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Les clés pour s’équiper contre le gel

Se protéger du gel devient un impératif dans certaines zones comme le Val de Loire ou la Bourgogne. Voici ce qu’il faut savoir avant de passer à l’acte.

François Langellier, spécialiste en agrométéorologie de l’interprofession champenoise (CIVC) l’affirme. Avec le changement climatique, les risques de gel seront en hausse. Notamment, du fait de l’avancement de la date de débourrement. « Tant la fréquence des gelées en post-débourrement, que le pourcentage de surfaces détruites par le gel en Champagne depuis vingt ans sont en hausse », argue-t-il. Se pose alors la question fatidique de l’équipement pour lutter contre ce fléau, lorsque l’on se trouve dans une zone à risque. Voici les conseils des experts.

L’aspersion, efficace contre tous les types de gelées

Anastasia Roque, de la chambre d’agriculture d’Indre-et-Loire, qui a réalisé une étude sur la protection vis-à-vis du gel de printemps, estime que le moyen de lutte le plus efficace reste l’aspersion. « Cette technique est efficace sur tous types de gelées (blanches, noires et advectives) et sur des températures très basses, allant jusqu’à - 6 °C », note-t-elle. Même écho chez François Langellier, qui rapporte que ce système est celui qui fonctionne le mieux. « Mais il faut prendre certaines précautions, nuance-t-il. Il faut coupler son utilisation à un enherbement pour éviter ruissellement, érosion et lessivage, et éviter d’apporter des engrais juste avant. » Par ailleurs, il faut faire attention, car une fois que le sol est mouillé, la vigne est plus sensible au gel les jours suivants. Autre atout, l’empreinte carbone de l’arrosage est assez faible, de l’ordre d’un tEc par hectare et par an.

Par contre, cette méthode reste chère et contraignante. Anastasia Roque estime qu’il faut compter entre 8 000 et 14 000 euros par hectare d’investissement de base. Soit environ 1 000 euros/ha d’amortissement et de frais financiers, auxquels s’ajoutent 350 euros/ha de frais de fonctionnement. Soit un coût à la bouteille de 0,27 €/l pour un rendement 50 hl/ha. De plus, cet investissement n’est pas finançable par des aides européennes contrairement aux tours, car « pour l’instant, c’est assimilé à l’irrigation par la commission », note Anastasia Roque. Une autre grosse limite de cette technique est l’accès à l’eau. « Il y a beaucoup de contraintes réglementaires pour le prélèvement de l’eau, poursuit Anastasia Roque. Il faut faire des études d’impact. » À moins de disposer d’une retenue d’eau utilisable, à l’instar d’une grosse mare, d’un petit lac. À cette contrainte majeure, s’ajoutent des difficultés liées au fonctionnement du système. La gestion du déclenchement est notamment délicate, et lors du fonctionnement, il est indispensable d’être vigilant aux fuites et pannes.

Les tours, la solution la plus écologique

Selon les études du CIVC, les brasseurs d’air sont le système de lutte contre le gel le plus écologique, avec seulement 0,2 tEc/ha/an d’empreinte carbone. Pour la chambre d’agriculture d’Indre-et-Loire, c’est aussi la solution la plus économique. Il faut compter 40 000 euros/5 hectares pour une tour antigel fixe, et 30 000 euros/3 ha pour une tour mobile, de type Tow and Blow. Les frais de fonctionnement se montent à 250 euros/ha pour les installations fixes (0,21 €/l de vin pour un rendement de 50 hl/ha), et 100 euros/ha pour les mobiles (0,22 €/l de vin pour un rendement de 50 hl/ha). En outre, ce système est simple et peu contraignant (déclenchement automatique).

En revanche, qu’elles soient fixes ou mobiles, « ces tours ne fonctionnent bien que sur des gelées radiatives, dans des fonds », relève François Langellier. Elles ne sont pas efficaces sur les gels advectifs, les gelées noires avec peu de gradient, ni lorsque la température descend en dessous de - 4 °C. L’autre inconvénient de taille réside dans les nuisances sonores, notamment pour les brasseurs fixes. Les émissions sont de l’ordre de 70 à 100 dB à 300 mètres d’une tour. Le bruit serait moindre avec le Tow and Blow, avec tout de même 45 à 50 dB à 300 mètres. Quoi qu’il en soit, lors de l’installation de ce type de lutte, il est indispensable de prévoir des réunions avec les riverains, pour faire de la pédagogie et éviter les conflits. Le mieux est que l’arrêté préfectoral antibruit autorise leur usage, comme c’est le cas dans l’Indre-et-Loire. Mais Anastasia Roque prévient que son département est le seul de la région à bénéficier d’une telle dérogation. Enfin, l’efficacité de ce système est d’autant plus importante que le nombre de tours est élevé.

