Aller au contenu principal

Dans les Pyrénées-Orientales, les caves coopératives de vinification sanctuarisent du foncier pour consolider les volumes vinifiés

Pour tenter de freiner l’érosion des surfaces qui amputent les volumes entrant dans leurs chais, trois coopératives des Pyrénées-Orientales ont fait le choix de se munir d’un bras financièrement armé. Pour acquérir des parcelles d’intérêt à exploiter en propre ou pour les porter jusqu’à un jeune vigneron.

<em class="placeholder">les environs de Rasiguères, au creux du Fenouillèdes</em>
Dans les environs de Rasiguères, au creux du Fenouillèdes, la situation n’est guère enviable, avec de nombreux arrachages et des friches galopantes.
© Y. Kerveno

Le cru Banyuls, ses terrasses, ses grands crus, ses friches qui galopent plus vite que les vendanges et la surface du vignoble qui s’étiole. Les environs de Rasiguères, au creux du Fenouillèdes, où la situation n’est guère plus enviable. Les alentours de Baixas, siège de la cave coopérative la plus importante d’un département qui a arraché 2 600 hectares au dernier round subventionné. Tous ces terroirs font face au même mur : le manque de rentabilité, le départ, parfois précipité, d’une génération entière de vignerons sans reprise.

Alors pour tenter de maintenir les volumes et la rentabilité de leurs outils, trois caves ont décidé de prendre le taureau par les cornes et de sauver ce qui pouvait l’être. La première à entrer dans le bal fut la petite, en taille mais pas en réputation, cave de l’Étoile à Banyuls au début de la décennie, en créant un groupement foncier agricole (GFA) dont le capital est ouvert à Monsieur tout le monde. Avec un succès qui surprit Jean-Pierre Centène, président de la cave. Depuis l’ouverture des souscriptions, ce sont plus 700 000 euros qui ont été collectés (chaque part vaut 3 000 euros), apportés par plus de 120 sociétaires, clients, amateurs, locaux ou étrangers regroupés au sein des Amis de l’Étoile, nom donné au GFA.

 

 
<em class="placeholder">Jean-Pierre Centène, président de la cave de l&#039;Etoile</em>
Jean-Pierre Centène, président de la cave de l'Etoile a été surpris par le succès du GFA, qui a collecté plus de 700 000 euros depuis son ouverture. © Y. Kerveno

Une somme importante et partiellement réinvestie dans le vignoble. Les rachats ont porté jusqu’à maintenant sur une trentaine d’hectares promis aux friches, faute de repreneurs. « Une trentaine d’hectares, c’est extrêmement significatif compte tenu de la modestie habituelle des surfaces détenues par les vignerons, souvent quelques ares », souligne le président de la cave Banyulenc. C’est la taille d’un gros domaine d’une appellation qui ne compte plus déjà que 1 300 hectares.

La SCIC pour aller au-delà du portage foncier

À Rasiguères et Baixas, c’est une autre forme, la société coopérative d’intérêt collectif (SCIC) qui a été retenue pour constituer ce bras armé. « Nous voulons aller au-delà d’un simple portage de foncier », explique François Capdelayre, président de Dom Brial, la cave de Baixas, qui ouvrira dans quelques semaines le sociétariat de la SCIC Terres d’Hélios. Avec pour objectif de lever 1,5 à 2 millions d’euros en vue d’acquérir une centaine d’hectares en cinq ans. « La SCIC est une structure beaucoup plus ouverte, on peut y faire entrer du sociétariat participatif mais aussi des collectivités locales et territoriales, précise-t-il, et cela nous semblait plus en phase avec le projet coopératif de la cave. »

Non loin de là, à Rasiguères, la SCIC Domaine de la vallée secrète a été pensée par le Cellier de Trémoine, pour amortir un creux démographique entre la génération en train de sortir et celle qui arrivera. Histoire de maintenir les vignes en état avant leur reprise. Avec une part sociale fixée à 1000 euros, l’annonce a suscité l’engouement à son lancement : la collecte a rapidement atteint 45 000 euros. En cet automne 2025, la SCIC qui rassemble des vignerons de la cave, des salariés, des particuliers des entreprises, des banques, de collectivités locales (communautés de communes et communes) « compte 200 souscripteurs et a pu racheter 32 hectares sur la soixantaine envisagée » dans le projet initial à cinq ans précise Gilles Pasquette, vigneron et président de la SCIC.

Les vignes sont confiées durant cinq ans à un vigneron

Une fois acquises, les vignes sont entretenues pour être confiées à un vigneron qui souhaiterait s’installer ou à un vigneron qui veut s’agrandir mais n’en a pas la possibilité financière au moment où il souhaite le faire. En attendant, elles sont confiées pour cinq ans à un vigneron qui en a la charge, avec, au terme de ce délai, la possibilité pour lui de les racheter ou de les conserver encore en fermage. À Banyuls, où l’Étoile a choisi d’exploiter directement les vignes avec les salariés polyvalents de la cave ou en déléguant à un prestataire, ce sont les parcelles mécanisables qui sont recherchées pour produire des Rimages, des banyuls jeunes qui ont la faveur du marché.

