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Une transmission de domaine viticole toute en douceur

À Monbazillac, Martine et Daniel Duperret ont décidé de transmettre leur domaine à un duo de néovignerons sur une dizaine d’années. À la clé, un nouvel avenir pour l’exploitation et un coup de main pour de jeunes repreneurs. Souplesse et écoute mutuelle ont été nécessaires pour arriver à un accord gagnant pour toutes les parties prenantes.

Depuis le 3 janvier 2019, c’est un trio et non plus une seule famille qui dirige le Domaine de Combet situé à Monbazillac en Dordogne. Les propriétaires, Daniel Duperret et sa femme, ont pris la décision de transmettre leur domaine familial progressivement. « Je n’étais pas pressé de transmettre », avoue Daniel Duperret qui a pris la tête du domaine de ses beaux-parents en 1993. À sept ans de la retraite, il envisageait dans un premier temps une simple réduction d’activité pour se libérer du temps.

La rencontre avec David Notteghem, 35 ans, et Matthieu Simon, 32 ans, a accéléré sa décision. Ces deux trentenaires se sont reconvertis dans la viticulture il y a trois ans en bifurquant de leurs carrières entamées respectivement dans la finance et l’informatique. « L’envie d’être dans le concret », résume Matthieu. S’étant liés d’amitié lors de leur formation à Blanquefort en BTS viti-œno, ils ont formé le projet de se lancer ensemble pour gérer une exploitation de A à Z. « Nous étions plus attirés par la polyvalence du métier, de la vigne à la commercialisation », explique David. Une aventure partagée avec leurs compagnes respectives qui dès le départ ont eu leur mot à dire sur la localisation et le choix du domaine.

Il a fallu près de neuf mois pour que le projet se concrétise. Daniel Duperret a participé à la journée de transmission organisée par la chambre d’agriculture de Dordogne en mars 2018. « Si tu es décidé, fais-moi une fiche dans la journée », lui a dit le directeur qui avait repéré la fiche de David et Matthieu. Son métier initial de conseiller agricole sur la gestion d’exploitations et sa fonction actuelle d’expert en foncier agricole auprès des tribunaux l’ont aidé à bien définir son offre (voir encadré).

De leur côté, David et Matthieu s’étaient mis à rechercher en Gironde où ils étaient installés depuis plus de trois ans, mais sans succès. Un premier domaine les a menés en Dordogne. Si le projet a buté sur un désaccord quant au prix, ils ont eu un coup de cœur pour la région. Ils ont aussi réalisé que le prix accessible du foncier leur permettait de limiter leur investissement de départ tout en accédant à des terroirs qualitatifs.

Pragmatisme et souplesse pour un projet coconstruit

Le domaine de Daniel remplissait un de leurs « dogmes », celui d’un engagement environnemental. Le désherbage chimique y est supprimé depuis dix ans. La certification haute valeur environnementale (HVE) est acquise depuis 2014. Daniel récupère l’eau de pluie et a installé des panneaux photovoltaïques. Il a débuté la certification bio en septembre 2018. « L’aspect racinaire est géré depuis dix ans », souligne avec satisfaction Matthieu.

Mais ils avaient imaginé plutôt une exploitation de 15 ha maximum à gérer eux-mêmes, sans salariés et sans se rémunérer au début. Or le domaine de Daniel est composé de 30 ha et emploie deux salariés (un troisième partant en retraite). Ils ont dû reconsidérer leur projet. Finalement le rapprochement a eu lieu durant l’été 2018. Et le courant est très bien passé entre eux trois. Les jeunes vignerons ont aussi réalisé que même s’ils s’étaient forgé une expérience dans différents domaines, être entourés de Daniel et de salariés ayant dix à vingt ans d’expérience était précieux. Ils ont estimé les vignes en très bon état sachant que Daniel les a presque entièrement renouvelées. De son côté, Daniel a jugé que « le fait qu’ils soient deux permettait de doubler le potentiel commercial ». Ces dernières années, par manque de temps, il a diminué la mise en bouteilles et privilégié le vrac qui offre une valorisation satisfaisante pour le monbazillac auquel sont consacrées 70 % des vignes.

