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Groupement d’employeurs, la sécurité et la flexibilité

Le Château de la Greffière, dans le Mâconnais, a recours à un groupement d’employeurs pour faire face à un besoin de main-d’œuvre. Née il y a 30 ans, cette solution bien souvent efficace et sécurisante a fait ses preuves.

Le château de la Greffière s'étend sur quarante hectares, en AOC Mâcon. Il emploie six permanents plus une personne du groupement d'employeurs.
Le château de la Greffière s'étend sur quarante hectares, en AOC Mâcon. Il emploie six permanents plus une personne du groupement d'employeurs.
© V. Lesage

Elle n’est ni travailleuse occasionnelle, ni intérimaire. Pourtant Renée Housseau prend régulièrement le chemin du château de la Greffière dans le Mâconnais pour y travailler. La propriété viticole et sa bâtisse édifiée en 1830 surplombent la petite vallée de La Roche-Vineuse. Un domaine viticole dont Renée n’est pas non plus employée en CDD ou en CDI… Pas directement en tout cas.
Son véritable employeur a son siège une dizaine de kilomètres plus loin, à la Maison de l’agriculture de Mâcon. C’est le groupement départemental Agri emploi rural 71. La solution, aussi appelée "emploi partagé", a été choisie par Vincent et Isabelle Greuzard à la tête des quarante hectares du Château de la Greffière.

Le principe du groupement d’employeurs est simple. Ce dernier embauche en CDI ou en CDD du personnel mis ensuite à disposition des différents membres du groupement. L’objectif est de fidéliser un salarié occasionnel et de faire face à un pic d’activité récurrent.
Le système a vu le jour au milieu des années 1980 : il s’agissait principalement de légaliser des usages largement répandus dans le secteur de l’agriculture, où une longue tradition de solidarité générait des pratiques informelles de partage de personnels et de matériels entre exploitants voisins ou de la même famille.

Un système gagnant-gagnant

Sur le papier, la formule du groupement d’employeurs semble particulièrement attractive. Ce système est gagnant à la fois pour les salariés et les entreprises. Les premiers ont une vraie sécurité de l’emploi. Aux secondes, il offre une flexibilité qui leur permet d’ajuster le volume horaire de travail dont elles ont besoin. Le tout est neutre fiscalement et permet de mutualiser les coûts liés à la gestion administrative. Le principal intérêt est d’ajuster l’appoint de main-d’œuvre en le limitant au nécessaire.
"Je pense que le coût est légèrement plus élevé que celui d’un travailleur occasionnel. Mais je n’ai jamais vraiment réalisé le calcul. Pour moi, le principal intérêt réside dans le fait qu’il n’est pas nécessaire de repasser par la case formation chaque fois qu’une nouvelle personne arrive sur le domaine", expose Isabelle Greuzard. Cette dernière estime qu’il faut environ une semaine pour former et rendre opérationnel un nouvel arrivant. L’économie réalisée, même si elle ne transparaît pas spontanément de façon comptable, est loin d’être négligeable : à la productivité réduite de cette première semaine d’acclimatation s’ajoute en effet le temps passé par un salarié, ou l’exploitant lui-même, à former le personnel. "J’y vois aussi un aspect social. Cela permet de proposer du travail avec une certaine stabilité, sans que cela nous pénalise si l’on n’a pas concrètement des tâches à proposer toute l’année", poursuit la vigneronne.
Pour le salarié, la formule offre une grande sécurité : il dispose bien souvent d’un contrat à durée indéterminée tout en étant lié à un groupe d’entreprises moins fragile que chacune de ses composantes prise isolément. C’est aussi une garantie de rémunération : un volume de travail lui est assuré entre plusieurs entreprises (en moyenne deux ou trois). Il lui suffit de remplir une feuille récapitulant ses heures de travail chaque fin de mois.

