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Donner un nouveau souffle à la dinde

Représentant à peine 20 % de la production française de volaille en 2018, contre plus de 25 % en 1990, la dinde est à la peine depuis trop longtemps. Des initiatives sont prises pour tenter de stopper son déclin.

 © P. Le Douarin
© P. Le Douarin

Quand on compare les performances actuelles et passées de la filière dinde, le bilan est plutôt sombre. Depuis leur apogée en 2000, les mises en place ont baissé des deux tiers en 2018 et les abattages de 55 % (369 000 tonnes). En 2018, les mises en place ont reculé de plus de 50 000 têtes par semaine et approchant les 800 000 en moyenne. Cette baisse a été en partie compensée par l’alourdissement du poids pour la première fois au-dessus de 11 kg l’an passé.

 

Contrairement au poulet, la part perdue n’a pas été prise par des importations. C’est la consommation déclinante qui a été le principal moteur de la baisse, alors que celle de « volaille » n’a cessé d’augmenter. La principale cause en revient à la viande de poulet française et importée, de plus en plus découpée et élaborée comme la dinde autrefois. L’effet prix est primordial, la dinde coûtant plus cher à produire (élevage plus long, plus de soja, indice de consommation plus élevé). De plus, l’image d’une viande de dinde pratique et peu chère s’est diluée dans l’esprit des consommateurs. Depuis les années 2000, les industriels investissent massivement dans la découpe et l’élaboration du poulet. L’innovation lui a profité avec des produits moins chers aux mêmes fonctions (praticité, service, diversité). Le poulet étant aussi un marché mondial plus vaste, les efforts génétiques ont été plus importants et les progrès plus rapides. Par ailleurs, la filière se plaint d’avoir du mal à recruter des éleveurs. Là encore, il faut se retourner vers le poulet. La Bretagne, région la plus productrice de dinde, connaît un fort développement du poulet lourd avec des rémunérations annuelles supérieures. Devenus polyvalents, même les spécialistes de la dinde auraient tendance à produire du poulet. S’ajoute la crainte du mauvais lot plus difficile à rattraper, les risques d’histomonose et la réputation d’espèce sanitairement sensible. Pourtant, les résultats techniques sont bons dans leur ensemble.

 

Au bout du compte, la filière est entrée dans une spirale descendante. Avec moins d’éleveurs, elle produit moins et est moins réactive si la conjoncture redevient favorable comme cela semble aujourd’hui le cas (peste porcine et conflit commercial USA-Chine). Elle est moins compétitive avec des outils d’abattage-découpe insaturés à restructurer. Fort heureusement, les professionnels ne baissent pas les bras. C’est pour remonter la pente de la consommation que Galliance et LDC viennent de lancer une nouvelle gamme des produits crus frais, d’abord en grande distribution, en misant sur les attentes sociétales. Pour l’instant, le secteur BtoB (RHD et industrie) arbitre son prix avec celui du porc et de la dinde fraîche importée de Pologne. En octobre 2018, Galliance a lancé une dinde La nouvelle agriculture (LNA) et LDC la dinde Oui c’est bon en avril dernier. La densité d’élevage est abaissée de 13 % chez LDC et de 26 % chez Galliance (ce qui se traduit par un prix supérieur d’environ 30 % selon Erwan Pencalet, responsable marketing chez Galliance). Il est encore trop tôt pour connaître les retombées commerciales, mais Galliance assure que LNA recrute de nouveaux consommateurs, du moins en poulet. Et c’est bien sa vocation. Ces efforts des marques vont être appuyés par la campagne de promotion du comité dinde de l’interprofession qui démarre sur les réseaux sociaux.

 

Parallèlement, des organisations de production testent des alternatives au schéma de production français, sans pour l’instant en tirer de plus-value supplémentaire. C’est le cas à la coopérative vendéenne Cavac qui réalise le démarrage sur des sites et l’engraissement sur d’autres. C’est un moyen pour remotiver des éleveurs ayant des bâtiments non compétitifs en poulet et pour accroître leur rentabilité. À la coopérative du Gouessant, on teste la division démarrage-engraissement dans deux exploitations, dont l’une a investi dans des jardins d’hiver, comme cela se pratique en Allemagne et aux Pays-Bas. Toutes ces initiatives commerciales et techniques ouvrent peut-être le chemin d’une plus grande segmentation du marché, encore fourni à 80 % par le produit standard. Le reste se répartit à 16,7 % en dinde certifiée, 2,5 % en label rouge surtout festive (seul Loué produit toute l’année) et 0,4 % en bio. Sa montée en gamme dépendra encore et toujours du prix que le consommateur ou l’acheteur sont prêts à consentir, ce qui suppose de leur faire admettre que cette viande blanche est bien différente des autres et qu’elle vaut bien l’écart de prix.

 

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