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Le vent de la thermaculture souffle

La thermaculture consiste à lutter contre les maladies cryptogamiques et à augmenter le rendement via l’application d’air chaud sur la vigne. Le point sur cette technique novatrice.

La thermaculture, ou « culture thermique », nous vient des États-Unis, où elle a vu le jour il y a une dizaine d’années, sous l’impulsion de la société californienne Agrothermal Systems. La technique consiste à provoquer un choc thermique sur la vigne, à différents stades clés (à partir de la floraison), par le biais d’une machine tractée, expulsant de l’air chaud.

Ainsi, passée à la floraison, elle procure une meilleure nouaison, d’où résulte une hausse du rendement de « 15 à 20 %, et ce, quel que soit le cépage », avance Jérôme Gascoin, de l’entreprise Clemens, qui commercialise une machine fonctionnant selon ce principe (voir encadré). De son côté, Agrothermal Systems communique sur une hausse de rendement moyenne de 20 %.

Davantage de polyphénols dans le vin

Par ailleurs, à la véraison, le traitement thermique renforce la peau des raisins, les rendant moins sensibles aux maladies, et notamment au botrytis. Et employée juste avant vendanges, elle augmente la concentration des baies en sucre.

Parallèlement à cela, le choc thermique semble activer le système immunitaire de la vigne, ce qui renforce sa production de polyphénols et permet la réalisation d’un vin de meilleure qualité.

Vers une diminution des doses de phytos ?

Un autre intérêt, et non des moindres, est que la thermaculture réduit les départs de maladies grâce « à la destruction des spores et des petits ravageurs, à l’assèchement du feuillage et à la chute des capuchons », indique Agrothermal Systems. Car si elle n’a pas vocation à remplacer les traitements phytosanitaires, la thermaculture permet de les espacer, « et de supprimer un passage sur deux », souligne Jérôme Gascoin. En effet, selon les propos du professeur Walter Douglas Gubler, spécialiste des maladies des plantes, rapportés par la firme « nos essais répétés sur chardonnay, pinot noir et cabernet sauvignon, employant alternativement chaleur et fongicides, ont donné les mêmes résultats que le témoin, traité de manière classique. Ce qui nous a permis de diminuer les quantités de phytos de 50 %. L’intérêt de la chaleur, conjuguée aux traitements fongicides, est avéré dans le cadre de la lutte contre le mildiou ». Une baisse des traitements et une hausse de rendement confirmées par des vignerons californiens à notre confrère américain The Grapevine Magazine.

De son côté, le consultant australien Richard Smart a réalisé des essais en 2016 en Nouvelle Zélande (sur merlot), et en 2017 en Angleterre (pinot noir et chardonnay). « J’ai pu constater de mes propres yeux que cette technique a un réel impact sur la vigne, témoigne-t-il. Nous avons eu une hausse du nombre de baies et de leur poids. Néanmoins, cela ne s’est pas retrouvé dans le rendement final, à cause de la variabilité intraparcellaire. » Par ailleurs, l’année 2017 ayant été clémente d’un point de vue météorologique, il n’a pu mesurer l’impact de la thermaculture sur les maladies, ce qu’il va tenter de faire en 2018.

En France, peu d’essais sont malheureusement menés, la largeur hors tout de la machine étant un frein. Gregory Gambetta, professeur à Bordeaux Sciences Agro, a bien mené quelques expérimentations, mais insuffisantes pour pouvoir s’exprimer. De même un vigneron bordelais travaille sur le sujet, mais ne souhaite pas communiquer avant la fin de ses expérimentations. Il glisse néanmoins que cette technique mécanique, conjuguée à d’autres pratiques, pourrait être une voie d’avenir dans la lutte contre les maladies cryptogamiques. Alors à quand des essais de plus grande ampleur en France ?

Une machine dédiée

En Europe, c’est l’entreprise Clemens qui a conçu la machine, et la commercialise. Dénommée Agrotherm XT, et d’une largeur hors tout de 1,10 ou 1,35 m, elle est conçue pour des rangs de 2 à 3 mètres de large. Elle se branche sur la prise de force du tracteur, et embarque trois bouteilles de gaz de 33 kg, lui permettant de traiter entre 9 et 12 hectares de vigne. Pour ce faire, elle souffle un air à 150 °C et à 40 à 56 km/h, par le biais de tuyères, adaptables au stade de la végétation (début ou fin de saison). La machine progresse à 5 ou 6 km/h et vaut 37 000 euros. Petit bémol, cet équipement est bruyant.

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