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La prévention en ligne de mire

Sollicitée pour mettre la main à la pâte, la filière a rendu sa contribution au Plan national de santé publique. Mais n’est-ce pas un coup dans l’eau ?

Le 27 juin dernier, Vin & Société, conjointement aux autres organisations représentant les producteurs de boissons alcoolisées en France, a adressé à Emmanuel Macron sa contribution au Plan national de santé publique. Un dossier sur lequel l’association planche depuis six mois. Et qui a été reçu de manière plutôt froide, bien qu’il ait été commandité par le président de la République en personne. Le ministère de la Santé estimerait notamment que la filière marche sur ses plates-bandes… Rien n’est donc encore sûr quant à l’avenir de ce plan, même si « cela devrait s’éclaircir à la rentrée », comme le glisse un observateur. Quoi qu’il en soit, la proposition de Vin & Société est riche — le plan fait 30 pages — et contient de nombreuses mesures avec un double enjeu : "la protection des populations à risque et la responsabilité dans la consommation de vin ». Des mesures qui devront ensuite s’articuler avec le reste du plan du gouvernement.

Lutter contre le binge drinking et la vente aux mineurs

Le premier axe, qui concerne la protection des femmes enceintes, des mineurs et des jeunes adultes, contient diverses actions. La première consiste à « faire mieux respecter l’interdiction de vente d’alcools aux mineurs, en améliorant la formation des professionnels, en concertation avec la grande distribution, les CHR et commerces spécialisés ». Cette mesure est bien évidemment louable puisqu’elle vise à protéger les populations à risque. Mais dans la pratique, on voit mal comment Vin & Société, même avec l’aide des professionnels concernés et de modules d’e-learning, arrivera à « former » chaque caissière et chaque responsable de petit commerce local. Dans la même lignée de protection des populations à risque, Vin & Société propose d’« intensifier la lutte contre le binge drinking, en établissant une charte nationale avec les écoles, universités et associations étudiantes ». Elle stipulera notamment les droits et les devoirs à respecter par les différents acteurs durant les soirées étudiantes. Là encore, on ne peut que rester dubitatif devant cette proposition. Quiconque a été étudiant dans les vingt dernières années ne peut que douter du fait qu’une simple signature de charte puisse renverser la vapeur. " Si on n’essaie pas, on ne saura pas si ça peut marcher, tempère Krytel Lepresle, déléguée générale de Vin & Société. Par ailleurs, nous comptons travailler avec des influenceurs auprès des jeunes adultes, pour véhiculer le message sans culpabiliser. " Une mesure qui s’avérera certainement plus efficace, pour peu de trouver et de convaincre les bons influenceurs.

Parallèlement à cela, l’association souhaite « contribuer à la diffusion du message 'zéro alcool' pendant la grossesse ». Pour ce faire, Vin & Société propose une amélioration de la visibilité du logo femme enceinte avec un grossissement de sa taille à 8 mm minimum et un bon contraste, et « se tient prête à relayer ce message d’abstinence auprès des femmes pour toute la durée de la grossesse ». Si elle part d’une bonne intention, pas sûr que cette « intrusion » soit bien vue tant par le ministère de la Santé, que par les femmes enceintes, pour qui le gynécologue, la sage-femme ou le corps médical restent la référence et le relais incontournable lors de la grossesse. En ce sens, une action de " partenariat avec la fédération des gynécologues est aussi au programme ", indique Krystel Lepresle. Elle sera certainement mieux perçue.

Des alcobornes dans les fêtes viticoles

Par ailleurs, le plan prévoit d’« informer sur les risques liés à la conduite, en partenariat avec la Sécurité et la prévention routière ». L’association compte notamment installer des alcobornes lors des fêtes viticoles à partir de 2021. Vin & Société propose également de « promouvoir les comportements responsables auprès des consommateurs, en diffusant un guide de la consommation responsable à travers toutes les interprofessions et syndicats viticoles ». Mais cela sera-t-il suffisant ? Les dernières avancées des neurosciences mettent en évidence que l’être humain apprend mieux lorsqu’il est en interaction avec un autre être humain. Une plaquette n’est donc pas forcément le moyen le plus efficace pour marquer les esprits. Des sessions de formation à la dégustation auraient peut-être davantage d’impact.

