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Comment bien désherber ses plantiers de vigne

Avec la diminution de la chimie, la gestion de l’herbe dans les plantiers de vigne devient plus complexe. S’adapter au travail du sol intercep dès la plantation devient essentiel.

Un tuteur en fer de 5 mm, une fois attaché au fil porteur, suffit pour passer avec quasiment tout type d'outil intercep bien réglé.
Un tuteur en fer de 5 mm, une fois attaché au fil porteur, suffit pour passer avec quasiment tout type d'outil intercep bien réglé.
© X. Delbecque

Le désherbage des plantiers a toujours demandé une attention particulière. Notamment parce que les jeunes plants sont moins armés pour surmonter la concurrence hydrique et azotée exercée par l’herbe, qu’elle soit désirée ou non. Si la raréfaction des molécules autorisées rend le désherbage chimique de la vigne de plus en plus complexe, c’est encore plus vrai sur les jeunes plantations. « Pour les vignes de moins de 3 ans il ne reste plus que deux herbicides non-sélectifs, qui sont des prélevées, analyse Thierry Favier, secrétaire de la commission nationale Columa Vigne, sur l’entretien des sols, et expert technique du groupe CAPL. Il y a l’isoxaben (Cent 7) et la napropamide (Dévrinol). En foliaire il ne reste plus que trois antigraminées, comme le cycloxydim (Stratos). » En effet, le glyphosate, bien que toujours autorisé en vigne, ne l’est que sur les cultures installées, c’est-à-dire à partir de la troisième année de plantation. « Et les solutions de prélevée restantes ont tendance à perdre en efficacité, donc elles sont de moins en moins utilisées », ajoute Éric Noémie, à la chambre d’agriculture des Pyrénées-Orientales. Un constat partagé par Thierry Favier : « Les produits encore à disposition sont assez capricieux, en particulier le Dévrinol qui est sensible aux UV. Il faut attendre que le sol soit un peu tassé, puis il faut avoir des bonnes conditions au moment de l’application, à savoir un peu de pluie. C’est délicat. »

Le désherbage mécanique, même partiel, est devenu un passage obligatoire

Du côté des produits de biocontrôle, les herbicides à base d’acides gras, comme le Beloukha (acide pélargonique), sont autorisés sur les jeunes plantations. Mais ils restent onéreux, et nécessitent eux aussi des conditions d’application très particulières pour espérer atteindre l’effet escompté. C’est pourquoi de nombreux viticulteurs, même conventionnels, se mettent au désherbage mécanique intégral des plantiers. « La majorité continue à utiliser des solutions chimiques, mais souvent ils mixent avec un travail du sol », observe Éric Noémie. Courant 2019, il a réalisé un essai sous forme de démonstration dans les côtes du Roussillon avec plusieurs interceps classiques de chez Braun, Clemens, David, Ferrand et Egretier, pour voir s’ils s’adaptaient bien aux plantiers.

« Tous ont bien fonctionné, que ce soient les lames, les émotteurs ou autres, dit-il. Mais il faut dire que nous étions dans une situation de parcelle plutôt facile, sans pierrosité. » Pour Emmanuel Colin, animateur agroéquipement à la fédération régionale des Cuma d’Occitanie, le matériel n’est pas un facteur limitant pour gérer les plantiers en travaillant intégralement le sol. « Je ne suis pas très fan des décavaillonneuses dans ces situations, mais les lames, les outils rotatifs, les disques, les doigts Kress font tout à fait l’affaire, tant que l’on garde un sol souple », constate l’animateur. L’idéal pour lui est néanmoins d’opter pour des matériels équipés de palpeurs hydrauliques, qui exercent moins de pression et sont souvent plus faciles à régler.

Avec un chauffeur compétent et un matériel bien réglé il n’y a pas de difficulté

Si la version mécanique n’est pas rédhibitoire, notamment sur les sols légers et faciles, elle est davantage risquée pour les petits plants. Sur les matériels hydrauliques il peut être pertinent également de changer les tâteurs, en remplaçant ceux classiques en fer de 4/5 mm d’épaisseur par d’autres en fibre, de 2/3 mm d’épaisseur. Certains fabricants le proposent en option. « Ces tâteurs-là sont beaucoup plus sensibles », remarque Emmanuel Colin. Il va sans dire que le réglage de l’intercep revêt une grande importance.

