Aller au contenu principal

Quand le territoire inspire le marketing du vin

Basé sur une nouvelle approche du lien entre le vin et son territoire, le marketing territorial est en plein essor. Il inspire des stratégies offensives construites pour distinguer les vins dans la concurrence nationale et internationale tout en améliorant leur valorisation.

Vin et terroir sont deux mots indissociables, surtout en France où est né le système des appellations d’origine contrôlée. Le terroir est par définition un territoire délimité, distingué par une histoire, un savoir-faire, un climat… Alors comment peut-il s’allier au marketing, cet art de définir son marché lié aux produits de grande consommation ? Le seul duo terroir-appellation ne suffit, plus comme en témoignent les difficultés de certaines AOC qui se retrouvent vendues à moins de 2 ou 3 euros la bouteille dans les rayons des grandes surfaces. C’est là que le marketing entre en scène pour assurer la dose de stratégie qui fait défaut. « Le terroir est un modèle économique durable en synchronisation avec l’air du temps et avec une ambition d’excellence. C’est un sujet d’avenir, c’est de l’hyper valeur ajoutée », plaide Jéremy Arnaud, qui travaille notamment pour les vins de Cahors, du Beaujolais et de l’Anjou-Saumur. Il a fondé l’entreprise de conseil Terroir Manager, un nom qui résume bien la nouvelle vision du terroir qui s’impose au vin.

Identifier ses valeurs pour bâtir une stratégie

Définir l’identité du territoire est la première étape. "C’est un travail avec tous les acteurs du territoire", souligne Philippe Bourrier, président du conseil interprofessionnel des vins du Roussillon (CIVR) qui vient de lancer la démarche. " Nous avons besoin d’identifier le socle commun de notre territoire pour parler le même langage, chez nous comme sur les marchés export." Le CIVR a fait appel à Sophie de Paillette, une consultante spécialisée dans les "portraits identitaires" de territoires. Sa méthode participative dresse un portrait autour d’une quinzaine de thèmes. En juin, lors de la restitution des travaux, le CIVR espère notamment trouver des pistes pour se distinguer du Languedoc, ce terroir voisin auquel il est systématiquement associé avec un tiret jugé trop inclusif. Au-delà des diagnostics et des études chiffrées, "il faut des idées, et faire ensemble le pari d’un positionnement un peu radical mais jamais contre. Et ne pas vouloir tout mettre", prévient Jérémy Arnaud.

Les cépages comme éléments fédérateurs

Cahors a été l’un des territoires précurseurs avec son « french malbec ", qui revendique le cépage au nom du terroir. "Aujourd’hui, la plupart des cuvées sont 100 % malbec et les gens sont des ambassadeurs de leurs vins", résume de Armand de Gérard, responsable de l’événementiel à l’union interprofessionnelle des vins de Cahors (UIVC). L’évolution qualitative s’accompagne d’une image dépoussiérée par le rapprochement avec les malbecs argentins mondialement célèbres.

En Anjou-Saumur, c’est aussi un cépage, le chenin, qui sera le fer de lance de la stratégie territoriale tout juste lancée. Elle vient de débuter par la création d’un hashtag et de badges #fandechenin, et du concept de "chenin fan zones". En attendant le Chenin blanc international congress, prévu à Angers du 1er au 3 juillet 2019, "ça plaît", s’enthousiasme Patrick Baudoin, le président des anjou blancs. Le territoire va se positionner comme la référence d’excellence de ce cépage tout en s’ouvrant aux autres terroirs de chenin, y compris l’Afrique du Sud. Le chenin sera aussi un « passeur de la dimension gastronomique qui manque à la Loire, où l’on parle surtout de châteaux », souligne Jérémy Arnaud.

Se placer du côté du consommateur et nourrir son imaginaire

Le muscadet a lui décidé de s’unir à Nantes. Une stratégie qu’il développe avec l’agence de conseil Sowine. Depuis trois ans, les vins de ce territoire ont adopté la bannière Les vins de Nantes. « Chacun vivait son histoire », souligne François Robin, délégué communication de la fédération des vins de Nantes (FVN), en évoquant le passé du vignoble. "Le muscadet est rattaché aux fruits de mer. Les consommateurs l’imaginent venant d’une étendue plane, industrielle, alors que nous avons des parcelles qui plongent dans la Loire et la Sèvre, des villages, des coteaux. D’où la nécessité de le rattacher à son territoire qui est la métropole nantaise. Elle porte des valeurs dans lesquelles nous nous reconnaissons : l’innovation, la culture, l’ouverture, le fleuve, la mer, les voyages. »

En Beaujolais, l’idée est de positiver l’image de convivialité liée à son vin et son territoire avec le concept de Beaujonomie. Objectif : valoriser les vins entre 7 et 15 euros définis comme les beaujolais de caractère, ayant la capacité à accompagner la cuisine conviviale et moderne. " La convivialité est dans l’ADN du Beaujolais et a un capital émotionnel fort ", considère Dominique Piron, président d’Inter-beaujolais qui pointe que le marketing territorial se place du point de vue du consommateur pas de catégories syndicales et juridico-administratives.

