Minéralité, le lien au terroir divise
Au cœur de la quinzième Matinée des œnologues de Bordeaux, la minéralité des vins fait toujours débat. Le lien entre les minéraux du sol et les sensations perçues en bouche continue d’interroger les chercheurs.
Au cœur de la quinzième Matinée des œnologues de Bordeaux, la minéralité des vins fait toujours débat. Le lien entre les minéraux du sol et les sensations perçues en bouche continue d’interroger les chercheurs.
Le terme de minéralité est devenu monnaie courante dans les commentaires de dégustation. Pourtant, derrière ce terme sibyllin, les interrogations foisonnent. Pour beaucoup, la minéralité perçue dans les vins est associée aux minéraux captés dans le sol par la vigne. « Mais pour l’instant, cette théorie n’a pas été prouvée scientifiquement », rappelle Jordi Ballester, chercheur en sciences sensorielles à l’Institut universitaire de la vigne et du vin de Dijon. Et de s’appuyer sur une étude récente concernant la perception de minéralité dans des sauvignons blancs de Loire et de Nouvelle-Zélande. Les scientifiques ont soumis les vins à des jurés français et néo-zélandais, puis ils ont relié les commentaires de dégustation à l’analyse chimique des différents lots. Du côté de l’Hexagone, les éléments positivement corrélés à la minéralité sont le SO2 libre et l’acétate d’isoamyle (bonbon anglais). En Nouvelle-Zélande en revanche, le descriptif de minéralité est lié à la présence de SO2 combiné, de 3MH (pamplemousse), d’acide hexanoïque, d’acide malique, mais aussi de sodium et de calcium. « L’impact sensoriel de ces ions en solution est peu connu, nuance Jordi Ballester. De plus, il n’est pas garanti qu’ils proviennent du sol. » Pour le chercheur, l’origine de la minéralité serait donc à chercher du côté de la chimie du soufre, plutôt que dans les minéraux du sol.
La perception des minéraux trop longtemps délaissée
Pourtant, pour Claude et Lydia Bourguignon, tous deux ingénieurs agronomes et fondateurs du laboratoire d’analyse microbiologique des sols (Lams), il suffit de goûter les minéraux purs pour comprendre le lien évident entre un vin et son terroir. La preuve en est, avec les vins italiens connus pour leur amertume. « Le sel de magnésium est lui aussi très amer, expose Lydia Bourguignon. Or on retrouve des teneurs en magnésium très importantes dans les sous-sols de nos clients italiens. Bien au-dessus de ce que l’on a toujours pu observer en France par exemple. » Mais ils vont plus loin dans leurs observations. Selon eux, les sols argileux conduiraient à des vins à caractère sticky. « C’est-à-dire que l’on a comme une sensation de colle entre le palais et la langue, précise Claude Bourguignon. De leur côté, les sols sableux donnent un caractère légèrement pétillant, tandis que les limons confèrent une sensation poudreuse en bouche. » Pour le couple d’agronomes, la perception des minéraux sur la texture en bouche a trop longtemps été délaissée, au profit de l’examen olfactif pur. « Aujourd’hui, nous sommes capables d’approcher cette complexité organique et minérale, ajoute Claude Bourguignon. Mais nous rentrons dans des domaines que la science ne nous permet pas de mesurer. Ce n’est pas une catastrophe. Il faut juste que les chimistes et les physiciens acceptent le principe d’incertitude. »