Le plan d’actions contre l’influenza aviaire finalisé
Fin juillet, le ministère de l’Agriculture a dévoilé son plan « ambitieux » ayant pour objectifs de gérer économiquement la fin de l’épizootie 2021-2022 et de mieux se préparer à l’éventualité d’une prochaine.
Fin juillet, le ministère de l’Agriculture a dévoilé son plan « ambitieux » ayant pour objectifs de gérer économiquement la fin de l’épizootie 2021-2022 et de mieux se préparer à l’éventualité d’une prochaine.
Les six fiches action officialisées le 29 juillet dernier apparaissent comme des mesures correctrices de la feuille de route présentée en juillet 2021. Le cabinet du ministre souligne que ces 41 propositions à mener collectivement résultent d’un « large travail de concertation » qui a tiré les enseignements de l’expertise des scientifiques de l’Anses et des retours des professionnels.
Trois des fiches portent sur des sujets prioritaires : la « surveillance sanitaire », la « prévention » et les « méthodes de lutte et gestion ». Une fiche action spécifique au gibier a été rédigée car les éleveurs et chasseurs sont susceptibles d’être en contact étroit avec l’avifaune sauvage. La fiche action « vaccination » vise le moyen long terme, sachant qu’aucun vaccin ne sera potentiellement disponible avant l’an prochain au plus tôt.
Mieux détecter, sécuriser et gérer
Ce qui se profile pour les éleveurs ce sont des contrôles sur tous les palmipèdes avant tout mouvement, afin de ne pas disséminer d’oiseaux porteurs de virus. Sont prévues des analyses de morts en élevage ainsi que des chiffonnettes d’environnement suivant des autocontrôles hebdomadaires. l’État ne prendra pas en charge ces surcoûts.
Quant à la biosécurité, son renforcement concerne des maillons faibles situés hors élevage, à savoir les intervenants extérieurs et les transporteurs de toute nature (aliment, animaux vivants ou morts…). Il est prévu de développer des stations de décontamination et d’appliquer des guides de bonnes pratiques. L’obligation d’autocontrôles et d’audits indépendants est mentionnée.
Une autre faille à combler concerne la connaissance en temps réel du statut de tous les élevages (vide/plein, espèce, âge), indispensable pour mener la lutte contre les foyers. Ceux ne se déclarant pas aux bases de données se verront sanctionnés, notamment par le non-versement d’aides.
Plus d’un milliard d’euros d’indemnisations
Enfin, la fiche action « accompagnement à court terme des producteurs et des industries d’abattage-transformation » traite les indemnisations des manques à gagner de l’épizootie précédente et du manque actuel d’animaux d’un jour, essentiellement de canetons.
Cet engagement très conséquent a été salué par les organisations professionnelles, puisque 800 millions d’euros sont budgétés, en complément des 300 millions d’indemnisations sanitaires.
Ils concernent toutes les filières avicoles et leurs maillons (élevages en zones réglementées, secteur œuf, aval et services spécialisés, sélection-accouvage). Sur ces 800 millions, 120 M€ iraient à la sélection-accouvage et 90 M€ aux entreprises agroalimentaires.
Les indemnisations des éleveurs — uniquement en zones réglementées — sont de trois types. L’indemnisation I1 couvre les pertes à 100 % jusqu’à la levée de l’interdiction de remise en place. Comme l’an dernier elle sera suivie d’une indemnisation I2 à 100 % (50 % l’an dernier) durant 150 jours. L’indemnisation I3 est nouvelle. Elle compense le déficit annoncé d’oiseaux d’un jour. Elle pourra être accordée pendant 120 jours, même à l’éleveur ayant remis un lot en place mais n’en trouvant plus. Le taux d’aide passe de 50 % à 100 % s’il dédensifie dans le cadre du plan Adour spécifique à 68 communes du Sud-Ouest.
Zones réglementées priorisées
Avec l’indemnisation I3, le ministère tente de faire d’une pierre deux coups : d’une part dédommager pour diminuer le risque là où l’épizootie pourrait reprendre ou s’amplifier, d’autre part permettre que les accouveurs livrent plus dans les zones non indemnisables.
Cette mesure du ministère ne sera pas suffisante pour satisfaire le pic de demande de foie gras pour Noël. Habituellement, il faut 3 à 3,4 millions de mâles mulards par mois entre juillet et septembre. Cette année, le déficit mensuel sera de 1 à 1,6 million de têtes même en gardant toutes les femelles. Grimaud Frères, qui fournit un tiers des mulards, ne peut honorer plus de 15 % de ses commandes de mâles (27 % avec les femelles). « Le manque est tel que personne ne sera satisfait », regrette Yann Le Pottier, directeur général de Grimaud Frères.
Les oubliés du volet économique sont incontestablement les éleveurs des zones saines frappés d’une double peine : pas de mise en place et pas d’indemnisation. La Confédération paysanne et le Modef n’ont pas raté l’occasion de dénoncer cette « injustice » qui vient s’ajouter à l’absence de modulation de la mise à l’abri en fonction d’une analyse de situation individuelle. Le risque de disparition d’éleveurs indépendants élevant en plein air est réel. C’est pourquoi, l’appel à la solidarité lancé par l’interprofession du foie gras semble justifié.
Une présence devenue endémique
Chaque automne, il va falloir s’habituer à produire avec un risque de contamination accru. Désormais, les virus influenza aviaires sont passés du statut de « migrants » à « résidents », comme le suggèrent les nombreuses découvertes d’oiseaux marins morts du H5N1 sur le littoral, de la Manche jusqu’à l’Atlantique. Plus de cadavres d’oiseaux ont été collectés entre juin et août qu’entre octobre et mai dernier.
Cette situation change certaines donnes. Si la nécessité d’une mise à l’abri ne fait plus partie du débat, ses conditions et sa durée interrogent. Le ministère va saisir l’Anses pour qu’elle analyse des solutions alternatives. Par ailleurs, la révision des critères définissant les trois niveaux de risque et les mesures associées est envisagée. Un zonage affiné permettrait de réduire la durée de mise à l’abri.
Les six enjeux relevés par l’Anses
Dans son rapport d’expertise en date du 20 juin et remis au ministère de l’agriculture, l’Anses pointe six thèmes de progrès :
Une détection plus précoce (tests hebdomadaires et autotests)
Un dispositif de biosécurité à généraliser (combler les failles identifiées)
Un fonctionnement des filières à mieux raisonner (mutualisation, dédensification)
Une organisation territoriale de lutte à anticiper (alternatives à l’équarrissage)
Un risque pour la santé publique (franchissement de la barrière d’espèces)
La vaccination comme moyen complémentaire de lutte.