Les palpeurs doivent être très sensibles, pour s’effacer facilement et ne pas risquer d’arracher les plants. Mais pas trop non plus, pour éviter de laisser d’importantes collerettes d’herbe autour du pied. Autre élément primordial : avoir un bon chauffeur. « Il vaut mieux avoir quelqu’un de précautionneux, habitué à tenir le tracteur dans la rangée, expose l’animateur Cuma. Quand on dévie de 10 centimètres sur une vigne en place l’outil s’efface, mais sur un plantier on peut faire sauter le plant. Je recommande aussi de rouler moins vite que dans les vignes adultes»

Choisir un tuteur solide permet de passer avec tous les outils

Mais l’élément clé, la première chose à faire, reste d’installer un bon tuteur. « Quand c’est le cas, n’importe quel outil peut passer sans problème », assure Emmanuel Colin. Pour Éric Noémie, il faut qu’il soit bien attaché au fil porteur, et solide pour ne pas plier ou casser. « Certains viticulteurs en mettent même un de chaque côté du pied, je ne pense pas que ce soit utile, dit-il. En revanche il faut bien le coller au pied pour réduire la distance non travaillée, sinon il faudra forcément repasser à la main. » Emmanuel Colin estime qu’une tige en fer de 5 mm suffit pour avoir une installation solide, mais trouve les tiges bambous moins adaptées à tous les interceps, car plus fragiles. « Et avec des tuteurs en U on est sûr de ne prendre aucun risque », ajoute-t-il.

Ces tuteurs sont toutefois bien plus onéreux (80 centimes l’unité, contre 20 à 30 centimes pour une tige en fer classique). Thierry Favier constate de son côté un grand retour du piquet échalas en bois. Solution qu’il préfère aux tiges en fer, moins chères mais pas forcément réutilisables et plus compliquées à gérer en fin de vie de la vigne quand elles sont restées en place. « Quant au bambou, il y a beaucoup de problèmes d’approvisionnement, ils viennent souvent de Chine, supportent mal le voyage et arrivent en mauvaise qualité », remarque-t-il. De plus en plus de viticulteurs prennent en compte la question du tuteur dès le début de la plantation, et les font poser directement à la machine en même temps que le plant. « Il y a des tuteurs carrés de 3 x 3 cm en pin scié, ils font bien l’affaire », ajoute l’expert.

Le rattrapage manuel, une opération fastidieuse mais nécessaire

Un entretien des plantiers réussi passe également par de la régularité dans les interventions. Car une herbe installée oblige à augmenter la pression sur les palpeurs, ce qui augmente aussi le risque d’abîmer les jeunes plants. « Il s’agit donc de ne pas se faire gagner par l’herbe et de passer au stade plantule, même si ça demande plus de passages », recommande Éric Noémie. Donner la priorité aux plantiers est d’autant plus pertinent que l’on peut plus facilement passer en retard dans les parcelles adultes. Et pour ne pas se laisser gagner, notamment par les vivaces, il est important de repasser à la pioche si besoin. « Je pense qu’il va falloir prendre l’habitude d’arracher les vivaces à la main quand on passe pour d’autres travaux, ajoute le conseiller. Il y a beaucoup de travaux manuels à réaliser dans les plantiers, comme les travaux en vert, je recommande de tirer les touffes d’herbe laissées par l’intercep en même temps, car il n’y a plus de solution chimique pour rattraper. »

 

[AVIS] Romain Angelras, vigneron en costière-de-nîmes (Gard) sur 104 hectares, dont 20 en bio

" Le prélevée fait économiser 2 à 3 passages d’intercep "

Nous replantons environ 4 hectares par an au domaine, ce qui nous fait une quinzaine d’hectares de plantiers à gérer. Pour les cépages rouges, qui sont en conventionnel, on fait un passage sur le rang de Cent 7/Dévrinol en prélevée au mois de mars, avant débourrement. J’essaie de bien le positionner quand c’est humide, sinon je fais un petit apport d’eau au goutte-à-goutte. Le résultat est généralement satisfaisant. Il commence à lâcher en juin, alors on passe ensuite les bineuses, sans trop attendre pour pas que l’herbe déclenche les palpeurs. Ça me fait toujours 2 à 3 passages d’intercep d’économisés au printemps. Sur la partie bio, on passe 5 à 6 fois dans l’année, avec des lames hydrauliques Gard ou Braun. Les Braun font un super boulot sur plantier. Elles sont plus faciles à régler et plus sensibles, on arrive à bien se rapprocher du cep. J’utilise des tuteurs en bambou de diamètre 12/14 mm, au moins je ne les enlève pas et suis tranquille dans les parcelles conduites en taille rase, ça fonctionne bien. Il arrive de devoir repasser dans la saison à la main, pour enlever ce qui a pu pousser entre le bambou et le plant. Mais on met toujours une céréale l’année avant la plantation et on défonce à 80 cm donc c’est plutôt propre à la base, on n’est pas trop embêtés les deux premières années.

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