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Conservation des vins
Une opération qui, en France, peut nuire gravement à la qualité

La qualité initiale des vins se dégrade trop souvent au cours de leur conservation. La filière française est en retard sur ce point par rapport aux pays concurrents.


« Nous n´avons pas encore de statistiques précises, mais juste l´impression que plus les vins sont conservés longtemps, plus ils sont transportés, et plus on multiplie les risques de problèmes de qualité à l´arrivée », témoigne Dominique Meluc, chargée du suivi aval de la qualité des vins à l´interprofession bourguignonne. Même son de cloche dans les Côtes du Rhône. « 30 % des défauts observés par le biais du suivi aval de la qualité sont des problèmes d´oxydation, et parmi ceux-ci le tiers sont des problèmes de conservation, rapporte Isabelle Thomas, en charge du suivi aval à Inter-Rhône.
Un retard pris par rapport aux nouveaux pays producteurs.
Car, si les efforts sont réels depuis quelques années pour soigner la qualité des vins, via des vinifications adaptées, les conditions de conservation, de stockage et de transport demeurent un point noir. Plusieurs voix s´élèvent pour mettre la filière en garde et dénoncer le retard pris par rapport aux nouveaux pays producteurs.
« Le suivi rigoureux de la conservation des vins n´est pas dans la culture française, alors que les pays producteurs du Nouveau monde l´ont intégré à part entière dans leur process d´élaboration », regrette Bruno Kessler, président de l´Afed, (l´Association française des éleveurs, embouteilleurs et distributeurs de vins et spritueux) et membre du comité de direction du groupe Grands chais. Pour lui, l´explication est en partie liée à l´évolution des goûts. « Auparavant, on recherchait des vins avec des arômes tertiaires, d´élevage, qui sont peu sensibles aux conditions de conservation et augmentent même avec des températures élevées. Maintenant le marché demande des arômes fruités primaires et fermentaires beaucoup plus sensibles aux conditions de conservation. Et on ne peut plus se permettre de perdre le potentiel de vins correctement vinifiés. »

Manque de technicité et d´expérimentations
« Dans nombre de pays producteurs, le stockage et le transport des vins sont des paramètres largement pris en compte de par leur impact qualitatif. En France, c´est simplement considéré comme une étape transitoire, confirme Nicolas Vivas, de la Faculté d´oenologie de Bordeaux. Et il y a un manque important de technicité et d´expérimentations sur le sujet. »
« La conservation des vins et particulièrement des arômes fruités est un des éléments-clés de l´oenologie de demain, estime Guy Henri Azam, directeur de Baron Philippe de Rothschild. Il nous faudra travailler car en France, une majorité de vins perdent leur fruité après vinification, les Australiens et les Chiliens ont mieux réussi que nous dans ce domaine. »
Il y a un manque d´expérimentations sur les conditions de conservation des arômes fruités. ©Cronenberger

Des températures trop élevées durant le transport
Autre point noir, le transport des vins. Les températures élevées observées dans les containers des bateaux, qui montent parfois à plus de 50ºC, sont source de vieillissement. « Quand il venait déguster en France, un de nos clients de l´Ile Maurice ne reconnaissait pas les vins qu´il avait achetés, ils étaient beaucoup moins évolués », témoigne un négociant. Malheureusement, les conditions de transport des bouteilles sont souvent imposées par l´acheteur, même si les vignerons peuvent émettre des réserves. Le vin pâtit également des longues périodes de stockage sur les quais de déchargement pour effectuer les formalités douanières, notamment aux USA, en Inde et en Chine où la logistique est balbutiante. Mais là « tous les pays exportateurs sont à la même enseigne », estime la Fédération des exportateurs de vins et spiritueux.
En grande distribution, le vin n´est pas considéré comme une denrée périssable
A la décharge des vignerons, ces problèmes de conservation sont également imputables aux metteurs en marché, qui laissent parfois des vins à boire jeunes traîner en entrepôt ou sur les linéaires. « On trouve souvent en rayonnage des bouteilles qui ont été vendues trois ans au préalable par les vignerons et qui ne devraient plus être là. La grande distribution est plus soucieuse des yaourts que du vin », poursuit Isabelle Thomas. Le vin n´étant pas une denrée périssable, les rayons sont en effet parfois rechargés par devant, au détriment des bouteilles du fond qui peuvent traîner un ou deux ans, sous les néons. « Le vin fait souvent exception à la traditionnelle gestion en Fifo (first in, first out/premier entré, premier sorti) respectée pour les autres produits alimentaires. » Résultat : le consommateur malchanceux achètera un vin sans arômes, sans couleur, oxydé, alors qu´il était de qualité après vinification. L´interprofession bourguignonne, également consciente « du problème des vins qui restent trop longtemps sur le circuit », lance une enquête auprès des professionnels pour évaluer l´écart entre les dates de commercialisation et les dates d´achat en cave.
On trouve dans les rayons des bouteilles qui ont pu traîner des mois sous les néons. ©G. Deloison

Les principaux défauts observés
 perte d´arômes, notamment des arômes fruités ou floraux ;
 perte de fraîcheur ;
 apparition d´arômes et de goûts éventés ou oxydés ;
 apparition d´arômes « croupi-serpillère » ;
 évolution de la couleur des rouges vers le tuilé ;
 évolution de la couleur des blancs vers le rosé (rosissement) ;
 déviations microbiennes avec apparition de faux goûts, développement de volatile ;
 bouteilles couleuses, brisées ou éclatées.

Pour en savoir plus
Cet article est extrait du dossier de Réussir Vigne de Juin 2005 (nº109) intitulé « Soigner la conservation des vins ». La revue consacre 6 pages à ce sujet où elle explique que « les conditions de conservation, de stockage et de transport jouent un rôle essentiel sur la qualité des vins et peuvent être améliorées dans bien des cas. »

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