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« Le mutage en barrique pour des vins plus modernes »

Certaines caves du Roussillon mutent leurs vins doux naturels en barriques plutôt qu’en cuves. Et ce, pour obtenir des profils aromatiques moins oxydatifs et séduire de nouveaux consommateurs.

Sortir du profil oxydatif et des arômes de noix pour gagner en fruité et en rondeur. Telle était la volonté d’André Serret, directeur technique des vignobles Dom Brial à Baixas, dans les Pyrénées-Orientales. Pour arriver à ce résultat, l’œnologue a opté pour un mutage en barriques sur une partie de ses rivesaltes blancs. « Cela nous permet de créer des vins beaucoup plus modernes et de nous adresser à un public jeune », assure-t-il. À la clé, des vins présentant beaucoup de fraîcheur, mais aussi plus de rondeur et de gras. « Les interactions avec le bois aident à fondre l’alcool plus rapidement », poursuit-il. Non loin de là, à Terrats, les vignobles de Constance et de Terrassous ont eux aussi adopté la méthode. « Dès que les moûts ont perdu dix points de densité, nous les entonnons dans des fûts neufs de chauffe moyenne, explique le maître de chai, Emma Nieto. Ce qui nous offre une meilleure extraction des arômes du bois. Les vins évoluent plus rapidement vers des notes de vanille ou de miel. » Elle réserve la barrique à des mutages sur jus, pour ses grenaches blancs et gris. « En travaillant sur grain, nous risquerions d’extraire trop de tanins de peaux », explique l’œnologue. Elle élève ensuite les vins en fûts et les assemble à des lots mutés en cuve puis élevés sous bois. « L’impact se ressent moins sur les cuvées avec des élevages très longs, qui sont de toute manière sur des arômes d’évolution, observe-t-elle. Donc nous réservons la majorité des volumes mutés en barriques pour les vins les plus jeunes, de 6 et 12 ans. »

Une intervention plus coûteuse que sur cuves

L’opération s’avère plus difficile à maîtriser qu’en cuve, selon André Serret. « La densité de chaque fût évolue différemment, en fonction de la température, constate-t-il. Et les moments de mutage ne sont pas forcément synchronisés. » Même s’il parvient tout de même à travailler par lots de barriques. « L’organisation est forcément compliquée, confirme Emma Nieto. Il faut calculer le volume d’alcool exact pour chaque fût et préparer les bidons à l’avance pour ne pas rater le point d’équilibre. » Ce qui nécessite plus de temps, ou de main-d’œuvre, que le process traditionnel. « Dans les coûts, il faut aussi tenir compte de l’achat et de l’immobilisation des fûts neufs chaque année », ajoute-t-elle. Pour André Serret, le surcoût est à relativiser. « Les barriques sont ensuite recyclées pour élever d’autres vins. Cela fait partie de notre roulement », souligne-t-il. Enfin, reste à anticiper la part des anges. « Elle tourne autour de 3 % en fût alors qu’elle n’est que de 1 % en cuve », estime Emma Nieto. Le prix à payer pour des vins doux naturels résolument modernes.

avis d’expert

« Reconquérir certains marchés »

« Le mutage en barriques favorise l’apparition de phénols volatils positifs dans le vin. Cela concerne surtout l’eugénol (clou de girofle) et la vanilline (vanille). Puis, dans une moindre mesure, le syringol (notes fumées). Mais il faut absolument prendre des fûts jeunes, d’un an maximum, afin qu’ils puissent céder des phénols volatils et des whisky-lactones. Cela donne des produits très différents, d’abord du point de vue de la couleur, qui est vraiment dorée. Mais aussi sur le plan aromatique. On retrouve le côté boisé, avec des arômes de miel et d’abricot confit. Au départ, certains producteurs commercialisaient des vins 100 % mutés en barrique. Aujourd’hui ils sont revenus en arrière et font des assemblages avec des vins mutés en cuve. Pour des questions de coût, bien sûr. Mais aussi pour ne pas lasser les consommateurs avec des profils trop boisés. À mon sens, ce genre de produit, tous comme les rivesaltes grenat, pourrait aider à donner une image plus jeune aux vins doux naturels. Et donc, à reconquérir certains marchés. »

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