En Charente : « Je m'équipe pour réduire les temps morts à la vigne et les charges de main-d’œuvre »
Viticulteur et entrepreneur en Charente, Damien Gilbert s’est mécanisé et organisé pour réduire les temps improductifs et limiter les besoins de main-d’œuvre.
« Je n’ai pas de main-d’œuvre permanente », annonce Damien Gilbert, vigneron et entrepreneur de travaux agricoles et viticoles à Bréville, en Charente. Il exploite 70 hectares de vigne avec son père, qui partira prochainement à la retraite. Outre les travaux de l’exploitation familiale, Damien Gilbert réalise de la prestation de services : 600 hectares de moisson et 130 hectares de vendange, en plus des 70 hectares de l’exploitation familiale.
Il est également distributeur de matériels neufs, comme les outils de travail du sol du constructeur polonais Agroland, les prétailleuses Lotti ou les tonnes à lisier et à eau Agrimat. Ces multiples activités ne laissent pas la place aux temps morts. Le vigneron a pris le parti de mécaniser à fond son exploitation et de gérer son organisation avec comme objectif de réduire la charge de main-d’œuvre. « Quand on fait le bilan des charges sur une exploitation viticole, la main-d’œuvre constitue de loin la première charge », constate le vigneron.
Pas de temps improductif à la taille
Damien Gilbert s’organise donc pour optimiser l’occupation de la main-d’œuvre saisonnière, quitte à se surmécaniser. Le vigneron prend l’exemple de la taille, l’activité la plus gourmande en main-d’œuvre, réalisée par un prestataire bulgare : « Je mets à disposition trois sécateurs pour deux tailleurs. Si l’un d’entre eux tombe en panne, il change de sécateur. Il n’y a pas de temps improductif dans des trajets à se déplacer pour se dépanner. » Pour l’entretien, il a aménagé un local bien rangé, avec une meule électrique, un compresseur, un bon outillage et un bon éclairage. « Si on veut que les outils soient bien entretenus, il faut s’en donner les moyens. » Damien Gilbert prétaille la partie supérieure des vignes pour gagner en productivité lors de la taille.
Plusieurs matériels en double
Pratiquant l’enherbement naturel un interrang sur deux, Damien Gilbert dispose du même broyeur en deux exemplaires. « J’ai acheté un premier broyeur que j’ai amorti en cinq ans, explique-t-il. Une fois amorti, j’en ai acheté un second, le même, en neuf. Si l’un d’entre eux tombe en panne, je dételle et ratelle le second. Je ne perds pas une demi-journée à l’atelier, alors que les conditions météo sont bonnes. » Le choix s’avère pertinent pour le vigneron qui pratique un broyage de son interrang presque à blanc.
Damien Gilbert pratique la même stratégie pour le rotavator. « Le second n’a travaillé que 10 hectares en trois ans, observe-t-il. Quand le premier sera complètement usé, j’en rachèterai un neuf pour toujours en avoir deux. » Pour ce qui est de la pulvérisation, la cellule sur porteur multifonction, « plus fragile qu’un appareil traîné », est secondée au besoin d’un pulvérisateur traîné à voûte droite.
Le puçage GPS des tracteurs à l’étude pour les vendanges
Le vigneron dispose également de deux pressoirs mobiles. « J’en mets un par client, détaille le vigneron. Quand je vendange chez un client, celui d’après réceptionne le second pressoir, ce qui fait que quand j’arrive chez lui, tout est prêt pour attaquer la récolte. Cela évite les immobilisations inutiles de la machine à vendanger qui doit tourner douze heures par jour. Rarement plus, car il faut garder le temps nécessaire au nettoyage de la machine, c’est capital. » Entre la machine à vendanger et le pressoir, trois ensembles tracteurs bennes de 120 hectolitres conduits par des saisonniers se relaient. Il peut arriver que la machine à vendanger doive attendre, mais cela ne dépasse jamais la demi-heure.
Damien Gilbert est aussi équipé de six tracteurs, ce qui évite d’atteler et dételer, chaque outil restant à demeure sur son tracteur. « En quelques minutes, on passe d’une tâche à une autre. Pas de temps mort », se réjouit-il.
Ce suréquipement représente un coût, mais est largement compensé par les économies de main-d’œuvre. Il évite d’être immobilisé quand les fenêtres météorologiques sont réduites, ce qui peut être préjudiciable pour la production. « Si certains matériels sont sous-exploités en début de carrière, ils resteront aussi plus longtemps sur l’exploitation, analyse Damien Gilbert. Ramené à l’heure travaillée, cela ne me coûte pas plus cher. »
Prudent sur la combinaison d’outils, réfractaire au robot
Damien Gilbert a exploré d’autres pistes pour réduire les temps de main-d’œuvre. La combinaison d’outils en est une. « J’ai pensé à investir dans une rogneuse double frontale pour libérer l’attelage arrière pour un broyeur, explique-t-il. Mais on est limité par la vitesse de l’outil le plus lent. Cela fait un ensemble plus encombrant, moins maniable. Je ne suis pas sûr que l’on gagne beaucoup de temps en fin de compte. » L’hypothèse du robot dans les vignes a vite été écartée. « Je n’ai pas envie d’être sans cesse arrêté dans mes travaux pour débuguer ou décoincer un robot. C’est contraire à mon organisation construite justement autour de l’absence d’interruption », justifie-t-il.
Toujours remettre en question ses pratiques
Même si elle est aujourd’hui bien rodée, l’organisation de l’exploitation est toujours remise en cause par Damien Gilbert, qui estime « qu’il y a toujours des astuces à trouver pour encore améliorer l’organisation ». En 2024, le vigneron s’est essayé au rognage avant relevage. « Quand on vient à relever les vignes, on a des pousses de toutes les longueurs, ce qui complexifie le relevage, constate Damien Gilbert. Dans trois parcelles, j’ai passé la rogneuse en écartant les lamiers au maximum. À la base, je l’ai fait pour faciliter le passage du pulvérisateur. Au bout de quelques jours, j’ai constaté que la repousse était homogène : les brins étaient tous à la même longueur, ce qui a simplifié la reprise pour le relevage. » Fort de cette expérience, le vigneron a généralisé en 2025 cette pratique sur tout son vignoble. Mais le résultat n’a pas été à la hauteur. « Contrairement à 2024, il n’y a pas eu de repousse, à cause de la sécheresse. Et on s’est embêté tout le reste de la saison. Pour faire ce genre de pratique, il faut être sûr que les conditions sont bonnes pour que la pousse redémarre », conclut-il.