Que faire des souches de vignes arrachées ?
Les campagnes d’arrachage battent leur plein, générant milliers de tas de souches mortes. Voici les solutions que nous avons recensées pour les éliminer.

Brûler mais sous conditions
Solution la plus évidente puisqu’il suffit de gratter une allumette pour voir disparaître le tas de souches, le brûlage n’est néanmoins pas autorisé partout. Avant d’y avoir recours, il est indispensable de vérifier l’arrêté préfectoral de son département. Durant la campagne d’arrachage, le brûlage est ainsi autorisé en Gironde, mais encadré. La préfecture a édité un document rappelant que « dans la mesure du possible, une évacuation ou une valorisation des ceps de vigne devra être recherchée (énergie, compost, paillage…) ».
Elle stipule que le brûlage ne peut avoir lieu en cas d’épisode de pollution de l’air ou de vent allant à 30 km/h ou plus. En outre, « une surveillance humaine constante sur place est obligatoire avec, à disposition immédiate, les moyens d’extinction nécessaires et proportionnés, les opérations de brûlage ne doivent en aucun cas gêner la circulation routière et en particulier la visibilité des usagers de la route, ni causer de nuisance au voisinage (irritations, …), et la combustion ne devra pas produire de fumées opaques : incinération de ceps suffisamment secs, interdiction d’ajouter des combustibles tels que les pneumatiques ou les huiles de vidange ». Enfin, dans les communes à dominante forestière, d’autres règles s’ajoutent.
Jouer la carte du barbecue
Le brûlage n’est pas l’unique solution pour éliminer gratuitement les souches. Dans l’Aude, la jeune entreprise Viti Valorisation les transforme en kit pour barbecue, le Kit Cat barbecue. Il s’agit d’un produit que l’on enflamme et qui génère toutes les braises nécessaires à la cuisson, en 30 minutes. Steve Legrand, son fondateur, opère dans un rayon de 60 km autour de Fitou et ramasse gratuitement les ceps de vigne, dès lors qu’ils sont entassés sans fils ni piquets (même en bois), en bordure de parcelle. « Je viens avec mon camion, je ramasse les souches, les stocke puis avec une machine, je les coupe et les trie », décrit-il.

