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Adapter le biocontrôle en fonction du risque

Pour réussir une protection avec l’appui du biocontrôle, il est recommandé de surveiller scrupuleusement la pression parasitaire. Et de s’adapter au long de la campagne.

La protection à l'aide de produits de biocontrôle n'est pas toujours parfaite, mais l'intérêt est réel.
© J.C GUTNER

En seulement quelques années, plusieurs produits de biocontrôle antimildiou ont été lancés sur le marché. Si nous savons déjà que de telles solutions ne peuvent se suffire à elles-mêmes, les résultats des dernières années ont montré des efficacités intéressantes en les associant avec d’autres produits à dose réduite. « Même si en 2018, la plupart des essais intégrant du biocontrôle ont eu plus de mal que d’habitude ", déplore Éric Chantelot, ingénieur responsable de la protection du vignoble à l’IFV Rhône-Méditerranée. L’an dernier, il a suivi une expérimentation en conditions naturelles chez un viticulteur à Nîmes, dans le Gard. Le but était de traiter tout au long de la saison à l’aide de phosphonates, COS-OGA et cerevisiane. « Ce n’était pas catastrophique, mais nous n’avons pas pu tenir le programme initial, qui était basé uniquement sur du biocontrôle », relate l’ingénieur. Pour sauver la récolte, les expérimentateurs ont été contraints de passer en encadrement de floraison avec du cuivre, et de systématiser les passages de phosphonates, seul produit ayant des effets fongicide et systémique partiels. Malgré cela, la parcelle de syrah ainsi conduite a subi une perte de récolte de 20 %. À Gaillac, dans le Tarn, ses collègues de l’IFV ont quant à eux réalisé une autre expérience, en positionnant les produits de biocontrôle après la fleur, à la suite d’un début de programme conventionnel. Avec un résultat qui n’était pas parfait.

Il est primordial de s’aider d’un OAD pour évaluer la pression

« Je pense que ça pourrait être une bonne solution, mais pour que ça marche il faudrait réussir à tenir un état sanitaire très propre en début de saison, ce qui n’a pas été le cas cette année, même avec des produits conventionnels », estime Éric Chantelot. Sur les parcelles expérimentales de l’IFV de Rodilhan, dans le Gard, la plupart des essais intégrant du biocontrôle contre le mildiou ont fini par décrocher, l’attaque étant trop importante. « D’autant plus que nous avions contaminé les modalités en début d’année, ce qui a donné une situation littéralement explosive ", précise l’ingénieur. Que ce soit le COS-OGA ou la cerevisiane, les trois à quatre traitements réalisés avant floraison n’ont pas réussi à contenir le parasite. Et cela qu’ils aient été employés seul ou associés à des doses réduites de produits conventionnels. Ce qui fait dire à Éric Chantelot qu’en 2018, il ne fallait tout bonnement ne pas utiliser de biocontrôle dans le secteur, la pression étant historique. « Lorsque l’on souhaite employer de tels produits, il faut s’adapter au risque », dit-il. À l’avenir, l’idée quand on entre dans une telle démarche serait de se rapprocher des systèmes d’alerte et de modélisation, et d’arrêter rapidement si la pression parasitaire devient vraiment incontrôlable, comme ce fut le cas l’an dernier. « Il faut évidemment s’adapter en fonction de la saison et faire attention à ne pas trop tirer sur la baisse des doses, acquiesce Laurent Poupelard, directeur technique chargé de développement chez Soufflet Vigne. Mais ça reste des produits intéressants si l’on a un bon suivi de parcelles. »