Un marketing accélérateur de synergies entre tous les acteurs

" Les communautés territoriales sont demandeuses, elles ont besoin de communiquer sur leurs valeurs, d’attirer les touristes tandis que les habitants veulent consommer local. Notre territoire devient une carte de visite. De la région aux communes, ce sont elles les moteurs des projets, et ça c’est nouveau ", observe François Robin. Son interprofession est sollicitée pour animer des événements locaux avec une présence vigneronne. "Inenvisageable il y a quinze ou vingt ans, le bar à muscadet installé depuis 2011 dans le Zenith de Nantes fait partie du paysage nantais", se félicite-t-il.

À Cahors, la municipalité a rejoint la dynamique initiée par l’interprofession en s’investissant notamment dans les journées internationales du malbec, jusqu’à inclure des actions de promotion et de soutien dans le budget municipal. L’intégration dans des stratégies territoriales donne aussi accès à des subventions européennes. Convaincre les collectivités est le fruit d’un lobbying assumé pour défendre et montrer le côté enraciné et indélocalisable de la viticulture, sa valeur ajoutée pour le territoire.

" Nous mettons 1 euro et les collectivités en mettent 3. On ne pourrait jamais financer les événements auxquels on a accès. C’est gagnant-gagnant. C’est cette réciprocité qui fait que ça marche ", analyse François Robin.

Une construction collective à moyen et long terme

Quels résultats ? « Le degré d’acceptation de ce genre d’étude est divers », admet Philippe Bourrier en Roussillon qui "avance étape par étape".

À la FVN, François Robin, constate que désormais 57 restaurants nantais sont éligibles au logo I love muscadet signifiant qu’ils ont au moins 5 muscadets différents à leur carte ; qu’une dizaine d’installations ont été enregistrées dans le vignoble en 2018, chose inédite depuis une dizaine d’années ; ou encore que la vente directe se développe. Pour Cahors, « le meilleur indicateur c’est le développement de l’export qui a atteint 30 %", selon Armand de Gérard de l’UIVC.

Structurantes, ces démarches s’inscrivent dans le temps. « Ça va prendre des mois, on aura les résultats au fil des années », annonce Jéremy Arnaud à propos du projet Fan de chenin. À Cahors, dix ans après le "french malbec", une nouvelle étape est lancée pour valoriser la diversité des sols, source d’excellence.

Des événements pour relocaliser les vins

"Il faut être fort chez soi !", conseille François Robin de la fédération des vins de Nantes. D’où l’essor d’événements locaux festifs, associant vin et gastronomie comme la future participation à la Nuit des tables de Nantes organisée dans le cadre du Nantes food forum en septembre prochain. En Beaujolais se prépare Bienvenue en Beaujonomie, un événement programmé les 8 et 9 juin dans 50 domaines et châteaux qui proposeront des tables d’hôtes de 15 à 20 personnes avec un repas concocté par un chef et proposant des accords avec leurs vins.

Les plus lus

Afin de maintenir des rendements corrects, Teddy Martin fertilise sa vigne à raison de 50 à 60 unités d'azote par an, apportées sous forme organique.
« L’entretien du sol de ma vigne m’a coûté environ 1 000 euros par hectare en 2023 »

Teddy Martin, viticulteur marnais, laisse ses vignes étroites naturellement enherbées en plein. Il les tond entre trois et…

« L'entretien du sol me coûte environ 200 euros l’hectare en vigne grâce à l'agriculture de conservation »

Dans le Gers, Jean-François Agut fait rimer économie avec agronomie. En misant sur l’agriculture de conservation, il gagne du…

Le Gers dispose d'une enveloppe de 5,03 M€ afin de venir en aide aux viticulteurs touchés par le mildiou en 2023.
Fonds d'urgence viticole : quel montant par département ?

Le ministère de l'Agriculture a ventilé l'enveloppe d'aide par département. Voici la répartition adoptée.

Les vêtements chauffants apportent un confort lors de la taille des vignes

Nous avons testé des vêtements chauffants pendant la taille, et constaté le gain de confort thermique. Ils séduiront les plus…

Cadre Emisol de Forge Boisnier permettant de réaliser le travail du sol intercep des vignes sur deux rangs à la fois.
Entretien du sol en vigne à moindre coût : trois vignerons témoignent

Il existe plusieurs leviers pour limiter le coût de l’entretien du sol. Combiner les outils, élargir ses vignes, avoir recours…

Pour gérer plus efficacement l'entretien 100 % mécanique du sol, Philippe Sicard a dû chercher une solution adaptée à son sol pierreux
« L'entretien du sol de mes vignes me coûte moins de 400 euros par hectare grâce à la combinaison d'outils et aux doigts Kress »

Philippe Sicard, vigneron en Minervois, a fait évoluer son itinéraire d’entretien du sol en ajoutant un outil complémentaire.…

Publicité
Titre
Je m'abonne
Body
A partir de 100€/an
Liste à puce
Accédez à tous les articles du site Vigne
Consultez les revues Réussir Vigne au format numérique sur tous les supports
Ne manquez aucune information grâce aux newsletters des filières viticole et vinicole