Selon son site internet, l’entreprise belge Barbecue Vigne Combustibles propose le même type de prestation. Mais la chambre d’agriculture du Vaucluse, qui avait tenté de travailler avec elle, n’avait pas donné suite, les souches étant trop grosses.
Broyer pour pailler vignes ou espaces verts
Autre solution intéressante dans les départements où elle est autorisée, le broyage des souches sur place, avec des broyeurs forestiers permet de limiter les émissions de CO2, tout en générant un produit réutilisable en paillis. Certains domaines y sont passés, notamment dans le Var. « C’est une solution idéale si on a les moyens, les broyeurs forestiers étant onéreux, et si l’on peut réutiliser le paillis sur des espaces verts », analyse Nelly Joubert, responsable équipe environnement de la chambre d’agriculture du Var. Le paillage des vignes avec ce broyat n’est pas recommandé, afin de ne pas transporter de maladies. Dans le Vaucluse, des prestataires proposent de venir broyer les ceps, avec retour au sol, informe Gérard Gazeau, chargé de mission énergie climat de la chambre d’agriculture. Cette technique a l’avantage d’apporter de la matière organique aux sols. En revanche, elle suppose de laisser le sol se reposer au moins six ans derrière.
Dans les Bouches-du-Rhône, la chambre d’agriculture va plus loin et expérimente le broyage sur des vignes encore en place (avec piquets et fils retirés). Un prestataire broie les ceps au broyeur à couteaux, dessouche, broie au broyeur à marteaux et incorpore le broyat à la terre. « Mais il faut laisser passer quelques années avant l’implantation d’une nouvelle vigne, afin d’éviter les problèmes de pourridié, regrette Romain Gateau, conseiller eau et environnement de la chambre. En revanche, l’esca ne se transfère pas. » Cette alternative a un coût. Romain Gateau estime qu’en prenant en compte le retrait préalable des piquets et des fils, cela monte à environ 1 200 euros par hectare.
Approvisionner des réseaux de chaleur
Employer les ceps de vigne pour générer de la chaleur, dans des chaudières industrielles ou collectives, est le débouché le plus courant. Dans le Lot par exemple, le Syded (syndicat départemental public de gestion du traitement des déchets ménagers et assimilés du Lot) se mobilise pour offrir une solution ponctuelle et gratuite aux viticulteurs. Cet été (mai-juin à octobre environ), et l’été prochain, le Syded enverra sur demande un camion polybenne de 26 tonnes et un tracteur avec broyeur à couteaux sur les parcelles viticoles, pour déchiqueter les tas de souches d’au moins 60 ou 100 m3. Le syndicat pourra traiter des ceps avec ou sans racines. En revanche, les tas devront uniquement contenir des pieds de vigne : piquets, fils de fer, terre, cailloux ou encore pierres sont à proscrire.
Le tas devra être situé dans une zone accessible pour les camions, sans fils électriques en hauteur. L’idéal est qu’il soit en bordure de route, avec une zone où le tracteur et le broyeur puissent s’installer et envoyer les broyats dans la benne stationnée sur la route. Les plaquettes obtenues seront ensuite triées par les équipes du Syded (suppression des parties fines comme les poussières) et stockées sur ses plateformes, en attendant d’être brûlées dans ses réseaux de chaleur. « Nous avons fait des analyses pour être sûrs que broyer des ceps ne créerait pas de problèmes sur les fumées, indique Sébastien Acurcio, responsable logistique et plateforme bois compost du syndicat. Et tout va bien, car les potentiels produits de traitement restent sur les écorces, qui tombent en poussière et ne sont donc pas brûlées. » Il prévient en revanche que lorsque ses capacités de stockage seront pleines, il ne pourra plus intervenir dans les domaines viticoles. Premiers arrivés, premiers servis !
Vinea Énergie, Véolia, Ecocep, des prestations payantes
Dans le Bordelais, en Charentes, en Occitanie, à Châteauneuf-du-Pape ou encore en Provence, l’entreprise Vinea Énergie propose un enlèvement payant des ceps pour les transformer en biomasse alimentant des chaudières collectives ou industrielles. Il convient de prendre attache avec Vinea Énergie au minimum quinze jours avant la date d’enlèvement souhaitée. À réception d’un acompte, la société débloque un camion à grappin, qui se rend sur le domaine et charge les ceps ainsi que les piquets en acacias ou en châtaignier. Comme pour le Syded, il faut que le tas soit exempt de fils de fer et de piquets métalliques, de cailloux et de terre, et qu’il soit situé en bordure de route ou d’un chemin stabilisé, sans fil électrique en hauteur.
D’un point de vue financier, le retrait coûte environ 14 euros par mètre cube, « mais cela évolue selon l’inflation du coût de la logistique », nuance Romain Guillaument, président de Vinea Énergie. S’il doit débourser la totalité de la somme à la finalisation du chantier, le viticulteur est ensuite remboursé jusqu’à 90 % du montant de la prestation de collecte, via la compensation carbone et la vente des crédits carbone. « Nous nous occupons de tout, rassure-t-il. La seule chose est qu’il y a un décalage de trésorerie à gérer. Il faut en règle générale attendre quatre à six mois avant le remboursement. » Vinea Énergie délivre une attestation de traçabilité des déchets, permettant d’obtenir des points dans diverses certifications, comme la CEC dans le cognaçais ou le SME à Bordeaux.
Dans les Pyrénées-Orientales, c’est l’entreprise Trubert qui agit pour le compte de Vinea Énergie, avec un principe légèrement différent : la firme ne fait rien payer aux viticulteurs chez qui elle se rend. Elle ne collecte que les souches, sans piquets, mais peut réaliser le chantier de A à Z en dépalissant, arrachant la vigne et mettant les ceps en tas.
Véolia propose également des prestations payantes de ramassage des souches un peu partout en France, avec un tarif dégressif selon les tonnages.

Ecocep a fait le choix d’un lieu de collecte similaire pour tous, à Bouzy. Chaque viticulteur intéressé doit venir y déposer ses ceps. L’entreprise accepte que quelques piquets métalliques ou en bois soient mélangés aux souches, mais il ne doit pas y avoir de fils de fer. Aucune prise de rdv n’est nécessaire. Il y a juste un contrôle à l’entrée avec un bon de pesée, qui permet à l’entreprise de facturer la taxe environnementale, qui revient à 25 euros la tonne. Ecocep émet ensuite une attestation de valorisation qui procure des points dans la certification VDC.
Des projets de valorisation dans les bassins
- En Bourgogne, la CAVB (Confédération des appellations et des vignerons de Bourgogne) pilote un projet de valorisation des ceps de vigne, afin, d’ici trois ans, de proposer des solutions gratuites aux viticulteurs des trois départements bourguignons pour éviter tout brûlage.
Pour l’heure, les viticulteurs de l’organisme de défense et de gestion de beaune (ODG) expérimentent une valorisation avec Véolia. Ils peuvent aller déposer les ceps de complantation sur une plateforme de stockage, mise à disposition par la Distillerie du Beaujolais. Moyennant une prise en charge financière de l’ODG, Véolia récupère ces ceps et les transforme en compost. Mais à l’avenir, l’objectif est de proposer des solutions gratuites, soit en montant des filières de valorisation, soit en mettant divers acteurs en concurrence.
- Dans le Val de Loire, le projet Valoceps s’intéresse pour sa part à la pyrogazéification. Les acteurs vont se pencher sur la logistique de la collecte des ceps d’une part, et sur leur valorisation via une usine de pyrogazéification, avec extraction de polyphénols (pour usages cosmétique, biocontrôle…) en amont d’autre part.