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Influenza aviaire : Dans les coulisses de l’élimination des volailles

Missionnée pour euthanasier des cheptels porteurs de maladies contagieuses, GT Logistics a formé une section d’intervention d’urgence. Elle doit agir vite, tout en respectant le bien-être animal et la sécurité de ses intervenants.

En matière de sécurité publique, tout le monde a entendu parler du Raid et du GIPN, mais en santé animale qui connaît le GIGT ? Depuis 2005, le Groupe d’intervention de l’entreprise GT Logistics est missionné par la Direction générale de l’alimentation (DGAL) pour réaliser l’euthanasie complète d’élevages touchés par une maladie contagieuse réglementée (peste porcine africaine, influenza aviaire, maladie de Newcastle). « Nous sommes disponibles 24 heures sur 24, sept jours sur sept, résume le responsable de l’activité Olivier Durupt. Quand la DGAL appuie sur le bouton, nous avons 24 heures pour être opérationnels. »

La dernière épizootie d’influenza H5N8 a frappé officiellement 492 sites (dont 475 dans le Sud-Ouest) et plus de trois millions et demi de volailles ont dû être abattues. Trois solutions ont été mises en œuvre pour faire face à l’afflux de foyers et au besoin de vider rapidement les zones contaminées : le GIGT de GT logistics, des vétérinaires privés et des agents des services vétérinaires intervenant sur des foyers, la réquisition d’abattoirs pour les abattages préventifs.

Selon les chiffres de la DGAL, le GIGT a été impliqué dans la moitié des mises à mort. Il est intervenu sur 85 sites (80 % de foyers) comptant 900 000 volailles. À quoi il faut ajouter 950 000 volailles provenant d’environ 230 élevages (foyers ou abattages préventifs) qui ont été prises en charge sur la plateforme de Pomarez.

Une soixantaine de volontaires préparés pour l’urgence

Cette mise à mort de grand nombre d’animaux étant sujette à controverses, le GIGT agit dans la discrétion et la confidentialité, ce qui épaissit le mystère autour de ses activités.

Qui est cette soixantaine d’hommes de l’ombre répartie en quatre équipes d’intervention rapide ? « Monsieur tout le monde, à en croire Franck Ferrandon qui supervise le GIGT. Ce sont tous des collaborateurs de GT Logistics disséminés en France qui se sont portés volontaires. » Ils ne font pas partie de GT Solutions, spécialisée dans le transport de volailles vivantes. « En revanche, GT Solutions nous apporte son expertise et les procédures de décontamination », complète Olivier Durupt.

« Nos intervenants savent quand ils partent, mais ni où, ni quand ils reviendront » ajoute ce responsable. À la dernière épizootie, ils ont dû se mobiliser au moment des fêtes de fin d’année et ont été particulièrement mis sous pression par la Covid. « Ils étaient masqués du matin au soir et isolés le soir dans leur chambre d’hôtel. Ainsi, nous n’avons eu aucun cas. » Cette campagne a été aussi la plus intense de toutes.

« À moyens constants nous avons réalisé en six semaines l’équivalent des trois mois de l’épizootie précédente. C’est pourquoi nous vérifions au préalable leurs aptitudes physiques. »

Agir en commando et avec doigté

Pour être efficace et rapide, chacun sait ce qu’il doit faire et y a été entraîné. « Ils suivent une formation qui leur permet d’occuper tous les postes. On a besoin d’une organisation quasi-militaire, car dans l’urgence il n’y a pas de place pour l’improvisation. »

 

 
Chaque équipe d’une dizaine de personnes comprend le « pilote » chargé de superviser les « binômes » associant des opérateurs expérimentés et récemment intégrés. L’équipe est assistée d’agents de la DDPP et de 15 à 20 ramasseurs de l’entreprise Prodige missionnée par la DGAL. Le pilote est l’interlocuteur du représentant des services vétérinaires locaux et éventuellement de l’éleveur, restant généralement en retrait pour être préservé.

 

 

 
Le GIGT dispose de deux chaînes d’abattage mobiles.
Le GIGT dispose de deux chaînes d’abattage mobiles. © GT Logistics
Une fois mis en alerte, le GIGT reçoit une notice de préparation de chantier précisant l’espèce, le nombre, le descriptif de l’élevage, une image aérienne du site, afin de sélectionner le matériel adéquat (bacs de gazage "Micodan", chaine d'abattage)validé par la DGAL et préparer la mise en place.

