Aller au contenu principal

Le marché des volailles vivantes résiste à New York

À New York et dans les grandes cités américaines, où vivent des communautés attachées à leur culture ou à leur religion, la vente des volailles vivantes et abattues sur place perdure.

James Panzavecchia, propriétaire d’un marché 
au vif dans le Queens avec un coq Sasso. 
Le communautarisme des grandes villes américaines peut maintenir le marché du vif 
si celui-ci continue à se professionnaliser.
James Panzavecchia, propriétaire d’un marché
au vif dans le Queens avec un coq Sasso.
Le communautarisme des grandes villes américaines peut maintenir le marché du vif
si celui-ci continue à se professionnaliser.
© P. Le Douarin

Il est dix heures ce mercredi matin à New York, dans la boutique pas comme les autres de James et Joe Panzavecchia, située sur la 46e avenue du quartier Corona de la municipalité du Queens(1). Dans une longue salle, de jeunes femmes attendent leur tour entre les deux hautes rangées de cages métalliques sur roulettes. Elles sont venues faire l’acquisition de ce qui constituera leur déjeuner familial. La gamme de choix est large : lapin, canard, poule pondeuse réformée, coq de reproduction réformé, poulet blanc (Cobb ou Arbor Acres), poulet coloré (Sasso), dinde colorée (surtout durant la semaine du thanksgiving qui aura lieu le 4 décembre) et plus rarement de la pintade. La particularité de ce « live market » ou « vivaro » (les termes américain et hispanique), c’est de les proposer vivantes et de les abattre sur place. Après le choix par la cliente, James pèse l’animal et le passe à un employé qui va l’abattre et le préparer dans l’arrière-boutique aménagée en tuerie. Un quart d’heure plus tard, la volaille est rendue emballée et souvent découpée. Affiché sur un grand panneau, le prix oscille entre 1,50 dollar la livre (453,6 g) pour les réformes et 4 dollars pour le canard, soit 2,60 à 7 € du kilo vif (pour une parité euro/dollar de 1,25). Le poulet blanc est à 4,20 €/kg vif et le coloré à 5,30 €. Ce dernier se vend sous trois formats : le « baby » de 3 livres, le « broiler » de 5 livres et le « roasting » de 8 livres. C’est bien plus cher qu’un poulet prêt à cuire issu de la production standardisée, qui en promotion coûte environ 4,80 euros la pièce.


Un acte d’achat fortement identitaire


« À 90 %, mes clients sont d’origine latino », explique James. Leur motivation d’achat est avant tout culturelle. « Plutôt qu’aller au supermarché, ils préfèrent consommer des produits extra-frais provenant de volailles qu’ils ont choisies. » Beaucoup de ses clientes ont élevé des volailles dans leur pays d’origine ou maintiennent la tradition. « Nous n’avons quasiment aucun client américain blanc », ajoute le propriétaire des lieux. D’origine italienne, James tient cette affaire six jours sur sept depuis trente-huit ans, comme son père et son grand-père avant lui dans le quartier de Brooklyn. Les boutiques comme celle-ci se trouvent essentiellement dans les municipalités du Queens et de Brooklyn où se concentrent les consommateurs et où peuvent exercer ces marchés. Un tel commerce serait inconcevable à Manhattan. « Cette ville compte une centaine de boutiques, précise Jacob Helfrich, du fournisseur Watkins Poultry Merchants. On retrouve ici toutes les nationalités. Les États-Unis est un pays de tolérance où les différences peuvent s’exprimer. Beaucoup d’immigrés maintiennent leur tradition culinaire, leur culture et leur pratique religieuse. »
De nombreuses communautés sont adeptes des marchés du vif, avec des boutiques dédiées et des produits préférés : surtout les hispaniques, les asiatiques et les musulmans, puis les juifs hassidiques. Ainsi, Jacob rapporte le cas de deux boutiques attenantes, l’une vendant exclusivement aux asiatiques et l’autre aux juifs.


Une activité qui va évoluer


Les frères Panzavecchia sont l’exemple type de ce commerce, mais des jeunes qui prennent la suite de leur père bousculent la tradition. Imran Uddin, de Madani Halal, cherche à aller plus loin. Tenant dans le Queens une boutique destinée aux musulmans, il vend des volailles, des chèvres et des moutons « à emporter ». Il vise aussi le créneau de la restauration haut de gamme intéressée par des volailles et leurs coproduits (sang, abats, tête). Il livre à Manhattan des restaurateurs qui commandent par sms. Imran a créé sa propre marque « Mandani green label » et met en avant une qualité différente du poulet blanc à croissance rapide. « Je leur propose le poulet Sasso que me fournit Watkins. Ils aiment son goût et sa texture ‘al dente’ », précise-t-il.
Après avoir presque doublé en quinze ans, selon des données officielles, le marché du vif s’est stabilisé à New York, admet Jacob Helfrich. Le bien-être animal et l’hygiène sont les deux points faibles à maîtriser pour assurer le futur. Depuis 2008, la loi ne permet plus d’installation à moins de 460 mètres d’une résidence. Des cas de salmonelloses ont été rapportés. Malgré une inspection sanitaire régulière (quatre fois l’an), la qualité des installations n’est pas au niveau des petits abattoirs français. Cela n’entame pas le moral de la société Watkins qui poursuit son développement sur le New Jersey, et même le Connecticut tout proche comptant des chinois et vietnamiens acheteurs potentiels.


