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Panneaux récupérateurs: des pulvérisateurs plus économes en bouillie mais moins maniables

Les spécialistes sont unanimes : les panneaux récupérateurs limitent bel et bien la dérive, tant dans l’air que sur le sol. Mais ces appareils ont également des inconvénients à prendre en compte avant de s’équiper.

En cas de rosée perlante, les experts recommandent de ne pas traiter avec des panneaux. La présence d’eau sur la vigne entraîne en effet une dilution de la bouillie. Il faut au maximum une micro-rosée ou une humidité superficielle.
© Maksim Shebeko - Fotolia

Tous les experts l’affirment : le recours à des pulvérisateurs équipés de panneaux récupérateurs permet de diminuer les pertes de bouillie tant dans l’air que sur le sol, avec une qualité de pulvérisation équivalente à celle d’un face par face bien réglé. En moyenne, même si cela varie selon le type d’appareil et le stade végétatif, la récupération de bouillie est de l’ordre de 40 % sur l’ensemble de la campagne. Une économie qui permet presque, à elle seule, d’atteindre les objectifs d’Ecophyto 2. Et surtout, de limiter les conflits avec les riverains dans les zones périurbaines ou à proximité d’établissements sensibles.

Par ailleurs, les panneaux récupérateurs, à l’exception des pneumatiques, font partie de la liste de matériels éligibles à une demande d’homologation au titre de la réduction de la dérive, permettant de réduire les zones non traitées (ZNT). Ainsi, dans un délai assez court, l’utilisation de ces matériels pourra permettre une réduction de la largeur des ZNT inscrites sur les étiquettes des produits (à condition de respecter les deux autres points : enregistrement des pratiques et présence de haie). Un avantage non négligeable lorsque le vignoble jouxte des points d’eau (ruisseaux, fossés…).

Le débit de chantier, partiellement compensé par la hausse de vitesse

En revanche, ces appareils ont de nombreux inconvénients, qui limitent leur diffusion sur le territoire national. « Le plus important, particulièrement en vignes étroites, est la diminution du débit de chantier, qui rallonge les temps de traitement et le coût qui leur est associé », pointe ainsi Alexandre Davy, de l’IFV Bordeaux-Aquitaine. Des propos confirmés par Gérard Besnier, de la chambre d’agriculture de Loire-Atlantique : « Ce qui freine les vignerons, c’est l’organisation des chantiers. S’ils ont l’habitude de traiter cinq ou six rangs simultanément, ils ne veulent pas changer pour moins bien. Il faut qu’en deux jours, toute l’exploitation (en moyenne 70 hectares dans la région) soit couverte. » Or la plupart des panneaux du marché ne permettent de traiter que deux, voire trois rangs complets à la fois. L’équipe R & D d’Hennessy s’est penchée sur le sujet et a essayé d’évaluer l’impact sur le débit de chantier. Il en ressort que l’emploi de panneaux récupérateurs nécessiterait 25 % de temps de travail en plus et serait plus technique. Néanmoins, elle estime que le retour sur investissement est bon, grâce aux économies de bouillie. Et ce d’autant plus que, selon Adrien Vergès, de l’IFV Montpellier, ce temps de chantier peut être limité par une augmentation de la vitesse de passage : « sous réserve de bien utiliser le matériel, un panneau récupérateur même à 8 voire 9 km/h est beaucoup plus efficace qu’une voûte pneumatique passée tous les quatre rangs. L’effet machine est supérieur à la perte de qualité de traitement entraînée par la vitesse. Dans les contextes où le sol permet ces vitesses, il est donc possible d’un peu gommer le problème de la lenteur de chantier ».