À Baixas, comme à Rasiguères, ce projet vise surtout à sanctuariser des vignes et des terres pour pouvoir installer des jeunes et assurer le renouvellement. Dans toutes ces démarches, et compte tenu de l’offre, il est possible de faire la fine bouche et de ne retenir que les parcelles à grand potentiel. Soit parce que les vignes y sont exceptionnelles, soit parce que les parcelles sont mécanisables ou correctement exposées pour résister au changement climatique. C’est d’ailleurs le point commun majeur entre les trois démarches. « Nous privilégierons les parcelles qui sont mécanisables, cela représentera 80 % des surfaces, nous ne conserverons les parcelles à travailler à la main que si elles sont hautement qualitatives », expliquait David Bleuze, alors directeur du Cellier de Trémoine au lancement du Domaine de la vallée secrète. Même son de cloche à Baixas ou encore à Banyuls.

Rémunération symbolique

Pour autant tout n’est pas rose et les difficultés ne sont pas uniquement liées au contexte du marché du vin. À Rasiguères, le futur est incertain alors que la cave, majoritairement productrice de rouge, connaît d’importantes difficultés. « Le futur ? Tout va dépendre maintenant du marché des rouges », se résigne Gilles Pasquette. À Banyuls, le GFA dort sur un petit matelas constitué au fil des années. Non pas parce qu’il n’y a pas de vignes à racheter, mais plutôt à cause du manque de main-d’œuvre pour les travailler… De quoi nourrir quelque amertume légitime.

Ce qui ne manque pas de surprendre en tout cas, c’est l’engouement suscité par les deux premières démarches, on verra ce qu’il en est de Terres d’Hélios à l’ouverture du sociétariat, puisque la rémunération du capital investi est maigre, pour ne pas dire symbolique. Pour le Domaine de la vallée secrète, c’est une défiscalisation à hauteur de 25 % et un carton de six bouteilles par an et par part. À Banyuls, le GFA les amis de l’Étoile rémunère chaque année ses sociétaires en vin à concurrence, en valeur, de 4 % du capital apporté. « C’est bien le signe que les gens sont attachés à ce patrimoine parce que ce n’est probablement pas la rémunération qui constitue leur motivation principale mais plutôt leur attachement à notre terroir et ses paysages », fait remarquer Jean-Pierre Centène. Pour la cave de l’Étoile, en tout cas, l’apport est majeur, les vignes rachetées depuis le début de l’aventure représentent environ 30 % des volumes vinifiés.

Les rachats ont porté jusqu’à maintenant sur une trentaine d’hectares promis aux friches, faute de repreneurs

voir plus loin

• Les groupements fonciers agricoles (GFA) sont des sociétés civiles qui détiennent des immeubles agricoles, terres et autres bâtiments. Ils ont été créés pour aider les exploitants agricoles à préparer leur départ à la retraite et anticiper la transmission de leurs exploitations en évitant le démembrement. Le GFA se présente sous trois formes, GFA exploitant, qui exploite le foncier en partie ou totalement, le GFA bailleur, qui loue le foncier par bail rural ou le GFA familial.

• Les sociétés coopératives d’intérêts collectifs (SCIC) associent des personnes physiques ou morales autour d’un projet commun alliant efficacité économique, développement local et utilité sociale et peuvent se décliner sous forme de société anonyme (SA), société par actions simplifiées (SAS) ou société à responsabilité limitée (SARL).

Les plus lus

<em class="placeholder">Tracteur New Holland T4.120.F AutoCommand et benne à vendange et machine à vendanger</em>
New Holland - La transmission à variation continue arrive sur les tracteurs spécialisés T4F

New Holland intègre désormais la transmission à variation continue sur ses tracteurs spécialisés.

[Vidéo] Rentabilité : « Mon meilleur investissement sur mon exploitation viticole est un pulvérisateur à panneaux récupérateurs »

Christophe Sabourdy, vigneron en Gironde, s'est équipé d'un pulvérisateur à panneaux récupérateurs pour ses 30 hectares. Il…

VIDEO. New Holland - R4, le robot des vignes et vergers

New Holland dévoile non pas un mais deux robots à destination des vignes et des vergers.

<em class="placeholder">Cédric Guy, viticulteur sur 5,30 ha et ETA à Sainte-Gemme, dans la Marne</em>
Dans la Marne : « L’ETA m’a permis d’amortir rapidement mon matériel viticole »

Cédric Guy, viticulteur sur 5,30 hectares et ETA à Sainte-Gemme, dans la Marne, s’est lancé dans la prestation pour…

<em class="placeholder">Tracteur Claas Nexos série 2 CMatic </em>
Claas – La transmission à variation continue sur le Nexos série 2
Claas enrichit son catalogue de tracteurs spécialisés qui peuvent désormais être équipés d’une transmission à variation continue…
<em class="placeholder">Tracteur spécialisé Massey Ferguson MF 3 dans un verger</em>
Massey Ferguson - La transmission à variation continue sur les tracteurs spécialisés

Massey Ferguson propose désormais sa transmission Dyna-VT sur les deux modèles les plus puissants des gammes de tracteurs…

Publicité
Titre
Je m'abonne
Body
A partir de 96€/an
Liste à puce
Accédez à tous les articles du site Vigne
Consultez les revues Réussir Vigne au format numérique sur tous les supports
Ne manquez aucune information grâce aux newsletters des filières viticole et vinicole