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Ils vinifient de manière originale

Le vinificateur peut exprimer sa créativité au moment des vendanges. Quitte à s’éloigner des pratiques traditionnelles propres à sa région et à s’approprier des techniques venues d’ailleurs.

 

« Un gris moelleux issu de cryoextraction »

« C’est un concept qui nous est venu autour du pressoir, un soir de vendanges 2008, avec Rémy Welter, mon associé. On cherchait une façon de valoriser nos gamays, et comme on est dans une région où il n’y a que des vins secs, on a eu l’idée de faire un mœlleux. De là est née Apothéose Givrée, vin gris mœlleux à 100 g/l de sucres résiduels, obtenu par congélation des raisins. On utilise des caisses à légumes ajourées pour favoriser une congélation homogène, que l’on place dans de grandes chambres froides à -20 °C pendant environ trois semaines. Puis, on transfère les caisses en camions semi-frigorifiques jusqu’à ce que la température remonte entre -6 et -8 °C. Après le cycle de pressurage à haute pression (on commence à 1,2 bar) via un pressoir pneumatique, le moût sort à environ 1 °C puis se réchauffe en cuve avant d’entamer la FA selon l’itinéraire de vinification classique en gris. Il nous aura fallu huit ans pour arriver à produire un moelleux à la hauteur de nos attentes, mais je pense qu’on maîtrisera totalement le procédé d’ici cinq ans. On s’est rendu compte que lorsque l’on congèle à très basse température, on extrait plus de couleur et d’arômes. Donc je pense que trois semaines de congélation c’est un peu trop long. Comme on n’a pas de surmaturation, nos vins conservent une acidité remarquable et la sensation sucrante est largement moindre, alors même que l’on est plus haut en sucres résiduels que la plupart des mœlleux du marché ! Niveau aromatique, on est sur du fruit rouge confit, avec une belle minéralité en fin de bouche qui renforce la sensation de fraîcheur. On revendique à 100 % le procédé et on veut être très transparents auprès de nos clients. D’ailleurs, sur l’étiquette, il est écrit « vin de glace artificiel ». Et ça marche ! On a été dévalisés, on en est même en train de voir pour replanter du gamay et ainsi augmenter notre production. »

Thomas Colson, vigneron associé au domaine de l’Ambroisie à Toul, en Meurthe-et-Moselle

« Filtrer les moûts blancs pour des vins propres »

« L’idée a surgi en concertation avec mon œnologue conseil il y a quelques années : on s’est tout bêtement dit que pour que les arômes du vin soient parfaitement nets, il fallait essayer d’avoir les jus les plus propres possible. J’ai donc passé une partie de mes moûts au filtre tangentiel, comme je le fais pour clarifier mes vins avant la mise. De ce fait, on réalise une filtration stérilisante ; j’obtiens des jus parfaitement clairs et sans aucune particule, que j’ensemence immédiatement. Évidemment, la turbidité est très basse : mes fermentations s’enclenchent rapidement mais elles sont bien plus lentes. Sans filtration, les FA durent deux petites semaines ; là il faut compter presque un mois. Je n’ai pas besoin de mettre en place des mesures d’hygiène plus poussées que ce que je ne fais déjà : les Saccharomyces ne sont pas non plus à l’arrêt et restent ma population dominante. J’ai tout de suite constaté un gain en intensité aromatique. Pendant la FA, mes sauvignons blancs développent des arômes d’agrumes soutenus et une belle fraîcheur. Il y a aussi davantage de complexité. Je peux valoriser les vins qui suivent cet itinéraire dans un segment plus haut de gamme, mais je ne filtre pas l’ensemble de mes vins car il faut pouvoir proposer des profils de vins différents à prix variés à nos clients. »

Pascal Balland, vigneron au domaine Pascal Balland, à Sancerre, dans le Cher

« Immerger le chapeau pour des vins plus soyeux »

« L’immersion totale du chapeau de marc est une technique que l’on utilise depuis les années cinquante pour vinifier l’ensemble de nos cépages noirs. L’objectif premier est de limiter au maximum la trituration de la vendange en évitant d’utiliser des pompes. Je n’effectue ni pigeage, ni remontage, ni délestage au cours de la vinification. Ensuite, l’avantage de cette technique est qu’elle permet une extraction extrêmement lente, on n’a jamais de surextraction et comme on cherche à faire des vins soyeux, c’est ce qui nous semble le plus pertinent. Les cuves que l’on utilise ont été faites à notre demande par un artisan. Après réception des raisins, je remplis directement les cuves, qui sont équipées d’un bassin initialement situé sur la partie haute de la cuve. Je remplis les cuves de sorte à ce qu’elles soient quasiment pleines. Puis, je crée un tapis de rafles d’environ 10 cm d’épaisseur au niveau de la cheminée pour éviter que les grappes ne remontent, et je bloque le tout avec des lattes en bois positionnées sur la cheminée. Sous l’effet du CO2 lorsque la FA s’enclenche, le chapeau vient se plaquer au fond de la cuve. Puis la pression exercée par le gaz pendant la fermentation met le bassin légèrement en mouvement et permet un contact homogène entre le marc et le jus. Nous avons des cuvaisons relativement courtes, une quinzaine de jours, et n’avons jamais constaté de verdeur ou d’astringence particulièrement marquées dans nos vins. De ce fait, j’ai rarement été obligé d’écouler avant la fin des FA. À l’écoulage, le chapeau de marc se révèle solide et uniforme bien que plus imbibé de jus, ce qui implique un programme de pressurage plus long que dans les itinéraires de vinification classiques pour être sûr qu’ils soient bien secs ».

Steven Hewison, œnologue au Château le Puy, à Saint-Cibard, en Gironde

« Un vin bleu de macération »

« Voilà deux ans que l’on produit un vin bleu naturel à partir de vermentinu, cépage blanc insulaire. La première fois, on l’a vraiment obtenu par hasard. On cherchait à faire un rosé gris de la mer via une technique ancienne qui consiste à faire macérer les jus avec des algues, des végétaux et des minéraux. À la fin de la FA, le vin était bleu. On a failli tout jeter en pensant que c’était complètement oxydé mais après analyse et dégustation, il s’est avéré que le vin était particulièrement aromatique. Sa couleur bleue est un bel hommage à notre île. On a donc décidé de recommencer en affinant un peu la technique de vinification, puis on a déposé un brevet. Nos raisins sont récoltés de nuit et rincés à l’eau de mer, car on a remarqué que les embruns étaient exhausteurs d’arômes. Puis, les jus sont pressés à froid et la macération a lieu pendant toute la FA, qui dure un bon mois avec variation de températures. Le vin est ensuite décanté, filtré et après le tirage, nos bouteilles passent six mois sous la mer. De ce fait, les vins coûtent cher à produire, on n’arrive toujours pas à diminuer les coûts. Bien sûr il y a toujours des puristes, des réfractaires, mais je dirais que nos vins ouvrent de nouveaux horizons et plaisent à 80 % des gens. Ils répondent aussi à une demande actuelle : faibles en alcool (10,5 % vol.) en lien avec une récolte précoce et pauvres en sulfites car la spiruline contenue dans les algues marines a un fort pouvoir antioxydant. Quant au profil, on obtient des vins aux parfums floraux, avec en bouche des agrumes et des notes anisées, parfaits pour l’apéritif ou sur des fruits de mer. »

Sylvain et Thierry Milanini, Thierry Lebegue, vignerons associés au sein de la société BST Figari, en Corse

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