(1) La ville de New York est constituée de cinq municipalités : Bronx, Brooklyn, Harlem, Manhattan, Queens.

Watkins Poultry Merchants, premier fournisseur new-yorkais

 

L’aventure a commencé dans les années 1980 avec Jake Helfrich et Matt Gross, père et oncle de Jacob. Elle a été lancée pour fournir en vif le magasin du père de Jake, situé Watkins Street
à Brooklyn. À la même époque, de nombreux marchés s’ouvraient et cherchaient des volailles, ce qui fut une opportunité de développement. Watkins Poultry Merchants compte aujourd’hui une soixantaine de salariés et emploie sept membres de la famille. Elle fait élever en Pennsylvanie, dont elle est originaire, avec des producteurs sous contrat. « Les élevages sont conformes aux règles fédérales sur le bien-être et la santé animale », souligne Jacob. Ils n’utilisent jamais de farines animales et les volailles sont en claustration « pour une raison de coût et de volume commercialisé ».

Six jours par semaine, quatre camions transportent au maximum 650 caisses de six à quatorze oiseaux vers l’entrepôt de Brooklyn. D’autres vont livrer en moindre quantité Long Island, et le New Jersey, notamment Philadelphie. Au petit matin, les revendeurs viennent chercher les commandes passées la veille.
Watkins Poultry produit et commercialise toutes les volailles souhaitées. Vendu quotidiennement depuis 2012, le poulet coloré Sasso(1) devient peu à peu une marque. « On demande de plus en plus souvent ‘one Sasso’. » Ce poulet abattu à 12 semaines est doublement apprécié : pour sa rusticité et pour ses caractéristiques de goût et sa coloration (pattes et peau jaunes, plumes rouges, noires…).



(1) Issu du croisement d’un mâle X44 B et d’une femelle SA31.

Les plus lus

L'élevage alternatif est devenu dominant, mais la cage résiste très bien au delà d'un atelier de 50 000 poules.
Recensement agricole en volailles : La poule pondeuse a le vent en poupe

L’évolution des modes de production sous la pression du bien-être animal s’est traduite par une mutation structurelle…

Foie gras : Delpeyrat va fermer deux abattoirs de canards

Delpeyrat va fermer ses abattoirs de canards gras de La Pommeraie-sur-Sèvre (85) et de Vic-Fezensac (32). Cette décision vise…

Éric Baldo, responsable technique de la Ciab, suit de près les performances des deux bâtiments atypiques de Ludovic Drapeau conçus pour répondre à tous les cahiers des ...
Poulet "bien-être" : La coopérative Ciab a investi pour mesurer le surcoût des attentes sociétales

La coopérative Ciab a supporté financièrement le Gaec des Grandes Roussières pour chiffrer les attentes sociétales avec deux…

Jérôme Perrodin avec son épouse Linda : « J’ai opté pour un système de volière qui incite les poulettes à circuler verticalement mais aussi horizontalement, et ceci ...
« Ma volière favorisera la mobilité en 3D des poulettes »
Jérôme Perrodin a investi dans un bâtiment neuf pour poulettes futures pondeuses d’œufs bio, équipé d’une volière facilitant les…
Anis Farhat, directeur d’exploitation de Taissir, entouré de Fabrice Poisbeau et de Guirec Rollando, de Sodalec Distribution : « La filtration d’air a largement ...
En Tunisie, des poules pondeuses sous air filtré pour en finir avec les salmonelles

Filtrer l’air des bâtiments de poules pondeuses de l’entreprise tunisienne Taissir a été une mesure sanitaire clé pour enrayer…

Avec l’IA, Jean-Luc Martin compte passer de la correction des dysfonctionnements des bâtiments d’élevage au copilotage de leur conduite par l’éleveur.
Big Data : Tell Élevage vise la supervision des poulaillers avec l’intelligence artificielle

La start-up Tell Élevage prévoit d’utiliser l’intelligence artificielle (IA) pour créer un outil de conseil au pilotage en…

Publicité
Titre
je m'abonne
Body
A partir de 100€/an
Liste à puce
Version numérique de la revue Réussir Volailles
2 ans d'archives numériques
Accès à l’intégralité du site
Newsletter Volailles
Newsletter COT’Hebdo Volailles (tendances et cotations de la semaine)