Autre ambition : « améliorer la connaissance et la mise en œuvre de la consommation responsable auprès des futurs professionnels ». Pour ce faire, Vin & Société mise sur la création d’un label pour l’organisation de fêtes viticoles responsables et sur des « formations spécifiques à la consommation responsable et aux obligations réglementaires » dans les établissements d’enseignement agricoles, hôteliers et sommeliers. De même, l’association compte « améliorer l’autorégulation en matière de publicité et favoriser les bonnes pratiques ». Et ce, en signant le code de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) d’une part, et en proposant des conseils juridiques à ses adhérents de l’autre.

On l’a vu, le plan est vaste et prévoit de nombreuses actions. Mais on peut regretter qu’aucune ne passe par l’éducation à la dégustation. Car l’apprentissage des arômes et de la subtilité des vins et des alcools semble être un plus sûr repoussoir des addictions qu’un large déploiement de guides ou de chartes. Quand à l’avenir de ce plan, il est pour le moment incertain. Une grande partie des propositions seront mises en place par Vin & Société, quel que soit l’avis des ministres. C’est par exemple le cas du déploiement des alcobornes ou de la diffusion du guide de la consommation responsable. En revanche, d’autres mesures devront attendre le feu vert du gouvernement, à l’instar de celles concernant les formations des futurs professionnels. Un feu vert attendu, ou pas, pour la rentrée.

Quoi qu’il en soit, l’association compte « mobiliser 2 millions d’euros sur quatre ans (2019-2022) pour mettre en œuvre ces mesures ». Un budget qui proviendra de son enveloppe et sera couplé à celui des filières bières et spiritueux. " Soit un montant de 1,2 million par an ; 5 millions sur cinq ans ", dévoile Krystel Lepresle. Une somme à mettre en perspective avec les 3 millions d’euros annuels alloués par le gouvernement français à la prévention contre les excès liés à l’alcool…

Un budget de 2 millions d’euros sur quatre ans pour mettre en œuvre ces mesures

Le Québec et l’Espagne comme sources d’inspiration

Le Québec et l’Espagne sont souvent cités comme exemple par la filière, pour tout ce qui a trait à la prévention contre l’alcoolisme. Et pour cause. Au Québec, le taux d’alcoolisme est l’un des plus faibles du Canada : il est de 2,7 % et est le fruit du travail d’Éduc’alcool. Cet organisme privé regroupe les associations de l’industrie de l’alcool, la SAQ (Société des alcools du Québec) ainsi que des personnes et organismes de la société civile. Depuis vingt ans, elle incite les consommateurs « à mieux boire », en insistant sur le goût en opposition avec l’ivresse, notamment via de petits dessins animés. Avec succès.

De son côté, l’Espagne a une approche plus juridique. Une loi, datée du 10 juillet 2003, établit en effet que le vin est un aliment naturel et que « que l’État peut financer des campagnes d’information, la diffusion et la promotion de la vigne, du vin et du moût de raisin pour informer et diffuser les avantages du vin comme aliment dans la diète méditerranéenne ». Depuis 2008, la Fédération espagnole du vin (FEV) est le coordinateur national sur la thématique. Elle a travaillé sur deux initiatives : l’élaboration d’un code d’autorégulation du vin pour la publicité et les communications commerciales, et une campagne d’information cofinancée par les fonds européens et nommée « Quien sabe beber, sabe vivir » (Qui sait boire sait vivre). Cette dernière met en avant des Espagnols, expliquant ce qu’est pour eux l’instant de consommation idéal, ainsi que des recettes. Deux outils qui donnent satisfaction outre-Pyrénées.

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