Le prix des vignes fait le grand écart
Le bilan des ventes de terres viticoles en 2021 dressé par le groupe Safer montre des situations toujours plus hétérogènes quant au prix du foncier. Tour d’horizon.
Le bilan des ventes de terres viticoles en 2021 dressé par le groupe Safer montre des situations toujours plus hétérogènes quant au prix du foncier. Tour d’horizon.
Alsace : forte tendance à la baisse
Par rapport à la moyenne 2014-2019, les prix des surfaces vendues en 2021 reculent de 19,5 % pour le Bas-Rhin et de 13,4 % pour le Haut-Rhin. Une conséquence des difficultés économiques auxquelles sont confrontés les vins d’Alsace. Les grands crus souffrent moins que les vignes en AOP alsace, précise le groupe Safer.
Beaujolais : le marché est très actif
Les prix des terres du Beaujolais restent attractifs (12 000 euros par hectare pour l’AOP beaujolais), attirant des personnes extérieures à la région. La demande se concentre sur les lieux-dits les plus réputés et les meilleurs terrains mécanisables. Bonne valorisation aussi pour les parcelles en AOP beaujolais blanc ou adaptées au chardonnay. Le marché des crus du Beaujolais est également actif. Le prix moyen est de 62 000 euros par hectare mais varie entre 100 000 euros par hectare pour l’AOP moulin à vent et 20 000 euros par hectare pour l’AOP régnié. Les AOP juliénas et chiroubles affichent des prix moyens en baisse.
Bordelais : les écarts de prix se creusent
Le prix moyen des hectares en appellations génériques bordeaux blanc et rouge (12 000 euros par hectare) recule de 23 % par rapport à la moyenne 2014-2019. Tendance à la baisse aussi pour les appellations intermédiaires comme les côtes de bordeaux (blaye, bourg, cadillac) et les liquoreux de la rive droite (12 000 euros par hectare). Le groupe Safer note que les parcelles en agriculture biologique « restent orientées à la hausse », s’échangeant sur une base de 21 000 euros par hectare.
À l’opposé, des appellations prestigieuses comme saint-julien, pauillac ou pomerol grimpent encore fortement en 2021, avec des hausses autour de 40 % par rapport à la moyenne 2014-2019.
Certaines appellations profitent de leur proximité géographique. C’est le cas de castillon (25 000 euros par hectare), qui intéresse des opérateurs de Saint-Emilion.
Les ventes de biens bâtis atteignent des niveaux records. Le spécialiste des ventes de domaines viticoles, Vinéa Transaction indique dans sa synthèse du marché 2021 une forte demande pour des « ‘petites’ propriétés viticoles et d’agrément, comprenant entre 5 et 10 hectares de vigne, peu importe l’appellation » et « des 'jolies' demeures avec quelques hectares de vigne dans une appellation secondaire ou prestigieuse de préférence ». Une tendance amplifiée par la crise sanitaire.
Bourgogne : vers de nouveaux records
Dans le Chablisien, les ventes sont rares et au bénéfice surtout de fermiers en place. Seulement 15 hectares se sont échangés en 2021.
En Côte-d’Or, la tendance à la hausse se poursuit sur tous les niveaux d’appellation. La répétition des épisodes de gel ne freine pas l’appétit des acheteurs. L’appellation régionale est à 49 500 euros par hectare et le premier cru blanc à 1 740 000 euros par hectare.
En Saône-et-Loire, la demande est forte dans le Mâconnais et en Côte Châlonnaise mais le marché est « fermé », selon le groupe Safer. Les transactions sont plus dynamiques au sud, en secteur Beaujolais avec des ventes de parcelles et de terres à vigne.
Champagne : la Côte des Blancs se démarque
Les transactions repartent à la hausse après un très fort impact de la crise sanitaire en 2020. Globalement, le prix moyen de l’hectare baisse de 5,6 % par rapport à 2020, poursuivant un mouvement entamé depuis 2018, mais il reste élevé. Dans le secteur de la Côte des Blancs, les prix continuent de s’envoler (1 658 600 euros par hectare). Le groupe Safer pronostique une tendance générale à la hausse l’an prochain compte tenu de la forte reprise économique pour la filière champagne à l’issue des confinements.
Charentes : montée des cessions de parts sociales
Le dynamisme économique du cognac se traduit à la fois par une tension sur les terres plantables en vigne et sur celles déjà plantées, avec relativement peu de transactions : en 2021, 1 300 hectares se sont échangés. Le prix moyen en Charente-Maritime (60 600 euros par hectare) dépasse celui de la Charente (56 900 euros par hectare).
Les transmissions de parents à enfants dominent. Les rachats sont opérés dans un but d’agrandissement de propriétés, par des maisons de négoce ou pour installation dans le cadre familial.
