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Analyse
Être à l’écoute de sa vigne avec la fluorimétrie

La méthode de la fluorimétrie, appliquée à la viticulture, permet de s’assurer du bon fonctionnement de la photosynthèse des vignes. Les mesures sont simples et rapides.

L'analyse par fluorimétrie donne en une vingtaine de minutes un résultat sur l'état de l'activité photosynthétique et estime les carences de différents éléments. © X. Delbecque
L'analyse par fluorimétrie donne en une vingtaine de minutes un résultat sur l'état de l'activité photosynthétique et estime les carences de différents éléments.
© X. Delbecque

Début juin, la cave coopérative des Terres Dorées, dans le Beaujolais, a organisé une journée de sensibilisation pour ses adhérents consacrée à la fluorimétrie. « C’est une mesure qui commence à se répandre dans le Sud-Est, mais qui est encore peu connue pour beaucoup de viticulteurs », admet Laetitia Lanvin de la société Timac Agro, venue faire la prestation. Et pourtant, cette méthode permet de détecter les stress et carences de la vigne pendant la phase végétative de façon très rapide. L’appareil de mesure utilisé par les prestataires a été développé par le laboratoire alsacien Sadef, spécialiste de l’analyse agroenvironnementale. Il permet, en analysant l’énergie lumineuse émise par la vigne, de donner un état du fonctionnement de la photosynthèse. « En pratique, les viticulteurs viennent avec leurs feuilles de vigne, que nous exposons à l’obscurité pendant une vingtaine de minutes à l’aide d’une pince spéciale, explique Laetitia Lanvin. Après ce laps de temps nous plaçons la feuille dans l’appareil, qui envoie un flash lumineux et réalise 1 300 mesures de fluorescence dans la seconde qui suit. Instantanément nous obtenons un indice de photoactivité, exprimé en pourcentage. »

L’indice d’activité doit être compris entre 95 et 100 %

La mesure est ainsi répétée sur 20 feuilles pour obtenir une valeur moyenne reflétant l’échantillon. Elle doit par ailleurs être faite sur des feuilles bien développées, car les jeunes n’ont pas encore un fonctionnement optimal. Certains viticulteurs échantillonnent toute une parcelle pour avoir une image de celle-ci, d’autres choisissent de sélectionner une zone qui montre des signes de mauvais fonctionnement. Un indice compris entre 95 et 100 % traduit une activité normale. Le viticulteur doit s'inquiéter s’il est en dessous de 90 %.

Pendant dix ans, le laboratoire Sadef a cherché à isoler des paramètres discriminants pour différents types de stress, et a constitué des sortes d’abaques reflétant la situation de plusieurs éléments comme le fer, l’azote, le manganèse, le bore, le magnésium et le calcium. Il a développé un outil d’aide à la décision pour piloter ces teneurs. « Ainsi la fluorimétrie permet de diagnostiquer les carences qui peuvent arriver, assure Laetitia Lanvin. Nous pouvons détecter un stress minéral dix à vingt jours avant l’apparition des symptômes. » À elle d’interpréter ensuite s’il s’agit de carence vraie, induite ou physiologique, et si cela peut avoir des répercussions sur la qualité du raisin.

Il est possible de réagir avec des biostimulants

En cela, cette technique peut être une alternative à l’analyse de pétiole car elle est plus rapide et moins coûteuse. Mais elle est aussi moins précise, ce pourquoi certains viticulteurs utilisent la fluorimétrie comme mesure préalable, et déclenchent une analyse de pétiole seulement si ce premier contrôle révèle un stress photosynthétique. « Si le viticulteur est intéressé, nous pouvons proposer une solution de fertilisation adaptée après un test de fluorimétrie, précise l’experte Timac. Ce peut être un biostimulant ou un engrais foliaire s’il n’est pas trop tard, ou bien un engrais minéral, organique ou un amendement pour l’année d’après. » La mesure peut être réalisée tout au long de la période végétative. Pour Laetitia Lanvin, le stade juste avant floraison est un bon moment, car c’est une période critique où la vigne est sensible. « On peut l’utiliser aussi pour de la levée de doute, illustre-t-elle. Par exemple sur un rougissement, afin de voir s’il est dû à une carence potassique. » L’avant véraison est aussi une période intéressante pour la mesure, car elle permet de voir l’état de la vigne pour le remplissage des baies.

Une plante en meilleure santé pour monter en gamme

C’est justement lors de ces deux stades, préfloraison et véraison, que sont proposées cette année les deux journées de sensibilisation à la cave des Terres Dorées. « C’est important pour nous, car nous cherchons à monter en gamme, estime Sylvain Flache, président de la coopérative. Ces quinze dernières années nous sommes passés de 5 % à 45 % des ventes en bouteilles, et nous voulons poursuivre la valorisation. La fluorimétrie et le travail sur le végétal s’inscrivent dans cette démarche. »

La fluorimétrie, comment ça marche ?

Quand la plante reçoit de la lumière, elle utilise l’énergie du soleil, sous forme de photons, pour déclencher une cascade de réactions qui aboutit à la production de matière organique, qui est une forme d’énergie chimique. « Lorsque les pigments, et en particulier les chlorophylles, reçoivent des photons, ils passent d’un état fondamental à un état excité pour revenir ensuite vers l’état fondamental via différentes voies interdépendantes : l’émission de chaleur, de lumière (fluorescence) et la photosynthèse, explique Murielle Eyletters, docteur en physiologie végétale et spécialiste de la fluorimétrie. Ainsi, si l’activité photosynthétique est perturbée par un environnement défavorable, la dissipation d’énergie (chaleur et fluorescence) devra compenser cette baisse. » En résumé, plus la plante réémet de la lumière, moins la photosynthèse marche. Le fluorimètre mesure précisément cette émission lumineuse et rend compte de l’efficacité de l’activité photosynthétique. Cette méthode est d’autant plus pertinente que le processus de photosynthèse est un métabolisme très sensible, obligé de s’adapter en permanence pour maintenir un fonctionnement optimal. Elle a également l’avantage d’être non intrusive, on peut donc la pratiquer in vivo, d’être rapide, et de donner un paramètre global fiable de l’état général de santé de la plante.

Avis d’expert : Éric Serrano, ingénieur viticole à l’IFV Sud-Ouest

Un bon moyen de connaître l’état azoté

"Nous avons réalisé plusieurs expérimentations sur le principe de la fluorimétrie à l’IFV et nous considérons la méthode comme validée, notamment pour donner le statut azoté de la plante. De notre côté nous avions travaillé avec le capteur Dualex de l’entreprise Force A. Ce type d’analyse de la fluorescence de la feuille de vigne permet d’avoir un indicateur direct. Cela donne un indice sur l’état de stress ou non de la vigne. Nous n’avons pas étudié en revanche cette technique sur la caractérisation des éléments autres que l’azote.

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