La fraîcheur selon Lallemand
La société Lallemand Oenology a organisé en janvier dernier son « Lallemand Tour », sur le thème de la fraîcheur des vins. Résumé des interventions.

Difficile de bien définir la notion de fraîcheur d’un vin : on pense entre autres à une acidité présente, des arômes nets, sans le côté brûlant de l’alcool. Favoriser la fraîcheur se joue d’abord à la vigne, l’objectif étant d’obtenir des maturités phénoliques et aromatiques précoces, avec encore un bon équilibre sucre-acide. Les nouveaux intrants à base de levures peuvent y contribuer, selon la société Lallemand, qui commercialise un produit (LalVigne Mature) à pulvériser en encadrement de véraison. « La vigne réagit à l’application en augmentant l’épaisseur des pellicules et en accélérant la maturité phénolique, explique Sandra Escot, responsable marché Lallemand. Ce qui permet d’obtenir une bonne qualité de tanins et d’arômes plus tôt. »
Autre point important : le choix de la souche de levure. Certaines augmentent l’acidité des vins rouges, tout en limitant le degré. Ainsi Ionys produit moins d’éthanol à partir du sucre et davantage de composés autres : glycérol, acides lactique, succinique et même malique, ce qui est rare, les levures ayant plutôt tendance à en consommer.
Les bactéries ne sont pas en reste ; une malo peut faire perdre plus ou moins de fraîcheur aux vins. « Avec une souche Lactobacillus plantarum (ML Prime), on produit moins d’acide acétique et plus de lactique. De plus, on l’inocule avant fermentation alcoolique, ce qui lui permet de transformer l’acide malique en acide lactique avant que les levures n’en consomment une partie. On gagne donc en fraîcheur », explique Antonio Sylvano, responsable développement et applications chez Lallemand.
Ne pas négliger la fraîcheur aromatique
En plus de l’équilibre acide-alcool, les arômes contribuent nettement à la sensation de fraîcheur. On évitera les masques aromatiques comme l’éthanal (évent, pomme blette), les composés soufrés (réduit) ou le diacétyle (beurré). Là encore, opter pour des levures et bactéries sélectionnées permet d’en produire moins. La période d’inoculation joue également. « En co-inoculation on limite davantage le diacétyle qu’en séquentiel car il est retransformé par les levures », poursuit Antonio Sylvano. Concernant l’éthanal, on sait qu’il disparaît en retardant le soutirage après les fins de malo car les bactéries le dégradent. Elles dégraderaient également d’autres aldéhydes comme l’hexanal, aux notes végétales.
Enfin, qui dit fraîcheur aromatique dit protection contre l’oxydation. « Sur la vendange, le SO2 et les températures de moins de 15 °C ralentissent les enzymes d’oxydation mais ne les annulent pas », rappelle Jean-Michel Salmon, directeur de recherche Inra. L’ajout d’acide ascorbique, l’inertage et un levurage précoce limitent les risques. Sur vin, l’oxydation chimique des arômes peut être jugulée par le SO2 et l’inertage. « Il existe des alternatives intéressantes comme les levures inactivées riches en glutathion mais aussi les levures inactivées spécifiques à ajouter lors de l’élevage, véritables pièges à oxygène, ajoute Jean-Michel Salmon. Nous avons testé leur efficacité lors de transferts de vin. En ajoutant 20 g/hl de LSI (levures sèches inactivées) en fond de cuve de réception, cela a permis de diminuer la teneur en oxygène dissous de 1 mg/l par rapport au témoin. »
Quels arômes contribuent à la sensation de fraîcheur ?
La question a été étudiée par Richard Pfister, œnologue et œnoparfumeur. « La fraîcheur en parfumerie correspond à des odeurs légères et toniques, type agrumes, marines, florales, voire épicées », introduit-il. Dans les vins, les terpènes (citronellol, géraniol…) apportent ces notes fraîches de géranium, citron, typiques du muscat. Suivent le menthol et l’eucalyptol, d’origine variétale mais aussi exogène. « Une vigne entourée d’eucalyptus peut donner des vins enrichis en eucalyptol, pointe-t-il. Même chose en présence d’une armoise, l’artémisia verlotiorum. »
Les arômes plus végétaux renforcent la fraîcheur comme les thiols, dont la 4MMP (buis, bourgeon de cassis), mais aussi l’IBMP (poivron vert) à faible teneur, ou l’hexénol (herbe coupée). « Sa teneur peut facilement augmenter par macération sur bourbes ou trituration de la vendange », estime Richard Pfister. On peut encore citer le nonadienal (marin, végétal) présent dans les vins de presse ou le salicylate de méthyle (végétal, camphré), produit par des vignes stressées.
Tout reste cependant un subtil équilibre des concentrations…