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La traction animale, vrai complément de la mécanisation en vigne

Le château Pape Clément fait intervenir des chevaux sur ses parcelles huit mois par an. Grâce au développement d’un outil spécifique, la rentabilité est au rendez-vous.

« Hi. Droite. Oh. » C’est par ces mots que Frédéric Fardoux, compagnon du Pôle d’excellence de la traction animale (voir sous-papier) du château Pape Clément, à Pessac en Gironde, guide et commande son cheval. Ce jeudi 22 mars, tous deux travaillent le cavaillon à l’aide d’un soc décavaillonneur. L’opération se fait tout en souplesse et sans bruit. Le travail est propre, aucun cep n’est arraché. Les manœuvres de bout de rang sont effectuées en un clin d’œil. Un travail net et précis.

Mais avant d’en arriver là, le domaine a affiné sa technique et son organisation durant plusieurs années. « J’ai commencé par avoir un hectare en test, il y a six ans, se remémore Frédéric Fardoux. Puis petit à petit, j’ai pris en charge davantage de parcelles. On a tâtonné pour trouver la meilleure façon de procéder. On a par exemple constaté qu’il valait mieux travailler l’une des parcelles, très argileuse, aux enjambeurs car la fenêtre d’intervention est très courte. À l’inverse, les chevaux peuvent recommencer à travailler plus tôt que les tracteurs après une pluie. Et dans les parcelles très enclavées, il est plus efficace d’intervenir au cheval, puisqu’il n’y a que des réglages très rapides. Le but est vraiment de viser la complémentarité entre l’animal et la machine. À présent, environ 25 hectares sont menés au cheval. » Selon les années et les zones, diverses opérations sont effectuées : désherbage mécanique du cavaillon (chaussage, débuttage, lames), griffage des plantiers, report de la terre située sur la bande enherbée, tonte, semis d’engrais verts (orge ou vesce), ou encore sécaillage (distribution des piquets). « Nous avons aussi testé le rognage, mais ce n’est pas concluant en raison de la dangerosité des lames, situées à proximité de l’utilisateur, et du fait que le rognage interdit de faire le moindre écart », rapporte Frédéric Fardoux. En revanche, la pulvérisation de préparats 500 et 501 est à l’étude. « Nous envisageons de le faire avec le Horse Spray d’Ecodyn, complète Sébastien Esquerre, le chef de culture du domaine. Cela serait plus rapide qu’à pied ; l’appareil serait rentabilisé dès la première année. » Parallèlement à ces opérations, l’opérateur surveille et observe la vigne. « Je demande une grande vigilance à mes équipes, insiste Frédéric Fardoux. Elles doivent noter le moindre piquet cassé, les fils au sol, etc. »

Développement d’un outil adéquat

" Ces différents travaux sont effectués avec un matériel particulier, conçu et développé pour le château ", précise Arnaud Delaherche, responsable R & D du grand cru classé. La Pirogue, puisque tel est son nom, est un châssis enjambeur breveté, qui permet de travailler mécaniquement deux demi-rangs simultanément, à l’instar d’un tracteur. À condition que le terrain soit plat, l’outil permet d’atteindre les mêmes temps de travaux qu’avec un enjambeur, notamment en travail du sol, et ainsi d’être rentable. Le cheval progresse en effet à 2,5 à 3,5 km/h en chaussage ou décavaillonnage.

Ce châssis inox, adapté aux vignes de 1,10 à 1,50 m de large, se compose de trois roues non alignées (une avant et deux arrières), montées en pneumatiques forestiers gonflés à basse pression. Il s’attèle au cheval via une tige métallique qui se fixe au collier du cheval. Il dispose ensuite d’une plateforme et d’un porte-outils situés entre les roues. La première accueille un appui dos pour le salarié, et le second, les outils. Ces derniers s’abaissent et se relèvent manuellement. C’est le seul réglage qu’il y a à effectuer en arrivant dans les rangs. De même, le changement d’outil est simple et rapide ; l’opération ne prend que dix minutes. Enfin, l’entretien est réduit à son strict minimum, le châssis n’ayant que quatre points de graissage. Mais qui dit cheval, dit absence de circuit hydraulique ou de prise de force. La tondeuse est donc montée sur un châssis spécifique, disposant d’un moteur thermique pour animer la lame.

