Oenologie
La co-inoculation de levures et bactéries sur moût adoptée à Buzet
Oenologie
La cave des Vignerons de Buzet a testé et validé l´ensemencement simultané en levures et en bactéries sur moût. Une pratique encore peu courante en France.
Ajouter des bactéries sélectionnées dans un moût : voilà une pratique qui ferait hurler plus d´un vigneron. Bactéries et sucre n´ont en effet pas la réputation de faire bon ménage mais plutôt d´être à l´origine de piqûres lactiques, c´est à dire de formation de volatile par dégradation des sucres. Et pourtant, à la cave des Vignerons de Buzet dans le Sud-Ouest, cette technique, dite de co-inoculation ou d´inoculation précoce, a fait ses preuves sur plus de 5000 hectolitres de merlots et cabernets l´an dernier.
Technique réservée à l´élaboration de vins fruités
« La co-inoculation nous permet de terminer le cycle fermentation alcoolique-extraction-malo en moins de 25 jours, explique Jacques Réjalot, l´onologue de la cave. Le vin, à peine écoulé, part en fermentation malolactique. Il ne stagne donc pas sans protection en SO2, ce qui conserve davantage son fruité. » A Buzet, cette technique est d´ailleurs réservée à l´élaboration de vins fruités, destinés au marché anglo-saxon. En pratique, le moût est d´abord ensemencé en levures (10 g/hl) et 12 heures plus tard en bactéries à 1 g/hl. Les fermentations démarrent rapidement et se terminent en moyenne en sept jours. Un laps de temps mis à profit par les bactéries pour commencer leur croissance. « Les bactéries ne se multiplient pas comme les levures, dès qu´on les ajoute, explique l´onologue. Leur implantation est lente car elles ont peu de substrat et elles doivent d´abord s´adapter au milieu. » Et a priori cette adaptation peut très bien se dérouler pendant la fermentation alcoolique sans gêner son déroulement.
©D. R. |
Surveiller les fermentations alcooliques
Ce procédé, un tantinet risqué, demande cependant un surcroît de vigilance. Il faut d´abord être certain que la fermentation alcoolique va se passer sans problème. Car à la moindre faiblesse des levures, les bactéries pourraient prendre le relais. « Pas question d´utiliser une levure qui risque de traîner ou de laisser des sucres résiduels. On choisit une souche connue pour ses cinétiques rapides, comme la 522 Davis, et on surveille son développement par des comptages microbiologiques au microscope. » La teneur en azote du moût est ajustée à plus de 150 mg/l, si nécessaire, pour éviter toute carence qui pourrait gêner la multiplication des levures et « on évite les levures qui ont de gros besoin en azote ». Quant à la bactérie ajoutée, c´est une souche particulière, sélectionnée sur le site de Buzet et « compatible avec la levure ». Le taux d´acide malique est dosé chaque jour.
Nettoyer bacs et tuyaux, impérativement
Autre impératif : l´hygiène doit être irréprochable pour éviter de transmettre des bactéries aux cuves voisines. « Le risque vient surtout des systèmes de remontage qui passent de cuve en cuve », prévient Jacques Réjalot. Il faut impérativement nettoyer bacs et tuyaux, ce qui prend du temps. L´onologue a donc préféré opter pour des cuves avec système de remontage intégré ou des cuves type Gimar. L´an dernier toutes les fermentations se sont déroulées sans soucis selon ce protocole. Mais ce n´est pas pour autant qu´il sera systématisé à tous les millésimes. « L´observation du raisin est capitale avant de se lancer, estime Jacques Réjalot. Il vaut mieux y renoncer les années où les pH sont trop élevés, ou les taux d´acide malique trop faibles. »