Les cessions sous forme de parts sociales sont majoritaires dans ce vignoble. Le groupe Safer estime les surfaces concernées en 2021 à 230 hectares en Charente et 450 hectares en Charente-Maritime, mais ne peut en évaluer la valeur.
Languedoc-Roussillon : quelques appellations stars
Les vignes en AOP progressent de 2,5 % par rapport à 2020. Des terroirs comme Pic Saint-Loup (68 000 euros par hectare), Terrasses du Larzac (27 000 euros par hectare) et Picpoul de Pinet (30 000 euros par hectare), contribuent fortement à la hausse. L’écart de valorisation s’accroît fortement avec des AOP comme corbières, minervois, fitou ou encore saint-chinian (de 9 000 à 12 000 euros par hectare). La proximité de la mer est recherchée. Les vignes IGP ou sans IG sont orientées à la hausse dans l’Aude, le Gard ou l’Hérault (de 13 300 à 15 900 euros par hectare), notamment sous l’impulsion de maisons de négoce se dotant de vignes pour couvrir leurs besoins. Les surfaces de vignes vendues sont en recul dans les Pyrénées-Orientales. Dans sa synthèse 2021, Vinéa Transaction constate que les investisseurs étrangers ne sont pas revenus en 2021 dans ce bassin viticole.
Périgord et sud-ouest aquitain : des terres accessibles
En moyenne les prix restent bas, autour de 9 000 euros par hectare pour les AOP bergerac rouge ou blanc et de 15 000 euros par hectare pour les terres en AOP monbazillac. Grâce à l’accessibilité des prix, la Safer note des projets dynamiques, qu’il s’agisse de l’acquisition de quelques propriétés prestigieuses, de reprises ou de plantations dans de zones nouvelles pour produire des styles de vins différents ou encore vers la Charente, en zone d’appellation cognac. Mais l’absence de repreneurs est problématique pour bien des domaines.
Dans le secteur du Lot-et-Garonne, le prix des vignes de Buzet atteint en moyenne 16 000 euros par hectare, en hausse de 8 % par rapport au prix moyen 2014-2019.
Provence : des prix de plus en plus tendus
Tout concourt à entretenir la fièvre sur ce marché. Les domaines en place cherchent des vignes et des terres. Des acteurs extérieurs souhaitent investir dans du bâti avec quelques hectares de vigne ou dans des projets de taille beaucoup plus importante. La région d’Aix-en-Provence et la zone littorale devenant inaccessibles, la demande s’oriente vers les zones en coteaux du Var ou encore vers les Alpilles. Les vignes hors AOP se valorisent en moyenne à 25 000 euros par hectare dans les Bouches-du-Rhône et le Var.
Sud-ouest occitan : une activité plutôt soutenue
Dans le Frontonnais, en Haute-Garonne, le prix moyen des vignes (9 000 euros par hectare) progresse de 15 % par rapport à 2014-2019. La Safer relève des transactions sur des surfaces importantes en bio et une tendance porteuse pour l’AOP fronton grâce au rosé. En AOP cahors (11 000 euros par hectare), la stabilité des prix assure au marché un certain dynamisme avec l’arrivée de candidats à l’installation. Sur l’AOP gaillac (9 500 euros par hectare), les transactions sont jugées nombreuses et concernent des petites surfaces de vigne.
Val de Loire-Centre : restructurations ou nouveaux arrivants
Comme dans le Bordelais, un record de transactions est enregistré sur près de trente ans pour les biens bâtis. Dans l’ensemble, le nombre de transactions est restreint. Le gel 2021 et les difficultés économiques de certaines appellations ont pu freiner certains acquéreurs. Il y a toutefois du mouvement sur les AOP quincy et reuilly (65 000 euros par hectare). En Loir-et-Cher, le vignoble continue de se restructurer : les ventes de parcelles y totalisent plus des deux tiers des transactions. L’Anjou attire des installations hors cadre familial sur les créneaux plutôt bio et haut de gamme.
L’attractivité des prix du vignoble nantais (prix moyen de 9 000 euros par hectare) encourage des repreneurs non locaux, ce qui permet un maintien du foncier alors que nombre d’exploitants partent en retraite sans succession.
Vallée du Rhône : des situations hétérogènes
La hausse des biens bâtis favorise la croissance du marché en valeur, notamment sur les AOP ventoux et luberon (22 000 euros par hectare) qui figurent parmi les plus dynamiques. Dans la plupart des appellations, surtout les plus chères, au nord, il y a peu de transactions. Les AOP côtes-du-rhône villages communales comme plan-de-dieu, visan et séguret bénéficient d’une certaine attractivité, avec des niveaux de prix toutefois variables selon les cas. L’offre faible et la demande toujours active entretiennent la hausse des prix en AOP châteauneuf-du-pape (480 000 euros par hectare). Dans une moindre mesure, la situation s’observe aussi à Gigondas (215 000 euros par hectare) et à Crozes-Hermitage (150 000 euros par hectare).