« Un parage annuel des vaches laitières est insuffisant »
        
      
      
            Pour Pieter Geboers, vétérinaire dans la Meuse, un parage préventif régulier et la précocité de la prise en charge sont essentiels pour réduire les boiteries. Et il ne faut pas hésiter à lever le pied dès qu’une vache boite.
      
Pour Pieter Geboers, vétérinaire dans la Meuse, un parage préventif régulier et la précocité de la prise en charge sont essentiels pour réduire les boiteries. Et il ne faut pas hésiter à lever le pied dès qu’une vache boite.
Que faire au niveau sanitaire pour prévenir les boiteries ?
P. Geboers : La propreté des pieds est très importante. S’ils sont sales, le risque de lésions infectieuses augmente fortement. En salle de traite, il faut les laver une à deux fois par semaine. Certains robots lavent aussi les pieds, plus ou moins efficacement et entièrement. Et un pédiluve de 3 à 3,50 m de long permet d’assurer leur propreté. Il doit être installé là où il dérange le moins. Et une fois tous les quinze jours, on peut y mettre un produit préventif contre la dermatite et le fourchet. Si les pieds sont vraiment sales, il faut les laver avant le passage en pédiluve.
Un parage régulier est-il la solution ?
Le parage régulier par un pédicure est essentiel. En rééquilibrant les charges à l’intérieur de l’onglon et entre les onglons, il prévient beaucoup de boiteries. Et il aide à déterminer les lésions qui font boiter. Dans notre cabinet, les pédicures utilisent un logiciel qui note les lésions avec leur niveau de gravité. Cela permet de déterminer la pathologie dominante, ce qui nous oriente pour chercher les facteurs de risque. On peut ensuite proposer deux à quatre éléments à changer sur la conduite, le bâtiment, l’alimentation…, pas plus, sinon l’éleveur ne le fera pas.
Quand doit-il intervenir ?
Un parage préventif est bienvenu juste avant le tarissement et quarante à soixante-dix jours après vêlage. Si la vache boite pendant le tarissement, elle va moins manger, maigrir et la lactation à suivre se passera mal. L’objectif est d’avoir zéro boiterie au tarissement. Et ensuite, comme 80 % des problèmes métaboliques surviennent les deux mois suivant le vêlage, et qu’il y a un effet retard de six à huit semaines sur les boiteries, cela permet de soulager les vaches qui ont souffert, pour que la lactation persiste dans le temps.
Un parage annuel est-il suffisant ?
Un parage annuel s’avère insuffisant. À l’instar d’un suivi de repro, il faut intégrer la gestion des pieds dans le planning de l’élevage. Selon les conditions et les attentes des éleveurs, il faudra s’attaquer au problème selon un rythme adapté. Et entre les interventions du pareur, l’éleveur interviendra au cas par cas si nécessaire et sans attendre. Dans notre cabinet, nous passons toutes les quatre à huit semaines chez les éleveurs. Les rendez-vous sont programmés un an à l’avance. À chaque rendez-vous, nous parons toutes les vaches à tarir entre ce jour et le prochain rendez-vous et toutes celles qui sont entre quarante et soixante-dix jours après vêlage, sans oublier les génisses.
Concrètement, quels résultats observez-vous sur les boiteries ?
Le parage préventif réduit fortement les boiteries. Le suivi coûte 4 000 à 7 000 € pour 100 vaches. Mais s’il y avait beaucoup de vaches boiteuses avant le suivi, nous constatons régulièrement une augmentation de 5 l/j/VL. Les éleveurs rapportent aussi des impacts positifs sur la reproduction, des vaches qui expriment mieux les chaleurs, des intervalles vêlage-vêlage raccourcis. Le nombre de boiteries graves diminue aussi fortement et des lésions comme la nécrose de la pince, l’ouverture de la ligne blanche nécrosée… deviennent quasi inexistantes.
Que faire si une vache se met à boiter ?
La précocité de la prise en charge est essentielle. Plus on intervient tôt, plus il y a de chances de guérison et plus vite la vache va remanger, se déplacer… Dès qu’une vache boite, il faut lever le pied pour détecter les lésions et si besoin parer et/ou traiter. Pour cela, l’éleveur doit se former au parage et disposer d’une cage opérationnelle, qui permette d’intervenir rapidement.
Comment procéder pour traiter ?
Pour la dermatite digitée, le sulfate de cuivre et de zinc donne de bons résultats. Le traitement peut se faire au pédiluve, par pulvérisation ou par application sur le pied avec un pansement. On peut aussi faire des pansements à base d’acide salicylique. Il faut bien nettoyer la plaie, appliquer le produit et laisser sous pansement pendant trois-quatre jours. Il faut traiter rapidement la dermatite, pour éviter qu’elle n’évolue vers le stade M4, qui est le réservoir pour le troupeau et peut évoluer et devenir contagieux. Mais la seule lésion qui nécessite rapidement un antibiotique est le panaris, qui se traduit par une vache qui boite soudainement et fortement et un gonflement symétrique au niveau de la couronne et du paturon.
"La précocité du diagnostic et du parage est essentielle."
Avis d’éleveur : Marc Saunois, éleveur dans la Meuse
« Le parage préventif a sauvé le troupeau »
« Le bâtiment de nos soixante vaches laitières est ancien et il y a toujours eu de la dermatite digitale sur le troupeau. Le pareur venait une fois par an et nous avons essayé plusieurs traitements, sans succès. En 2013, nous avons réalisé des travaux et j’ai délaissé le troupeau. Il n’y a pas eu de parage et la dermatite a explosé. J’étais prêt à arrêter le lait. J’ai discuté avec mon vétérinaire et nous avons décidé de mettre en place un parage régulier, d’abord trois-quatre fois par an, puis tous les deux mois. Le pédicure pare les boiteuses s’il y en a, ainsi que les vaches à tarir et les vaches de quarante à soixante-dix jours après vêlage. Il n’y a plus qu’une forte boiteuse tous les trimestres. Dès la première année, nous avons gagné 3 l/VL et la fertilité s’est améliorée. L’intervalle vêlage-vêlage est descendu à 383 jours. Je me suis aussi formé au parage et nous avons acheté une cage pour que je puisse en réaliser certains, car les pédicures sont aujourd’hui très demandés. »
La piste de la génétique
Un déterminisme génétique à la sensibilité aux affections du pied a été mis en évidence chez les bovins. L’héritabilité varie de 0,02 (lésions non infectieuses) à 0,08 (lésions infectieuses), soit autant que l’héritabilité de la reproduction. Des perspectives d’amélioration de la santé des pieds par la voie génétique existent donc. Innoval a ainsi créé deux Index génétiques en Prim’Holstein et Pie Rouge : l’index RLI (Résistance aux Lésions Infectieuses), qui concerne les dermatites (50 % du calcul de l’index), l’érosion de la corne du talon (25 %) et la limace (25 %) et l’index RLNI (Résistance aux Lésions Non Infectieuses), qui porte sur l’ouverture de la ligne blanche (40 % du calcul), l’ulcère de la sole (40 %), la bleime circonscrite (10 %) et la bleime diffuse (10 %).