Un potentiel gain d’efficacité de 20 % avec Bastid, Romeo ou Redeli

Le technicien en veut pour preuve que les réductions de dose atteintes par le programme opt’IFT, développé par le distributeur, atteignent 12 à 60 %, avec une moyenne de 40 %. Notamment grâce au biocontrôle. L’an dernier, il a mené des expérimentations sur les trois produits antimildiou que sont Romeo, Bastid et Redeli à Chablis et Bordeaux. Le but de ces essais était d’une part d’évaluer l’efficacité intrinsèque de ces spécialités, en les utilisant seuls, et d’autre part de tester une association avec du cuivre, en vue de réduire les doses de ce dernier. En solo, les produits étaient employés à des cadences similaires aux formulations classiques, soit douze à quatorze jours. En duo, ils étaient associés à 50 g de cuivre métal et épandus à une cadence de dix à douze jours, soit 9 traitements dans la saison. Dans le premier cas, les observations montrent sans surprise que la protection n’est pas suffisante. Mais on note un effet significatif, avec des efficacités comprises entre 25 et 40 points par rapport à un témoin non traité. « Nous pensions que le Redeli serait au-dessus du lot, mais il est dans la même veine que les deux autres, reporte Laurent Poupelard. Sur Bordeaux, Bastid et Romeo étaient équivalents, mais sur Chablis, Bastid était légèrement en dessous. » En association avec le cuivre, les produits ont permis de gagner environ 20 % d’efficacité par rapport au même programme sans biocontrôle. Dans le Bordelais, la modalité ayant reçu 4 kg de cuivre sur l’année a montré une fréquence de mildiou sur grappe de 80 %, avec 20 % d’intensité.

Privilégier les phosphonates sur les deux premiers traitements

Les modalités ayant reçu les 4 kg de cuivre plus un produit de biocontrôle étaient respectivement à 60 % et 10 %. « Ce n’est pas parfait, mais c’est sécurisant », estime le technicien. Pour lui, le positionnement de tels produits est plutôt intéressant avant la floraison. Sur les 2e, 3e voire 4e traitements pour la cerevisiane et le COS-OGA, et sur les débuts ou fin de cycle végétatif pour les phosphonates, de par leur effet systémique. « En bio, on peut aussi les utiliser pour sécuriser les traitements lors de la floraison, poursuit Laurent Poupelard. Mais en conventionnel, je préconise plutôt de rester sur une spécialité haut de gamme en solo. » Quant à l’huile essentielle d’orange douce, qui est également autorisée en biocontrôle et qu’il a eu l’occasion de mettre à l’épreuve auparavant, il la recommande davantage sur oïdium que sur mildiou.

Immunrise tire les enseignements d’une campagne hors norme

Les traitements à base d’algues contre le mildiou ont été mis à l’épreuve en 2018. La société Immunrise va faire évoluer la formulation et la concentration pour la campagne 2019. « Les premiers essais en 2017 de notre solution à base d’algues pour lutter contre le mildiou étaient encourageants avec notamment un essai à Cognac avec 9 applications et 100 % d’efficacité », rappelle Laurent de Crasto, cofondateur de la start-up Immunrise. Sur un autre essai dans le Médoc, avec un début de protection au cuivre, l’efficacité était de l’ordre de 50 %. L’année 2018 devait être celle de la confirmation de ces bons résultats, mais cette solution alternative a été mise à rude épreuve avec un millésime mildiou hors norme. La solution antimildiou à base d’algues a montré ses limites en termes d’efficacité et de résistance au lessivage notamment. « Dans un essai à Saint-Émilion, nous avons constaté que le produit était lessivé avec des pluies supérieures à 40 mm. Par ailleurs, notre nouvelle solution a visiblement été confrontée à un mildiou dont la virulence était très supérieure à celle que nous avions testée dans nos laboratoires pour l’élaboration du produit », explique Laurent de Crasto. Au final, le mildiou s’est développé et la récolte a été quasi inexistante avec des dégâts proches du témoin non traité, avec seulement un décalage de quelques jours en faveur du programme à base d’algues.

Nouvelle formulation et nouvelle concentration pour 2019

Plusieurs autres sites d’essais avaient été programmés mais n’ont pu être conduits à terme par manque de produit et suite à des orages de grêle. Pour apporter des réponses aux difficultés rencontrées en 2018, la société Immunrise a décidé de faire évoluer la formulation de sa solution à base d’algues, avec des coformulants qui permettront d’améliorer la tenue au lessivage. Par ailleurs, pour assurer l’efficacité des algues face aux souches de mildiou rencontrées sur le terrain, la concentration du produit va passer de 3 g d’algues par litre à 10 g d’algues par litre. « Ces deux modifications majeures ainsi que l’évolution de notre capacité de production d’algues devraient nous permettre de poursuivre les essais en 2019 dans de bonnes conditions dans une dizaine de propriétés », rapporte Laurent de Crasto. À suivre.

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