Trouver des complémentarités entre entreprises

La difficulté du système est de trouver des complémentarités entre entreprises aux saisonnalités parfois identiques ou proches. Dans le cas de Renée Housseau, elle ne travaille qu’une semaine sur deux au Château de la Greffière. Elle consacre l’autre semaine à une activité dans un autre domaine viticole de la région.
Cette solution a été mise sur pied pour une période déterminée de l’année : de début novembre jusqu’à la fin juin. Les mois pendant lesquels le Château de la Greffière a besoin d’un surcroît de main-d’œuvre pour les travaux viticoles. Renée est essentiellement active à la vigne. En hiver, elle taille et tire les bois. Puis au printemps, elle émonde, coupe les courants, pratique le relevage… Mais rien n’interdit contractuellement l’employée d’assurer des tâches à la cave, si la météo est défavorable aux travaux de plein air. Entre juillet et début novembre, Renée Housseau peut se consacrer à d’autres travaux saisonniers comme la cueillette des pommes.
"Certains employés ne sont pas intéressés par un CDI au même endroit. Ils aiment le changement, préfèrent travailler dans une entité différente, avoir des tâches variées", constate Isabelle Greuzard.
Selon les résultats d’une étude de la MSA parue en mai 2014, tout indique que les engagements pris ne posent, en pratique, aucune difficulté particulière. "Dans les groupements d’employeurs, la dimension de l’emploi permanent, mesurée par les contrats à durée indéterminée (CDI), est proche de celle observée dans les établissements du secteur de la production agricole. Le turn-over des emplois en CDI est lui aussi dans la moyenne du secteur", note l’étude. L’objectif de concilier flexibilité pour les entreprises et moindre précarité pour les salariés est donc atteint.

Pour la famille Greuzard, la formule est idéale pour accompagner l’essor de l’exploitation. Vincent et Isabelle en ont pris la tête en 1981 et Xavier, leur fils, a rejoint le domaine il y a trois ans. La superficie exploitée a sensiblement grandi ces dernières années. Le domaine compte six salariés permanents et propose notamment des activités œnotouristiques avec son musée de la vigne et du vin. L’objectif du château est à terme de mettre en bouteille la totalité de la production pour mieux la valoriser. En 2006 déjà, une salariée est venue rejoindre l’équipe sous l’égide du groupement d’employeur. Depuis, cette dernière a été engagée directement en CDI…
Avec une quarantaine d’hectares et une production annuelle de 200 000 bouteilles, le château de la Greffière figure parmi les domaines familiaux les plus important du Mâconnais. Un constat qui confirme une autre conclusion de l’étude de la MSA : les groupements d’employeurs sont des établissements employeurs de main-d’œuvre d’une taille supérieure à la moyenne de la production agricole.

"Attention, il faut être vigilant, prévient Isabelle Greuzard, c’est une formule différente du recours à l’intérim. Si les entreprises ne respectent pas leurs engagements pris, c’est la vie même du groupement qui est en jeu. Nous nous engageons sur un nombre d’heures de travail et il faut le respecter." Se grouper, c’est donc aussi s’engager.

Les modalités pratiques des groupements d’employeurs

Les groupements d’employeurs représentent 7 % de l’emploi de la production agricole (source MSA, 2014). Ils sont au nombre de 3 800 et emploient 62 400 salariés. En équivalent temps plein, cela correspond à 20 300 emplois. Les niveaux de salaires constatés sont dans la moyenne de la production agricole soit 1,24 fois le Smic.
Entre 2003 et 2012, le nombre de groupements d’employeurs a augmenté au rythme moyen de + 1,3 % par an. L’augmentation a porté principalement sur la période 2003-2008. À partir de 2009, le nombre de groupements d’employeurs s’est stabilisé.

Le dispositif

Un groupement d’employeurs est une association loi 1901. D’un point de vue juridique, c’est lui qui embauche les salariés pour les mettre à disposition des différents employeurs parties prenantes. Le groupement est l’employeur unique du ou des salariés, il paie les charges et les salaires. Le GE facture la rémunération des salariés aux différentes entreprises en fonction de la durée de travail qui a été préalablement fixée lors de la mise en commun des besoins de main-d’œuvre de chaque exploitation.
Les salariés sont couverts par la convention collective du groupement, qui aura été choisie par les entreprises avec l’accord de la Direction du travail.
Pour certaines exploitations, la participation dans un groupement d’employeurs peut-être un premier pas, ou une marche supplémentaire, vers un fonctionnement en réseau avec d’autres entreprises du même secteur d’activité.
Attention cependant, mieux vaut être un minimum assuré de la loyauté des autres membres du GE. Les entreprises adhérentes sont solidairement responsables des dettes du groupement à l’égard des salariés et des organismes créanciers des cotisations obligatoires.

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