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Le fil électrique, un allié contre le gel

Chez Christophe Maillard, dans le Muscadet, les fils électriques permettent de lutter contre le gel. Cette pratique donne de bons résultats et commence à faire des émules du fait de la succession d’années gélives.

Il suffit d’arpenter pendant quelques instants les vignes de Christophe Maillard, vigneron en Loire-Atlantique sur la commune du Pallet, pour comprendre que cette année encore, le gel n’a pas fait de cadeau. Heureusement, une de ses parcelles est équipée de fils chauffants antigel, sur 0,5 hectare. « Même si ça ne représente pas beaucoup en surface, ça a un impact énorme sur le moral de travailler dans une parcelle pleine de raisin alors que tout son vignoble a été touché, je sais que j’ai au moins ça », témoigne le vigneron. Autant dire qu’il est satisfait du système, qui est en place chez lui depuis la fin des années 90. À cette époque, Jean-Pierre Heurteau, un voisin et ami électricien, a souhaité tester le système de lutte antigel qu’il avait mis au point, et pour lequel il a reçu un Sival d’argent en 1997. Le principe est simple. Un câble électrique est installé au niveau du fil porteur, attaché à ce dernier par des torsades (voir photo). Le câble fait office de résistance au passage du courant électrique (on parle de résistivité), qui se traduit par une dissipation d’énergie sous forme de chaleur.

Quatre fois plus de grappes dans les vignes protégées

« C’est le principe du chauffage au sol des habitations, qui existe depuis plus de trente ans », explique Stéphane Rondeau, l’électricien qui travaille en collaboration avec Jean-Pierre Heurteau. Lorsque la température descend en dessous de 2 °C, le système s’allume, envoyant un courant de 400 volts dans les fils électriques. La chaleur rayonne alors à une dizaine de centimètres, protégeant les bourgeons. « Il faut que la baguette soit le plus près possible du câble, je conseille même de l’enrouler autour », précise Jean-Pierre Heurteau. Lorsque la végétation est développée, l’effet est tout aussi protecteur puisque le fil permet de réchauffer la sève, qui elle-même conduit la chaleur vers les apex. L’électricien et développeur de la solution antigel n’a jamais essayé sur des vignes conduites en cordon, mais pour lui, l’efficacité devrait être la même du moment que le câble est à proximité immédiate du bras. Entre 2016, 2017 et 2019, trois années de gel intense en vallée de la Loire, Christophe Maillard a malheureusement eu l’occasion d’éprouver le système. « Je n’avais pas beaucoup de retours d’expérience jusqu’ici, mais maintenant j’ai eu la preuve que ce type de lutte contre le gel fonctionne », atteste le vigneron. Cette année, sa parcelle protégée, pourtant plus gélive, arborait une vingtaine de grappes par cep, là où la parcelle voisine en comptait à peine cinq. Un voisin assure avoir atteint un rendement de 50 hl/ha sur les parcelles équipées de fils chauffants contre 3 hl/ha sur le reste du domaine. « Un de mes utilisateurs à Chablis a réussi à sauver sa récolte malgré des - 6 °C », renchérit Jean-Pierre Heurteau. À l’usage, Christophe Maillard ne voit guère d’inconvénients à ces fils électriques, si ce n’est la nécessité de faire plus attention lors de la taille, et celle de prendre un peu plus de temps lors du liage des baguettes.

L’installation fonctionne en totale autonomie

Le système ne fait pas de bruit et n’entrave pas le paysage, les câbles d’alimentation étant enterrés. Les fils sont renforcés pour résister aux UV, à la pluie, aux vendanges mécaniques et aux produits phytosanitaires. De telle sorte que l’installation du vigneron est toujours en bon état après vingt ans d’usage. « Les nouveaux câbles sont même biconducteur, ce qui évite de créer un quelconque champ magnétique », précise Jean-Pierre Heurteau. D’autre part, les fils ne contiennent pas de cuivre, et n’attirent donc pas les convoitises. Mais ce que le vigneron apprécie le plus, c’est l’automatisation du système. « Il y a une sonde de température dans la parcelle. Dès qu’il y a un risque de gel, ça envoie l’information à l’armoire électrique en bordure de parcelle, explique Christophe Maillard. Je n’ai pas besoin de veiller toute la nuit, ni de gérer la logistique de dizaines de bougies. » Une mise en œuvre d’autant plus aisée que le vigneron a raccordé son équipement à l’installation électrique du domaine. « Si les vignes sont à proximité immédiate de la propriété et que l’on a cette possibilité, c’est le plus confortable », reconnaît Jean-Pierre Heurteau. Dans le cas contraire, il est nécessaire d’apporter un groupe électrogène à la parcelle. « On pose des rallonges électriques dans les parcelles pendant la période à risque, puis on vient brancher le groupe lors des alertes gel », explique-t-il. Certains viticulteurs louent un groupe pour la période hivernale, d’autres investissent.

Une puissance électrique de 80 kW nécessaire pour protéger 1ha

« Tout cela se raisonne en fonction des besoins, des moyens, du contexte, poursuit l’électricien. Sur une exploitation de taille moyenne, qui ne bénéficie pas du tarif jaune, il peut être pertinent de dimensionner son installation électrique uniquement pour les besoins en routine et d’acheter un groupe pour subvenir aux besoins lors des pics d’activités que sont les vendanges et les périodes de lutte antigel. » Les fils chauffants nécessitent environ 12 W du mètre linéaire. Stéphane Rondeau estime généralement qu’il faut une puissance de 80 kW pour faire fonctionner le système sur un hectare. « La puissance nécessaire peut vite devenir un facteur limitant lorsqu’on veut équiper plusieurs hectares », admet-il. Le coût également, puisque l’investissement s’élève à 15 000 euros voire 22 000 euros par hectare selon la densité de plantation. « En revanche à l’utilisation ça ne coûte presque rien, témoigne Christophe Maillard. Cela représente à peu près 50 euros pour 10 heures de protection. » Un argument qui reste valable même en cas d’utilisation d’un groupe électrogène, car un équipement de 400 kW consomme l’équivalent de 75 euros par heure en GNR.

Avis d’expert : Basile Pauthier, en charge des essais de lutte antigel au Comité interprofessionnel des vins de Champagne (CIVC)

Les fils chauffants font partie du panel de solutions que je recommande aux viticulteurs

Nous avons repris les tests il y a trois ans sur les deux modèles de fils chauffants existants sur le marché. Selon les parcelles et les équipements, j’ai pu observer des efficacités allant de 60 à 90 %. J’ai mesuré un gain d’une douzaine de degrés au contact du fil, bien qu’il n’y ait guère de différence de température lorsqu’on s’éloigne de 5 cm. Si l’intérêt des fils chauffants est évident, je suis un peu circonspect sur la théorie de la chaleur véhiculée par la sève. Peut-être y a-t-il une autre explication, je vais mener des recherches dans ce sens. En plus d’être relativement efficace, ce système a l’avantage d’être entièrement automatisable. Il est aussi l’un des plus responsables en termes d’empreinte carbone et d’analyse du cycle de vie, même lorsqu’on emploie un générateur. En revanche il ne convient pas à tous les types de conduites, se limitant aux guyots et cordons. Et même s’il peut être vite rentabilisé par rapport à l’emploi de bougies, ce système représente un coût à l’investissement important et nécessite un compteur à proximité ou un générateur de forte puissance.

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