que nous maîtrisons la technique, il s’agit d’utiliser le toasteur à plein, de rationaliser les chantiers, d’organiser des tournées cohérentes. Chez nous, le toasteur travaille à 80 % pour les volailles et les canards. Nous allons continuer nos investigations pour traiter les féveroles, les pois, afin d’offrir des solutions adaptées à tout type d’élevage ».

Une technique simple à découvrir

Le toasteur est un appareil conçu pour le traitement thermique des légumineuses (essentiellement le soja déjà séché) et des céréales par torréfaction. Selon le constructeur, il peut être aussi utilisé pour le séchage et/ou la stérilisation de produits comme des coquilles d’œuf, des noix… Les produits doivent être secs, mûrs et propres. La torréfaction vise à réduire les éléments antinutritionnels de la graine crue. Le contrôle a lieu sur les graines refroidies, en mesurant le pourcentage résiduel d’enzyme uréasique. Après traitement, le soja devient digestible avec une bonne valeur nutritionnelle. Contrairement au procédé par extrusion, la graine de soja cuite conserve ses matières grasses. Afin de garantir la qualité du soja torréfié et déterminer la formulation adéquate, des échantillons torréfiés sont analysés. Pour un bon résultat, il faut des graines à 14 % d’humidité, triées et sans impureté. L’approvisionnement du toasteur est réglé de façon à apporter une couche fine et régulière sur le tapis de convoyage, en définissant une durée de passage. Respecter 180 °C à cœur oblige à maintenir une arrivée d’air chaud à 250 °C et sa sortie à 110 °C. « Une fois que c’est bien réglé, c’est parti », résume Éric Figureau. Il ne faut pas négliger le refroidissement qui garantit une bonne conservation - entre six et huit mois - et conserve l’appétence. « Sur une exploitation, il faut envisager deux à trois passages dans l’année pour travailler un produit toujours frais », précise Philippe Olivier, responsable commercial chez Secopalm(1) et premier partenaire du projet.

Une nouvelle donne qui bouscule les habitudes

« Jusqu’à présent, on n’a pas réussi à remplacer le soja qui, en volailles et palmipèdes, reste incontournable les quatre premières semaines d’élevage, stipule Philippe Olivier. Mon métier, c’est de fournir des minéraux, mais surtout de créer des solutions nutritionnelles pour les clients. Nous nous sommes inscrits dans cette démarche dès son origineL’intérêt du soja fermier est multiple. Il améliore l’autonomie alimentaire, apporte un supplément de matière grasse, et surtout réduit le coût de la ration. »

Après six mois d’utilisation, les résultats laissent entrevoir de bonnes perspectives. « En volaille, les retours sont très positifs, avec des indices de consommation et des poids de carcasses améliorés. Chez les palmipèdes, l’apport de matières grasses joue aussi sur la qualité des magrets. Les qualités organoleptiques semblent mieux développées. »

Chez Simon Graf, le toasteur a supplanté l’extrudeur. « Outre le débit nettement plus performant, c’est surtout le coût d’utilisation qui change la donne, avec une division par trois ! De cent euros par tonne en extrusion, je suis passé à trente-cinq euros par tonne en toastage. Le constat est sans appel. »

D’autres protéagineux, et même des graines mélangées (méteils), sont amenés à être valorisées. « Ce procédé lève aussi des freins à la distribution du soja directement entre producteurs et éleveurs. Ce produit 100 % français, issu de la ferme, sera aussi un argument supplémentaire pour les circuits courts et les élevages bio », conclut Philippe Olivier.

(1) Filiale de la firme service Idena.

Organiser le chantier

« Dans notre cahier des charges, nous voulions baisser le coût d’utilisation au maximum », prévient Éric Figureau. Installé sur une remorque tractable par un 4x4 ou une camionnette et avec un permis remorque 3,5 tonnes, le toasteur est facilement déplaçable. Passé la formation initiale, l’agriculteur utilise, entretient et transporte. Le plus important est de bien organiser son chantier, comme en témoignent les frères Pérès, éleveurs et gaveurs de canards. « Nous avons transformé vingt-cinq tonnes. Nous allons nous atteler à structurer notre chantier et à éviter les pertes de temps entre mise en œuvre, traitement et reprise, de façon à garder une cadence régulière. Les résultats techniques sont très intéressants, et nous comptons bien continuer. » Avec un débit compris entre 1,5 et 2 tonnes par heure, le toasteur doit travailler en continu pour fournir une qualité constante. « Toutes les opérations doivent être suivies, et l’organisation rigoureuse. » Avec un coût de facturation de trente-trois euros par heure « machine seule », l’adhérent ajoute le gasoil, l’entretien usuel et le transport. Dans les conditions actuelles, le coût de traitement n’excède pas trente-cinq euros la tonne.

Optimiser les productions végétales et animales

Jean-Luc Bongiovanni et Nicolas Verdoux travaillent en polyculture-élevage dans la vallée de l’Adour. Tous deux éleveurs de volailles de chair et festives, ils emploient le toasteur pour utiliser leur soja maison dans leur fabrication d'aliment à la ferme. « Avant, on essayait d’avoir un maximum d’alimentation à la ferme, mais pour monter la ration en protéines on dépendait toujours du soja. Le toasteur arrive à point nommé, car il nous permet de favoriser le soja dans nos rotations culturales, basées essentiellement sur le maïs, et de mieux préserver notre autonomie alimentaire », précisent les deux éleveurs. En bonus, le gain sur le coût de revient de l’aliment est raisonnablement estimé à 20 %. « Si l’économie est non négligeable, l’atout « communication » auprès de notre clientèle en circuit court et demi-gros nous permet d’afficher une traçabilité sans faille avec une garantie non OGM. »

Les premiers constats techniques sont une accentuation du jaune de peau, plus recherché par la clientèle du Sud-Ouest, un plumage plus brillant et « un meilleur comportement avec moins de picage », ajoute Jean-Luc Bongiovanni. « L’indice de consommation s’est amélioré (environ 2,6) ce qui reste à vérifier dans la durée », complète Nicolas Verdoux. Pour Jean-Luc, qui élève ailleurs du canard prêt à gaver, la question du soja toasté s’aborde différemment. « Je fais partie d’un groupement, avec un contrat de fourniture d’aliment du commerce. il faudra en discuter avant de prendre une décision. " Outre l’aspect technique et zootechnique, pour gagner sa place le toasteur devra entrer dans le champ des accords intrafilières.

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