Le chauffage par combustion de gaz en embuscade

Pour François Langellier, le réchauffage par combustion de gaz est une bonne alternative. « Le système est moins polluant que le fuel (3,3 tEc/ha/an) et moins cher que l’aspersion, résume-t-il. Nous l’avons testé, et c’est très efficace. » Ce matériel offre aussi l’avantage de fonctionner seul et de ne pas provoquer de nuisances sonores (50 dB à 50 m). Une unité de chez 2 B Gaz permet de protéger 0,5 ha, celle de FrostGuard entre 0,5 et 1 ha. Selon Anastasia Roque, ce type d’équipement est efficace contre tous les types de gel, mais peine un peu en cas de vent supérieur à 10 km/h. Au niveau financier, ce système est l’un des moins onéreux, avec un investissement estimé à 6 700 € par la chambre d’agriculture, pour un coût final de l’ordre de 0,22 €/l de vin.

Bougies, fuel et fils chauffants à délaisser

De nombreux autres moyens permettent de lutter contre le gel, à commencer par les traditionnelles bougies et bûches. Si elles sont efficaces contre les petites gelées, elles peinent davantage lorsque les températures descendent sous la barre des - 4 °C. Par ailleurs, leur manutention est lourde : il faut compter environ 20 heures/hectare de pose, allumage, et enlèvement pour deux nuits, et le coût n’est pas si avantageux que cela. Anastasia Roque l’a estimé à 2 500 euros/ha pour deux nuits de protection, à raison de 8 heures d’allumage par nuit. Cela revient donc à 0,49 euro/l de vin produit soit plus du double que les tours.

De même, les experts ne recommandent pas d’opter pour le fuel pulvérisé ou les chaufferettes (d’ailleurs plus fabriquées), très polluants (4,2 tEc/ha/an pour le fuel pulvérisé, et beaucoup plus en cas de fuite). Les fils chauffants ne sont pas non plus à privilégier, du fait de leur coût prohibitif. « Il faut des puissances énormes, ce n’est pas rentable, prévient François Langellier. De toute manière, cela n’intéresse pas du tout EDF, car cela leur coûte trop cher. »

Penser aux techniques culturales

En revanche, des techniques culturales peuvent s’avérer efficaces. En Champagne, François Langellier teste l’élévation des bourgeons. « Avec le changement climatique, nous avons moins besoin que les grappes soient basses. Une évolution de la hauteur de liage pourrait permettre de lutter contre le gel et de conserver de l’acidité », estime-t-il. De même, le CIVC a essayé le produit PEL-101-GV d’Elicityl. Il a montré une bonne efficacité en 2012, à raison d’une application de 100 l de bouillie/ha, au moins au stade feuille étalée. Enfin, de son côté, le GDV du Maine-et-Loire travaille sur des méthodes alternatives, consistant en des pulvérisations foliaires. Mais elles ont montré leur limite sur des gels forts (à partir de - 3 °C). Enfin, les réserves volumiques sous toutes leurs formes (VCI, réserve individuelle) et/ou les assurances restent de bons moyens de pallier les dégâts liés au gel.

Selon les experts, le réchauffage par combustion de gaz est une bonne alternative.
 
voir plus loin

Une gelée blanche se caractérise par un point de rosée supérieur à 2,2 °C, par temps humide.

Une gelée noire a un point de rosée inférieur à 2,2 °C et l’air est sec.

Un gel advectif est dû au passage d’un front froid avec une vitesse du vent qui peut être élevée. L’inversion de la température est faible ou nulle.

en pratique

Pour aider les vignerons à faire leur choix, la chambre d’agriculture du Loire-et-Cher a développé une application web gratuite. Elle permet de voir si un investissement antigel est nécessaire, et surtout de mesurer l’impact économique d’un investissement sur les coûts de production.

témoignage

Dominique Girault

"Un coût de 450 €/ha en moyenne"

« Nous avons acheté une première tour suite au gel de 2003, car cela paraissait facile à installer et à utiliser. Il nous a fallu créer une Cuma départementale car aucun vigneron ne disposait de 5 à 6 hectares à protéger d’un seul tenant. Nous nous sommes équipés de tours sans brûleur, sur avis du constructeur. En revanche, il nous a encouragés à disposer des bougies de 80 kg sur un rayon de 30 mètres autour des mâts et à les allumer lorsque la température descend trop. En règle générale, la protection revient à 450 euros par hectare et par an. Mais cette année, le gel a été très important et cela nous a coûté 150 euros de plus à l’hectare. En termes d’efficacité, le système montre des limites en cas de gelées noires. Il faut aussi faire attention au vent. Cette année, nous avons eu des rafales violentes venues du sud-ouest. Certains ont eu des mauvaises surprises. »

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