Sous peu, le domaine devrait disposer d’un nouveau matériel, puisqu’« un prototype est en cours de finalisation, dévoile Frédéric Fardoux. Il permettra d’intervenir dans des vignes de 1 à 1,60 m grâce à un réglage de l’écartement et surtout, de gérer chaque côté de manière indépendante. Il sera ainsi possible de travailler dans les pointes. »

Pas de casse et un coût/hectare moindre qu’en mécanique

Si le château continue à investir dans la traction animale, c’est en partie pour son respect de la vigne. " En décavaillonnage, nous n’avons dénombré aucun cep arraché ou cassé avec le cheval, rapporte Arnaud Delaherche. Étant donné la vitesse de travail, lorsque l’opérateur voit qu’il risque d’abîmer un pied, il a le temps de stopper le cheval, de le faire reculer, puis de repartir sur un bon axe. " Avec l’enjambeur, le taux de casse est de 5 à 8 pieds pour 2,5 hectares (densité de 8 000 pieds/hectare). " Cela représente un gros gain qualitatif ", souligne le responsable R & D. Sans compter que le coût du travail équin n’est pas aussi prohibitif qu’il n’y paraît. Il s’avère même… moins cher que le travail à l’enjambeur ! C’est du moins ce qui ressort des estimations réalisées par le château Pape Clément. Ainsi, pour un chaussage/déchaussage, un passage de chasse terre, et six de lames (tonte), le travail à l’enjambeur revient à 4 200 euros/hectare, contre 3 400 euros/ha pour le cheval équipé d’une Pirogue. De même, deux chaussages/déchaussages, deux chasse terre et trois passages de lames (tonte) coûtent 3 100 euros/ha avec un enjambeur mécanique, contre 2 800 euros/ha en traction animale. Une opération qui est donc gagnante sur tous les tableaux !

La Pirogue permet de travailler deux demi-rangs en un seul passage

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Une équipe étoffée

À l’heure actuelle, l’équipe de Frédéric Fardoux se compose de six chevaux (Traits du Nord, Percherons et Bretons), d’un bœuf, et de quatre personnes. Elle travaille huit mois par an au château Pape Clément. Le reste du temps, elle réalise des travaux forestiers, afin d’entretenir musculairement les animaux.

Les chantiers viticoles sont organisés. Matin et le soir, la préparation du cheval prend 15 à 30 minutes ; une personne se charge d’apprêter tous les chevaux pour l’équipe. Ensuite, pour l’entretien du sol, une personne passe avec la tondeuse, tandis que deux autres la suivent avec les outils interceps. À noter que selon les travaux, il faut changer de cheval toutes les deux heures. C’est notamment le cas pour le chaussage.

Former et accompagner des jeunes

Peu après leur rencontre, Bernard Magrez et Frédéric Fardoux ont fondé une structure d’accompagnement, permettant aux personnes le souhaitant de devenir des professionnels du travail équin. « Je me suis rendu compte que la filière manquait cruellement de professionnalisation, note-t-il. Au départ, on s’installe, on travaille. Puis le cheval tombe malade et on se retrouve démuni. Pour aller loin dans la technicité, il ne faut pas être seul. J’ai donc voulu créer une structure qui ressemble un peu au compagnonnage, afin d’accompagner les jeunes. L’idée a plu à Bernard Magrez. » La société Pôle d’excellence de la traction animale du groupe Bernard Magrez est alors née. C’était il y a trois ans.

Un suivi personnalisé et sur-mesure

« Nous travaillons sur plusieurs aspects, poursuit Arnaud Delaherche. Tout d’abord, la formation et la transmission des savoirs. Puis le dressage et la préparation des animaux. Ensuite, la conception et le développement de matériel. » Chaque candidat bénéficie d’un suivi personnalisé. Selon ses besoins et son profil, il est envoyé en centre de formation, aux haras nationaux, ou autre. L’équipe l’aide à cheminer et à développer son entreprise de travaux agricoles. À ce jour, trois personnes ont déjà bénéficié de cet accompagnement, « mais on recrute toujours », pointe Sébastien Esquerre. Le candidat signe un contrat d’engagement et peut bénéficier du suivi durant trois à cinq ans.

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