Alléger l’investissement initial pour limiter la pression

Le montage du projet a aussi évolué. Sur le conseil de CER France, ils ont réalisé que les mêmes aides étaient accessibles en prenant des parts dans l’EARL existante plutôt qu’en créant leur structure propre. En devenant exploitants associés aux côtés de Daniel et de sa femme, ils pouvaient toucher une rémunération. Une convention a été signée chez le notaire. Elle fige la valeur des parts et le calendrier d’évolution des participations pour éviter toute incertitude : 20 % en 2019, 51 % dans trois ans, la totalité dans dix ans. Les bâtiments d’habitation sont exclus. Sont inclus, le stock, le matériel et les marques, c’est-à-dire l’outil de production. Les vignes et les chais sont en fermage. David et Matthieu vont bénéficier d’une aide de 30 000 euros par personne en tant que jeunes agriculteurs. Pour l’instant, l’investissement initial de 50 000 euros est essentiellement couvert grâce à des prêts familiaux. D’ici trois ans, ils pourront montrer à leur partenaire bancaire « ce qu’on est capables de faire ».

Des changements déjà engagés

Ils ont débuté leur nouvelle vie en taillant les vignes. Une bonne façon de faire connaissance avec les parcelles. Après plusieurs mois de cohabitation, l’enthousiasme n’a pas faibli. Matthieu, David et Daniel ne cachent pas que « c’est parfois animé ». Mais tous ont pour souci de ne pas mettre en danger l’exploitation. Le passage en bio les rapproche, « c’est un challenge à trois ».

David et Matthieu ont déjà retouché le site internet et lancé une boutique en ligne, Ils ont travaillé la charte graphique du domaine et imaginent de nouvelles étiquettes. Le réaménagement du caveau de dégustation est prévu. D’un commun accord ont été acquis, un nouveau groupe de froid, un pulvérisateur supplémentaire ainsi qu’un demi-muid de 600 l pour un test d’élevage de sémillon déjà en cours. Une réunion d’équipe est instituée tous les quinze jours. « On a cette soif de produits qui nous ressemblent », avoue David en évoquant de futures cuvées parcellaires et des vins monocépages. Le duo veut relever le défi de « la valorisation à travers la vente en bouteille » et a évalué le potentiel du domaine à 130 000 bouteilles. « Le potentiel est là, à nous de nous adapter pour trouver de nouveaux publics », s’enthousiasme le duo. Les jeunes arrivants s’investissent déjà dans l’organisation de Monbazillac en folie, un événement de l’appellation prévu les 8 et 9 juin prochain.

"Le cédant doit travailler son projet de cession"

« Aujourd’hui en Dordogne, 52 % des agriculteurs ont plus de 52 ans. Dans les dix ans à venir, un agriculteur sur deux va transmettre son exploitation », rappelle Mathilde Vanquaethem, chargée de mission à l’interprofession des vins de Bergerac et Duras. « Nous veillons à l’environnement de la transmission et à la bonne articulation entre tous les acteurs et les dispositifs concernés. » Si une dynamique de territoire est instaurée pour créer un « écosystème vertueux et attirer les repreneurs », l’interprofession a pris conscience de la nécessité d’aider et de former les cédants. Un audit leur est proposé pour une évaluation réaliste de leur domaine en prenant en compte le potentiel de terroir, de vente, l’environnement… « Le cédant doit travailler son projet de cession pour que le porteur de projet ait les bonnes informations. Les partenaires financiers ont aussi besoin de chiffres sérieux », souligne Mathilde Vanquaethem. « Les cédants doivent comprendre et s'adapter aux attentes des jeunes », conseille Daniel Duperret.

repères

Domaine de Combet

Surface 30 ha dont 22 ha dédiés aux liquoreux.

Situation Monbazillac en Dordogne.

Appellations bergerac rouge, rosé, bergerac blanc sec, côtes-de-bergerac moelleux, monbazillac.

Certifications certification HVE depuis 2014, en conversion bio depuis 2018.

Production moins de 10 000 bouteilles commercialisées, 90 % de la production vendue en vrac.

Prix public bergerac blanc tradition 2017 ou bergerac rouge tradition 2015 : 7€ ; monbazillac tradition 2014 : 11€ ; monbazillac sélection 2015 : 16 €.

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