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La polyculture, un choix économique

Vignoble, oliveraie, verger, boutique, restauration, camping. Le domaine de Rocheville, dans la Drôme provençale, n’a de cesse de se diversifier depuis cinq générations. La polyculture et diverses formules de vente directe permettent d’amortir les coups durs et de préserver les marges sur l’ensemble de la production.

Pour Guillaume Rocheville, 36 ans et vigneron indépendant à Nyons en Drôme provençale, « diversifier l’activité permet de mieux assurer la pérennité de l’exploitation dans la durée ». Si les générations précédentes ont pratiqué l’élevage et le maquignonnage, l’exploitation s’est adaptée au marché au fil des ans. Guillaume Rocheville cultive à présent de la vigne en AOP côtes-du-rhône, dont les raisins sont vinifiés sous les trois couleurs sur place. Mais le domaine comprend également des oliviers en AOP nyons, dont les produits sont transformés en huile et en tapenades, ainsi que des abricots vendus pour moitié en saison, l’autre moitié étant transformée. Un moulinier, presse les olives pour 0,40 euro le kilo. Un CAT (Centre d’aide par le travail) confectionne les tapenades, les confitures et les nectars d’abricots. « Nous répondons à une forte demande pour les produits transformés, indique Guillaume Rocheville. Notre boutique est située à l’entrée de la ville, sur une route touristique qui voit passer 7 000 véhicules par jour. Nous y commercialisons 40 % de nos productions en volume. Nous avons par ailleurs développé une activité œnotouristique pour favoriser le passage sur notre point de vente. La boutique diffuse, pour 70 % de ses références, notre production, complétée par des produits régionaux comme des terrines, des biscuits, des huiles essentielles de lavande… Depuis que mes vignes arborent l’étiquette bio en 2013, j’accrois le prix de mes bouteilles de 3 % à 5 % par an sans avoir à souffrir des aléas des cours imposés par le négoce. »

« Notre production diversifiée nous a permis de survivre au gel de 1956 qui a supprimé l’essentiel des oliviers en Provence, rappelle Guillaume Rocheville. Mon grand-père a alors planté de la vigne, des abricotiers puis a racheté des terres. » Les abricots se sont particulièrement bien vendus jusqu’à la crise de surproduction du début des années quatre-vingt-dix. « C’est ce qui a payé nos études », soutient Guillaume Rocheville. Après la chute de l’abricot polonais ou oranger de Provence à la couleur jaune et reflet vert, la famille a replanté des vignes, des oliviers et des abricotiers avec six variétés goûteuses, à la peau orange aux reflets rouges en phase avec le marché. « Pour vendre nos produits, ma mère a ouvert un local de vente il y a vingt-deux ans, sous la maison, au bord de la route et s’est constitué une clientèle fidèle », reprend Guillaume Rocheville. En 2007, il a inauguré un nouveau bâtiment, qui accueille une boutique moderne, les bureaux et l’ensemble des nouveaux outils de vinification en sous-sol.

De la vigne en altitude pour s’adapter au réchauffement climatique

L’abricot n’ayant plus la côte, le domaine poursuit sa mue. « Je compte prochainement arracher une importante parcelle de vieux arbres pour planter de la vigne, en prévision du réchauffement climatique », dévoile Guillaume Rocheville. La parcelle orientée nord, en altitude, produira du blanc à l’abri des à-coups thermiques dans la région, dans une zone impossible à irriguer.

Vignes et oliviers se complètent au cours de l’année. L’oléiculture nécessite moins de charges que la viticulture, car elle est concentrée sur la taille (mi-février à fin mars) et la récolte manuelle en décembre. L’abricot, par contre, réclame beaucoup de travail de mi-juin à mi-juillet « à une époque où nous devrions être dans nos vignes, regrette le vigneron. Nous nous sommes organisés pour répondre à ce pic d’activité. La polyculture demande une meilleure organisation, mais aussi beaucoup de compétences supplémentaires ». La culture d’une vigne bio en coteaux complexifie la tâche.

