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Coulure de la vigne : une nouvelle piste de lutte

Des travaux menés à Toulouse sur malbec montrent l’intérêt d’une pulvérisation d’éthéphon, le précurseur de l’éthylène, à la mi-floraison, afin de limiter la coulure de la vigne.

Accident physiologique de la vigne dans le vignoble bordelais. Coulure. Défaut de fécondation entraînant l'avortement du fruit. Grains de raisin au stade nouaison
La coulure est un phénomène corrélé à la température, ce qui a amené des chercheurs toulousains à creuser la piste de l'éthylène.
© P. Cronenberger

Si certains cépages sont connus pour leur sensibilité à la coulure, tous peuvent ponctuellement être touchés par ce phénomène. Pour s’en prémunir, notamment en année froide et pluvieuse, une nouvelle solution pourrait bientôt faire son chemin : la pulvérisation d’éthéphon.

Des travaux de Christian Chervin, de l’École d’agronomie de Toulouse, et Olivier Geffroy de l’École d’ingénieur de Purpan, ont en effet mis en lumière l’intérêt de cette pratique. « Nous avons réalisé tant des essais en laboratoire que des essais au champ, introduit Christian Chervin, afin de regarder l’intérêt de l’éthylène pour lutter contre la coulure de la vigne. »

Ce gaz, qui est aussi une hormone végétale, est en effet connu depuis longtemps pour son rôle clé dans le développement des plantes. Il agit comme un stimulateur de la respiration des tissus des végétaux, et à ce titre, il induit une production de chaleur. « Or la fertilisation et la croissance du tube pollinique dépendent de la température », rappelle le chercheur.

Une hausse de 20 % du taux de nouaison

Pour vérifier cette intuition, les deux chercheurs ont disposé des boutures fructifères de malbec en chambre de culture. Dès qu’elles se sont trouvées au stade chute de 50 % des capuchons floraux, Christian Chervin et Olivier Geffroy les ont disposées dans des bassines fermées, dans lesquelles ils ont ajouté de l’éthylène à différentes concentrations.

Après une heure d’incubation à 14,5 °C, les chercheurs ont observé, via une caméra imagerie infrarouge, des différences de températures sur les pistils, de l’ordre de +0,3 ou +0,4 °C. Un mois après, ils ont calculé les taux de nouaison. Il était de 10 % sur le témoin, et de l’ordre de 30 % sur les modalités avec éthylène. Des résultats significatifs qui ont donc poussé les deux chercheurs à passer au champ. « Mais s’il est facile de mesurer les températures à la caméra infrarouge dans un environnement calme et sans vent, il n’en va pas de même au champ », convient Christian Chervin.

Pulvériser un matin frais en pleine floraison

Avec son confrère, ils ont donc opté pour une application du précurseur de l’éthylène nommé éthéphon (ou acide 2-chloroéthylphosphonique), contenu dans le Sierra de Bayer, un produit généralement employé pour effectuer un éclaircissage floral. Ils ont pulvérisé ce produit à plusieurs moments et à différentes doses, bien inférieures à celles induisant l’éclaircissage.

« La plus faible dose, environ 200 mg/ha, est celle qui a donné les meilleurs résultats », observe Christian Chervin. Le taux de nouaison est ainsi passé de 35 % sur le témoin à 45 % sur la vigne traitée. « On pense donc qu’une hausse de quelques dixièmes de degrés Celsius sur le pistil à la floraison augmente significativement le poids des grappes », résume Christian Chervin.

 

 
Coulure de la vigne : une nouvelle piste de lutte
Pour ce qui est du moment d’application, le chercheur recommande un passage « un matin froid », en pleine floraison avec un volume par hectare de 100 litres. Il est pour sa part intervenu avec un atomiseur à dos, en effectuant un mouvement oscillatoire du bras. Il semble recommandé de cibler la zone des grappes. Seul bémol, aucun autre traitement n’étant réalisé à ce stade, il faut effectuer un passage spécifique pour appliquer ce produit. Néanmoins, le gain en rendement peut rentabiliser cette intervention sur certains cépages.

 

Parallèlement à cela, Christian Chervin et Olivier Geffroy ont également travaillé sur le cabernet sauvignon, cépage moins sensible à la coulure, avec « des résultats moins impressionnants », atteste Christian Chervin. Et de conclure : « les chambres d’agriculture et les instituts techniques s’empareront peut-être de ces résultats pour effectuer des tests sur d’autres cépages et dans d’autres régions ». Avis aux amateurs !

Un ensemble de pratiques viticoles pour limiter la coulure de la vigne

Plusieurs pratiques culturales permettent de limiter la coulure de la vigne.

  • Citons une bonne mise en réserve en année n-1 et la disponibilité d’éléments minéraux (azote essentiellement) dans le sol en année n. « La carence en substrat dans le bourgeon latent au moment de l’ébauche des pièces florales peut avoir une incidence de 60 % sur le rendement de l’année suivante », prévient notamment la chambre d’agriculture de l’Aude. Elle préconise un apport à base d’urée à partir de mi-avril. « Si les conditions ne sont pas réunies, il est possible de compenser au stade préfloraison par des pulvérisations foliaires qui stimulent la synthèse des polyamines et apportent de l’azote et du bore, poursuit-elle. Des apports azotés peuvent être réalisés à partir d’une bouillie à 2,5 % d’urée une semaine environ après le stade boutons floraux séparés. »
  • Par ailleurs, l’optimisation de la photosynthèse via un palissage adéquat est primordiale. Il s’agit de favoriser le routage des nutriments azotés et des sucres vers les inflorescences et non vers les feuilles. Pour ce faire, il est possible d’écimer lors de la floraison. À l’inverse, mieux vaut éviter de rogner à la nouaison, afin d’éviter le développement d’entre-cœurs.
  • Enfin, le stress hydrique a également un impact sur la sensibilité à la coulure. « Il faut le limiter à partir de mi-mai. Il y a production d’hormones de type éthylène et ABA (acide abscissique) antagonistes des polyamines (antistress hydrique) qui favorisent la germination du pollen et la division cellulaire. Si le stress est trop important, la coulure et millerandage seront prévisibles », poursuit la chambre d’agriculture de l’Aude. Dans ce cas de figure, elle recommande de pratiquer un travail du sol superficiel visant à limiter l’évapotranspiration, et de réfléchir au pilotage de l’irrigation pour les vignes concernées.

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