 

 

 
L'équipement principal est composé de quatorze bacs à double gazage au CO2 (Micodan) et de quinze «mini Micodans » pour les accès difficiles, plus vingt réservoirs de CO2.
L'équipement principal est composé de quatorze bacs à double gazage au CO2 (Micodan) et de quinze «mini Micodans » pour les accès difficiles, plus vingt réservoirs de CO2. © DR

 

Un protocole respecté à la virgule

 

 
Sur place, il faut compter environ trois quarts d’heure pour délimiter les trois zones (extérieur « propre », intermédiaire et intérieur « sale » avec les animaux) et installer les sas de passage. Au préalable, le chef d’équipe a fait un repérage pour vérifier le site et les arrivées d’eau et d’électricité.

 

Pour aller en zone « sale », l’opérateur passe d’abord la zone « intermédiaire ». Il prend une douche dans le sas douche et revêt l’équipement complet de protection qui sera jeté à sa sortie. Les temps de pause, collations et autres sont pris dans la zone intermédiaire dont on ne ressort parfois qu’au bout de 10 heures.

 

 
Le personnel habilité pénètre dans la zone d’intervention obligatoirement par le deuxième sas de désinfection, une tente de type Barnum.
Le personnel habilité pénètre dans la zone d’intervention obligatoirement par le deuxième sas de désinfection, une tente de type Barnum. © GT Logistics
Pour pénétrer en zone « sale » où se déroulent le ramassage et la mise à mort, l’opérateur passe par le sas désinfection où il revêt une combinaison supplémentaire (ainsi qu’un masque intégral à cartouche).

 

Le chantier s’achève par le retour d’expérience fait à chaud avec les services vétérinaires. Olivier Durupt aimerait que les éleveurs puissent directement faire part de leurs remarques, mais ce n’est pas prévu jusqu’à présent.

Après le rangement du matériel, rien ne peut indiquer qu’un chantier d’euthanasie vient de se dérouler, mis à part le silence qui marque toujours les éleveurs. « Nous ne devons laisser aucun contaminant sortir de l’élevage, précise Olivier Durupt. On nous dit souvent que le site est plus « propre » en partant qu’en arrivant. Cette année un sol bitumé a été abîmé par un caisson de gazage. Il faudra qu’on prévoie des dispositifs de protection. »

« La demande générale (administration et professionnelles) est d’aller encore plus vite. Depuis 2005, nous avons amélioré les procédures et investi dans du matériel. Notre limite, c’est la sécurité du personnel dont il faut respecter l’intégrité physique et morale. Ce sont des moments difficiles à vivre pour les éleveurs, mais aussi pour les opérateurs », conclut Franck Ferrandon.

Volumes triplés avec la station de Pomarez

Le contrat entre la DGAL et GT Logistics stipule qu’une équipe doit avoir la capacité de traiter 50 tonnes par jour.

Cette saison, les quatre équipes n’auraient pu faire face à l’afflux si le dispositif n’avait pas été modifié. « Avec l’interprofession, nous avons décidé de monter un point fixe de mise à mort pour au moins doubler les volumes. » Il a été établi à Pomarez, sur le site des transports Trémont, qui possède une station de lavage pour ses camions et son matériel de transport de volailles. « Ça a été décidé le vendredi, opérationnel le lundi et le jeudi nous étions déjà montés à 140 tonnes par jour au lieu des 70 tonnes prévues », résume Olivier Durupt.Les opérateurs du GIGT réalisaient la mise à mort et nettoyaient le matériel, tandis que la collecte et le transport étaient organisés par l’interprofession.

La DGAL indique qu’environ 950 000 volailles y ont été euthanasiées, en provenance de 230 élevages foyers ou non.

Le retour d’expérience est en cours pour améliorer ce dispositif. « Il faudra revoir la gestion des caisses de transports à cause des volumes d’eaux de lavage et de désinfection générés », estime Olivier Durupt. Les horaires « élastiques » des chauffeurs présents de la collecte à la décontamination finale, ont aussi été un point de tension.

GT Logistics en bref

Le groupe bordelais GT Logistics se définit comme un « prestataire de la sous-traitance dédié », en précisant qu’il « permet à ses clients d’optimiser leurs flux, de réduire leurs temps de cycle et leurs coûts en se recentrant sur leur cœur de métier. »

Actif sur environ 120 sites et dans des secteurs variés (aéronautique, agroalimentaire, santé…), le groupe gère des plateformes de distribution, la logistique au sein d’usines des clients, de la production et du transport.

Créé en 2001, le groupe d’intervention GT (GIGT) intervient beaucoup plus sur des missions d’urgence de démarrage de nouveaux clients de GT Logistics (57 % du temps) et des remplacements de salariés (20 %) que pour la DGAL. En 2020, le GIGT a réalisé son record historique d’interventions avec 10 133 heures (1,4 fois plus qu’en 2019) en lien avec la covid et l’influenza aviaire.

 

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