Préserver ses marges grâce aux circuits courts

Pour valoriser sa production, Guillaume Rocheville mise sur les circuits courts. Ayant terminé ses études par un BTS de commercialisation des produits viticoles à Beaune, après un BTS de viti-œno à Avignon, le viticulteur s’est constitué un réseau national de revendeurs pendant ses études. Ses vins, ses huiles et ses tapenades se retrouvent sur des marchés permanents de producteurs à Grenoble, Limoges, dans le nord de la Drôme et dans deux boutiques en Alsace. « Notre largeur de gamme séduit ces points de vente », précise-t-il. De même, l’exploitant indépendant du Carrefour de Vichy lui achète en direct ses produits pour son rayon. « J’ai arrêté complètement le vrac depuis deux ans », se félicite-t-il. Enfin, pas totalement. Un Britannique sollicite depuis trois ans le domaine pour la réalisation de vins à façon, de la sélection parcellaire à la vinification. Ce négociant assure l’élevage sur Beaune en foudre, puis commercialise sur Londres le produit à sa marque. De 10 hl, la production est passée à 100 hl cette année.

Pour renforcer l’attrait de sa boutique, Guillaume Rocheville multiplie les initiatives. « Notre site d’e-commerce réalise peu de ventes mais participe à la notoriété de la boutique mesurée par l’importante consultation de ses pages, cite-t-il. Sous le magasin, nous avons équipé une aire pour 6 camping-cars qui assure un trafic supplémentaire dans nos rayons. Nous proposons également un parcours bucolique balisé dans nos parcelles, guidé par un serious game sur smartphone qui nous a coûté 5 000 euros. Avec un chef, nous organisons à la demande des repas, dans les vignes et oliveraies, que j’anime. La clientèle fruits et légumes étant différente de celles des produits conditionnés, nous l’avons réduite uniquement à la vente d’abricots pendant la saison pour satisfaire une clientèle très fidèle. » Pour relancer les ventes directes en hiver, Guillaume Rocheville a donné de l’ampleur au marché de Noël créé il y a vingt-deux ans par sa mère. Ses stands accueillent pendant trois semaines de décembre des producteurs de vins, de champagne, de volailles, de foie gras, de pognes, de laine mohair, qu’ils soient locaux ou venant de toute la France. Cette vente temporaire permet en outre de référencer les compléments de gamme de la boutique pour le reste de l’année.

Pour renforcer l’attrait de sa boutique, Guillaume Rocheville a lancé un site d’e-commerce, une aire pour camping-cars, un parcours œnotouristique…

repères

Surface agricole 25 ha dont 12 ha de vigne (AOP côtes-du-rhône bio), 6 ha d’oliviers, 3 ha d’abricotiers et 4 ha de jachère

Personnel un permanent et des saisonniers (4 équivalents temps pleins)

Boutique 80 m2

Production moyenne de vin bio 600 hl

Production d’olives 15 à 22 tonnes

Production d’abricots 10 tonnes

Chiffre d’affaires production de vin 132 000 € HT

Chiffre d’affaires production d’olives 110 000 € HT

Chiffre d’affaires vente d’olives, huile et tapenades à la boutique 88 000 € HT

Chiffre d’affaires vente vin à la boutique 48 800 € HT

Laurence Berlemont, ingénieur agro et œnologue conseil du cabinet d’agronomie provençale au Val, dans le Var

"Je préconise la polyculture pour trois raisons "

"Tout d’abord, nous savons depuis des siècles que la monoculture engendre des risques sanitaires et écologiques. Quand un prédateur incontrôlable arrive, les ravages sont énormes comme actuellement sur les oliviers dans les Pouilles. Rappelons que l’épisode du phylloxéra n’est pas si loin que ça.

Ensuite, la polyculture répond à un enjeu économique essentiel, celui de prévenir un retournement du marché. En cas de chute des cours sur le vin, l’exploitation peut miser sur d’autres productions. Cette diversification permet aussi de connaître plusieurs métiers. En cas de reconversion subite et subie, il sera toujours difficile d’acquérir les nouvelles compétences nécessaires.

Enfin, sur l’aspect commercial, nous ne vendons pas qu’un produit, le vin, mais toute son histoire, sa région et son image d’Épinal. C’est particulièrement important pour les exploitations qui disposent d’un point de vente, afin de pouvoir diversifier leur offre. Chaque produit promeut la commercialisation de l’autre."

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