Une maniabilité encore à améliorer

Autre inconvénient régulièrement pointé par les viticulteurs, ces pulvérisateurs pèchent par leur manque de maniabilité. Leur utilisation est compliquée en situations de contre-pentes, de dévers et dans des tournières étroites. Avec des risques d’accrochage et donc de casse. Ce que confirment des tests effectués par la chambre d’agriculture de Charente-Maritime et l’EPLEFPA de Saintonge entre 2009 et 2012. De même, certains appareils sollicitent beaucoup de puissance, notamment ceux équipés d’un rideau d’air en guise de déflecteur. Or qui dit puissance dit consommation de fioul. « Le but n’est pas de remplacer la consommation de bouillie par celle de fioul », pointe ainsi Gérard Besnier. Mais pour Alexandre Davy, dans la globalité, les pulvérisateurs à panneaux ne consomment pas plus que les classiques.

Un autre critère d’inquiétude concerne l’évolution de la concentration de la bouillie au fil du traitement. « Nous avions des préoccupations concernant la concentration éventuelle de la bouillie dans le réservoir au fil de la récupération, pointe ainsi Mathilde Boisseau, en charge des exploitations agricoles et membre de l’équipe R & D Hennessy. Mais cette concentration est acceptable et insuffisante pour brûler les organes. De plus, nous n’avons constaté aucun décrochage de la protection. » De fait, si elle ne semble guère pouvoir se concentrer du fait de la forte proximité des panneaux, la bouillie peut au contraire se diluer. Gérard Besnier en a fait l’expérience avec son pulvérisateur trois rangs : « Nous sommes passés avec une rosée perlante et une végétation un peu développée, se souvient-il. Cela a fait déborder les cuves du pulvérisateur ». Il préconise donc de ne pas traiter dans ce cas de figure. Il faut au maximum une micro-rosée ou une humidité superficielle.

Par ailleurs, du fait du recyclage de la bouillie, la gestion des fonds de cuve est plus compliquée. Il est très difficile d’évaluer de manière précise le volume de bouillie nécessaire. De ce fait, il reste généralement plus de fonds de cuve qu’avec un pulvérisateur classique. De même, les panneaux récupérateurs contiennent souvent un reste de bouillie dans le bac. Et le nettoyage de ce type d’appareil, en plus d’être plus long et fastidieux que sur un pulvérisateur classique, nécessite plus d’eau. Tout cela génère davantage d’effluents à traiter. Autant de critères à prendre en compte avant de franchir le pas.

demain

Des solutions pour vignes étroites

La chambre d’agriculture de Loire-Atlantique planche depuis un an et demi sur pulvérisateur sous tunnel, couvrant cinq rangs en vigne étroite. Cet appareil à jet porté est entièrement installé sur l’enjambeur. Il est muni de deux buses à injection d’air grand angle par panneau. Ces derniers sont constitués d’une structure métallique recouverte de bâche tissée étanche. Repliés, ils mesurent 3,20 mètres. L’enjambeur embarque trois cuves pour une capacité totale de 1 000 litres. Des déflecteurs en inox permettent d’orienter le flux. La récupération du produit est permise par deux pompes péristaltiques, et la régulation est assurée par DPAE, débitmètre et capteur de pression. La version trois rangs de cet appareil est déjà en circulation depuis deux campagnes.

En Champagne, un petit constructeur local, Philippe Gauthier, a mis au point un pulvérisateur pneumatique deux rangs, pour vignes à partir de 1,50 m de large, mais qui s’installe derrière un interligne. Les panneaux sont là aussi constitués de bâches PVC. Une version enjambeur six rangs est en réflexion.

Des prototypes traitant des vignes étroites seront également visibles dans le Bordelais dès la prochaine campagne.

Du bon choix de la buse

Sur les appareils à jet porté, le choix de la buse est déterminant. Dans le Sud-Est, Adrien Vergès préconise d’opter pour la buse à injection d’air. « Il n’y a pas de consensus sur le sujet, mais rien, dans la bibliographie, n’indique qu’on ne puisse pas l’utiliser. Elle crée de grosses gouttes peu sensibles à la dérive, ce qui leur permet d’atteindre le panneau d’en face. Peut-être même que le fait qu’elles soient plus grosses permet aux produits systémiques de mieux pénétrer dans la plante. » Un avis partagé par Gérard Besnier, qui estime que les gouttes fines ont du mal à voler jusqu’au panneau d’en face.

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